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Crise Burundaise : Nkurunziza entre le marteau de la rébellion et l’enclume de l’UA
Publié le lundi 28 decembre 2015  |  Le Pays




Le Burundi, aujourd’hui, offre au monde l’image d’un pays où les populations sont livrées à la férocité au quotidien de l’Etat. Cette férocité est la réponse que Pierre Nkurunziza et son clan apportent à tous ceux qui contestent son troisième mandat. Un habitant de Bujumbura a su bien dépeindre la situation en ces termes, on ne peut plus poignants : «  la durée de vie d’un Burundais est de 24 heures renouvelable ». En effet, au pays de Nkurunziza, on ne compte plus le nombre de tués, d’exécutions sommaires et de disparus. La violence a gagné en intensité après les attaques contre des camps militaires et la répression sanglante du 11 décembre dernier à Bujumbura.

Pierre Nkurunziza est un homme sans état d’âme qui est prêt à tout pour s’imposer aux Burundais

Pendant que le pouvoir parle de « 87 ennemis tués et de 45 prisonniers », des organisations locales et internationales font état de plus de 154 morts et d’environ 150 jeunes portés disparus. On se croirait au Chili, sous le général Pinochet. La grande question que l’on doit se poser est de savoir qui va arrêter le rouleau compresseur de la mort et de l’arbitraire dans ce petit pays de l’Afrique orientale qui, depuis son indépendance en 1962, n’a jamais véritablement goûté à la joie de la paix et de la cohabitation harmonieuse entre les communautés ethniques qui le composent. L’UA (Union africaine), on se rappelle, s’était proposée d’y envoyer 5 000 hommes pour protéger les populations et favoriser le rapprochement des protagonistes de la crise par le dialogue. L’homme fort de Bujumbura a vite fait de brandir la souveraineté de son pays pour rejeter avec force cette initiative. De ce point de vue, il considère toute intervention de l’institution panafricaine dans son pays comme une invasion. Et pour donner l’impression que sa perception des choses est partagée par le peuple burundais et qu’une telle intervention est inopportune, il recourt à deux armes dont seuls les dictateurs ont le secret : l’instrumentalisation des populations et le déni de la réalité. En effet, et relativement à la première arme, des manifestants visiblement remontés contre l’initiative de l’UA, sont descendus dans les rues de Bujumbura et des provinces pour exprimer leur colère. L’argument avancé est le suivant : « Etant donné que le peuple est souverain, nous ne pouvons pas accepter que la force de l’Union africaine vienne au Burundi ». La deuxième arme à laquelle le satrape de Bujumbura recourt, est qu’il clame, à qui veut l’entendre, que le pays, est calme et que la paix y règne. Ce déni de la réalité est d’un cynisme froid, qui en dit long sur la personnalité de Pierre Nkurunziza. C’est un homme sans état d’âme qui est prêt à tout pour s’imposer aux Burundais. Les centaines de morts qu’il laisse sur son chemin ne lui font ni chaud ni froid. Dans ces conditions, l’on peut dire que le pire est à venir. La situation pourrait virer au génocide si l’on n’y prend garde. Pour ne pas en arriver là, l’UA, qui s’était prononcée clairement en disant qu’elle n’accepterait pas un autre génocide sur le sol africain, doit agir ici et maintenant pour sauver le peuple burundais de la gueule du loup. L’institution que dirige Dlamini Zuma, semble maintenir cette posture et ce, malgré l’ire de Nkurunziza et de son clan. C’est dans ce contexte qu’une rébellion armée a été portée sur les fonts baptismaux, le 22 décembre dernier, par un ancien lieutenant-colonel de l’armée burundaise, Edmond Nshiminirama.

Si le Burundi est aujourd’hui dans l’antichambre de l’enfer, l’UA en est en partie responsable

A la tête des Forces républicaines du Burundi (Forebu), ce dernier a clairement indiqué que son objectif était de faire partir, par la force, Pierre Nkurunziza et de veiller au respect de l’accord d’Arusha. L’on peut, dès lors, dire que Nkurunziza est entre le marteau de la rébellion et l’enclume de l’UA. Ces deux moyens de pression pourront-ils contraindre le maître de Bujumbura à revenir à de meilleurs sentiments ? L’on peut malheureusement y répondre par la négative. D’abord, l’on peut douter de la mise en place effective du contingent armé de l’UA. En effet, pour mettre en route une telle force en direction du Burundi, il faut au préalable l’accord des chefs d’Etat africains. A ce niveau, l’on peut parier que des voix et pas des moindres, se feront entendre pour combattre avec véhémence cette idée. Et la raison en est simple. Pierre Nkurunziza n’est pas le seul, au sein de ce syndicat de Chefs d’Etat, à avoir usé de subterfuges pour s’accrocher à son fauteuil. Certains l’ont déjà fait, et d’autres se préparent à le faire. Tous ces pouvoiristes n’hésiteront donc pas, un seul instant, à monter sur leurs grands chevaux pour torpiller l’idée défendue par Dlamini Zuma. On a alors des raisons de croire que cette force annoncée ne verra jamais le jour. Il reste la rébellion animée par Edouard Shiminirama qui jure de débarrasser le Burundi de Pierre Nkurunziza. Là aussi, le risque est grand que cela suscite davantage la violence. Car ce pasteur-président, qui était à la recherche d’un alibi pour égorger et torturer tous ceux qu’il soupçonne de l’empêcher de gouverner en rond, l’a maintenant sur un plateau d’or. Désormais, il évoquera la menace que représente la rébellion Forebu pour justifier les tueries et les arrestations à la pelle. « Les ennemis de l’intérieur seront anéantis". Seront considérés comme tels, tous les opposants politiques et les membres des organisations de la société civile qui ont encore la témérité de dénoncer les excès du satrape. Et dans ce genre d’exercice, les dictateurs excellent. Au rythme où vont les choses, l’on peut craindre des affrontements intercommunautaires dans ce pays où les questions ethniques se sont toujours invitées dans le débat politique. Mais si le Burundi est aujourd’hui dans l’antichambre de l’enfer, l’UA, peut-on dire, en est en partie responsable. En effet, pour n’avoir pas su agir en amont et pour avoir pris dans bien des cas le parti des chefs d’Etat contre celui de leur peuple, cette institution a servi de marchepied aux dictateurs. Et l’ironie du sort a voulu que ce soit un autre dictateur, qui ne vole pas plus haut que Nkurunziza en matière de démocratie, Yoweri Museveni, qui ait été retenu pour veiller au chevet du Burundi. L’on peut en déduire que celui-ci fera la part belle à l’un des membres de la confrérie des satrapes, à laquelle le médiateur himself appartient. Pour toutes ces raisons, l’on a des raisons de croire que ce n’est pas demain la veille que le calvaire du peuple burundais prendra fin.
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