Deux semaines après le retour d’une vingtaine de ressortissants burkinabè de Libye, 179 autres ont atterri jeudi soir à l’aéroport international de Ouagadougou, fuyant la guerre civile et la crise économique engendrée par l’insécurité croissante. L’opération a été coordonnée par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui a notamment pris en charge leur nuit dans la capitale et le retour vers leurs villages dès le lendemain matin.
22h10, le charter de la compagnie libyenne Ghadames Air se pose sur le tarmac de l’aéroport international de Ouagadougou. Un policier tient d’abord à distance la dizaine de journalistes conviés à l’événement, avant de céder à leurs exigences et de les laisser attendre au pied de la passerelle de débarquement. A peine la porte de l’aéronef ouverte, caméramen et photographes se ruent sur les migrants, appareils au poing.
Premier à descendre, Ibrahim Saada lâche ses béquilles pour saluer de la main, avant de se prêter aux questions de cet intrusif comité d’accueil. Veste en jeans et casquette à fleurs sur la tête, il raconte rapidement comment il a reçu une balle dans le pied. «Je m’en souviens très bien, c’était le 4 août dernier. Des bandits sont arrivés chez moi et m’ont tiré dessus. