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Sidwaya N° 7426 du 29/5/2013

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Soins de santé à Ouagadougou: Dans les labyrinthes de l’automédication
Publié le jeudi 30 mai 2013   |  Sidwaya




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Dans la ville de Ouagadougou, des personnes se procurent allègrement les médicaments dans les officines pharmaceutiques, sans un avis médical. C’est ce qu’on appelle l’automédication, une pratique audacieuse, devenue courante dans la capitale burkinabè, avec des conséquences gravissimes.

L'automédication se définit comme «l’utilisation, hors prescription médicale, par des personnes pour elles-mêmes ou pour leurs proches et de leur propre initiative, des médicaments». Le constat de nos jours, c’est que la pratique prend de l’ampleur au Burkina Faso, particulièrement dans la ville de Ouagadougou.

Pourquoi nos concitoyens recourent-ils de plus en plus à cette pratique, parfois dangereuse ? Aminata Andognaba achetait ses médicaments sur prescription médicale. Mais avec le temps, elle s’est presque transformée en agent de santé. Du coup, quand les mêmes symptômes se manifestent, elle ne part plus en consultation. Elle se réfère aux anciennes ordonnances qu’elle a déjà utilisées pour acheter ses médicaments dans les officines. « J’ai déjà pratiqué l’automédication sur mon enfant. Quand elle avait des mycoses ou le paludisme, je me rendais dans un centre de santé. A la longue, quand l’enfant souffrait de l’un de ces maux, je me referais aux ordonnances prescrites auparavant, et cela me réussissait », explique-t-elle.

Grâce à cette expérience acquise, Dame Aminata se targue de passer une année entière sans se rendre dans un centre de santé. « Je pouvais donc faire une année sans aller au dispensaire, car j’avais une certaine expérience des produits prescrits contre le paludisme et les mycoses. Quand j’allais au dispensaire, on me prescrivait tout le temps, les mêmes produits. Alors, je me suis demandée s’il fallait me rendre dans un centre sanitaire », se justifie-t-elle.

Par ailleurs, pour la majorité des personnes pratiquant l’automédication, c’est l’extrême pauvreté qui en est la principale cause. Certains ménages démunis peinent à avoir de l’argent de la consultation. Cette situation a conduit beaucoup de personnes à recourir aux médicaments de la rue, une autre forme d’automédication, encore plus dangereuse. Il y a également des gens qui avancent qu’ils se livrent à cette pratique à cause du manque de temps, étant donné qu’il faut parfois faire le pied de grue devant les salles de consultation. Selon eux, l’attente est une perte de temps.

Suivre toujours les conseils d’un pharmacien

Selon le président de l’Ordre des pharmaciens du Burkina, Dr Jean Laopan, l’automédication peut être pratiquée dans certains cas. Son avis est que les patients souffrant de maladies qualifiées de bénignes comme la toux, le rhume et la fatigue n’ont pas nécessairement besoin d’aller en consultation. Ils peuvent se procurer directement des médicaments en pharmacie. A l’entendre, la pratique de l’automédication, selon les cas, se veut être un traitement de courte durée et sur conseils du pharmacien, d’autant plus que l’automédication ne concerne pas tous les médicaments. « Les produits dangereux et ceux qui ont des effets non désirables sérieux nécessitant une surveillance médicale, comme les stupéfiants, ne font pas partie de l’automédication », précise Dr Laopan. Il ajoute que des produits comme le paracétamol, la vitamine C (CAC1000) sont des médicaments à prescription médicale facultative, acceptés dans l’automédication objective.

Dans la même veine, le directeur de l’approvisionnement pharmaceutique à la Direction générale de la pharmacie, du médicament et des laboratoires (DGPML), Dr Arsène Ouédraogo, explique que des médicaments peuvent être servis en pharmacie sans ordonnance, sur conseils du pharmacien. Mais pas des spécialités dont les effets secondaires sont ignorés. S’agissant de l’automédication dans la rue, Dr Ouédraogo est catégorique : « Les personnes qui consomment les médicaments de la rue sont exposées à la mort, dans le pire des cas. Il y a des incapacités qui peuvent survenir ».

