Le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, a échangé dans la soirée du dimanche 27 décembre 2015 -soit deux jours de la fin de la transition politique- avec la presse nationale et internationale à Ouagadougou. Durant plus de 90 minutes, le chef du gouvernement sortant a fait le bilan des 13 mois qu’aura duré la transition. Réforme de l’armée, son grade à polémique de Général de division, les écoutes téléphoniques, la fameuse tentative de libération des généraux Diendéré et Bassolé sont, entre autres, les sujets abordés.
Le 24 décembre, la veille de Noël, une rumeur faisait état d’une tentative de libération des généraux Bassolé et Diendéré de la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) où ils sont incarcérés depuis la tentative de putsch de l’ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Cette information a été confirmée par le Premier ministre, qui a tenu à préciser qu’il ne s’agissait pas d’une tentative d’évasion mais plutôt « des jeunes soldats qui ne comprennent rien du tout qui ont voulu aller libérer le Général Diendéré afin qu’il remettre en place le RSP».
« Cela est absurde. Toujours est-il que ces genres de questions, dès lors où les armes peuvent crépiter, il faut toujours gérer cela avec de la patience et de la retenue. Nous avons procédé à des interpellations pour leur faire comprendre que ce projet est voué à l’échec avant même d’être né. Ils devront donc répondre devant la justice pour le simple fait d’avoir pensé que cela était possible », a affirmé Yacouba Isaac Zida.
Quant aux attaques terroristes perpétrées sur le sol burkinabè (Tambao, Samorogouan, Oursi) et la sécurité intérieure en général, il a indiqué que le Burkina Faso ne saurait être un cas isolé et que les forces de défense et sécurité veillent au grain afin de parer à toute éventualité.
Revenant sur les écoutes téléphoniques qui seraient une conversation entre Djibril Bassolé et de Gilbert Diendéré, Isaac Zida a une fois de plus confirmé l’authenticité de cette bande audio. Pourtant, le directeur de la justice militaire avait indiqué mercredi 23 décembre dernier que la bande n’est pas encore authentifiée et que pour le faire, « il faudrait saisir un expert agréé par les juridictions, en reconnaissance vocale ».
« C’est authentique parce que nous avons obtenu ces écoutes à partir de moyens techniques et scientifiques. Quand Angéla Merkel dit qu’Obama l’écoute, pourquoi vous ne dites pas que c’est faux ? On a acheté ces outils avec l’argent du contribuable burkinabè, c’est pour que cela serve à sa sécurité. Il ne faut pas qu’on se moque de l’intelligence du peuple burkinabè pour remettre en doute des choses évidentes», a rétorqué le chef du gouvernement.
Aucun problème à revenir dans l’armée en tant que Lt-colonel
Quant à sa nomination au grade de général de division, il a indiqué n’avoir pas eu vent d’aucun problème venant de l’armée. Il estime son grade mérité du fait qu’il a été chef de l’Etat et ministre de la Défense. « Je n’ai pas de problème à revenir dans l’armée en tant que lieutenant-colonel. Mais je pense que cela gênerait l’armée», a-t-il dit.
Pour lui, il est général et cela est désormais une évidence : « J’ai été promu général depuis le 26 novembre 2015, le décret prenant effet pour compter de sa date de signature. Je considère que j’ai porté depuis ce jour le grade de général. Maintenant, si vous voulez me voir en tenue, attendez que je puisse déposer mes charges de Premier ministre parce que je ne veux pas donner l’impression aux Burkinabè qu’ils ont un militaire comme Premier ministre. Cela ne fera pas de très belle image pour notre démocratie en construction ».
En ce qui concerne son avenir après les passations de charges avec les nouvelles autorités, il a laissé entendre qu’en tant que soldat il est à la disposition des autorités politiques. « J’irai accomplir ma mission là où on va m’envoyer » a-t-il avancé. Il a indiqué avoir été consulté pour un poste d’ambassadeur à Washington aux Etats Unis. Mais pour lui, il reviendra au nouveau président élu de lui confier ou non cette charge car l’ambassadeur est avant tout le représentant du chef de l’Etat.
Bientôt le livre bilan de la transition
Quant au bilan de la transition, le Premier ministre l’a jugé satisfaisant au regard des objectifs atteints. En 13 mois, son équipe lui et ont su tracer les sillons d’une véritable démocratie à travers l’adoption de réformes profondes dans toutes les sphères de la société burkinabè. : « Nous avons compris que le peuple burkinabè avait besoin d’un changement et c’est pour cela que nous avons procédé à des réformes institutionnelles profondes. Je suis satisfait du bilan de la transition car en une année, nous avons pu adopter 108 lois, ce qui n’a jamais été vu en 5 ans de législature. »
Pour lui également, « la santé financière est meilleure » que celle qu’ils sont venus trouver en novembre 2014. « Nous sommes venus trouver un déficit de trésorerie de près de 214 milliards. Nous avons travaillé à combler ce déficit » a-t-il ajouté.
Son seul regret est que la transition n’ait pas pu apporter de réponses en matière d’emploi des jeunes. Quant aux insuffisances constatées, il répond « qu’aucune œuvre humaine n’est parfaite ».
Notons qu’un livre sera bientôt édité sur les grands axes du parcours de la transition au cours de ces 13 derniers mois. Il sera intitulé « Burkina Faso, 1 an de transition ». Son draft a été présenté à la presse à la fin des échanges.
Dimitri KABORE