Des conséquences incalculables

Il considère que la pratique, en elle-même, peut provoquer d’autres complications et dégrader davantage la santé du patient. « Le traitement peut correspondre au mal que nous ressentons, mais comme nous n’avons pas les qualités cliniques, nous pouvons l’utiliser en sept jours au lieu d’une prise de deux jours. Nos douleurs vont s’apaiser, mais nous allons nous rendre compte qu’au fur et à mesure, l’organisme développe des résistances », prévient le Dr Arsène Ouédraogo. Pis, elle peut déboucher sur des conséquences gravissimes sur la santé.

Le médecin généraliste, Christiane Nikièma, à l’Office de santé des travailleurs (OST), soutient qu’il peut y avoir aggravation de la maladie par un surdosage ou un sous-dosage et cela pourrait avoir des répercussions sur des organes vitaux de l’organisme et parfois, conduire à la mort. Le Dr Jean Paré, lui, fait allusion aux crises, aux comas et même à la mort. Chez les femmes enceintes, l’automédication est préjudiciable au fœtus. De l’avis du Dr Victorine Tiahoun, médecin gynécologue au CMA de Kossodo, le bébé peut être intoxiqué, à travers le contact direct qu’il a avec sa mère par le truchement du cordon ombilical et du placenta. Elle note également que la pratique peut provoquer des avortements ou des malformations du bébé, au premier trimestre de la grossesse.

L’automédication présente aussi un danger pour la santé de l’enfant du fait que celui-ci soit un être en perpétuelle croissance. Pour le Dr Valérie Marcella Zombré, en service à la direction de la santé de la mère et l’enfant, l’automédication chez l’enfant peut avoir des répercussions néfastes sur les organes comme le foie, les reins, qui n’ont pas fini de se développer.

Elle évoque également le retard de croissance que peut entraîner ce type de pratique. « Lorsqu’on donne un médicament à un enfant, sans maîtriser la posologie exacte, cela peut être insuffisant pour neutraliser le microbe qui va fabriquer une carapace pour se protéger. Du même coup, le microbe devient résistant à tout traitement du produit pris auparavant, et celui-ci transmet la résistance à tous ses descendants », explique Dr Benoit Benon. De ce fait, il ajoute que l’enfant court le risque de prendre des médicaments incompatibles et cela peut entraîner une intoxication.

Dr Arsène Ouédraogo pense qu’au-delà des conséquences sanitaires, la pratique de l’automédication a une incidence financière. « Si les gens faisaient des analyses approfondies, ils se rendraient compte que l’automédication leur fait plus dépenser. Ne connaissant pas le mal dont ils souffrent, ils vont tâtonner pour acheter des produits qui ne les soignent pas. Aussi, s’ils sont confrontés à un problème lié à l’automédication, ils vont dépenser plus qu’ils ne le pensaient », confie-t-il.

Venir à bout de la pratique

Pour lutter contre la pratique de l’automédication, Dr Christiane Nikièma à l’OST, recommande de sensibiliser la population, surtout les femmes. Elle suggère d’interdire l’accès facile aux médicaments dans les officines tout en exigeant toujours une ordonnance médicale. Elle préconise aussi, l’interdiction de la vente des médicaments de la rue.

De son coté, Dr Arsène Ouédraogo estime qu’il est nécessaire d’inviter les praticiens de la santé à revenir sur les principes de base en matière de santé, tels que le respect des patients, être au service de ceux-ci, afin d’amener la population à avoir confiance aux agents de santé. Mme Zombré, pour sa part, exhorte les gens à se rendre dans un centre de santé, lorsqu’ils sentent un mal. Elle fait savoir que pour administrer des produits à un enfant, il faut connaître son poids et sa taille, et seul l’agent de santé est habileté, en ce moment, à prescrire le dosage nécessaire. « On ne peut pas prendre les médicaments réservés aux adultes pour les diviser pour les tout petits », indique-t-elle. Mme Tiahoun, quant à elle, recommande toujours aux parturientes, d’informer les agents de santé de leur état, avant toute prise de médicament.

Wamini Micheline OUEDRAOGO

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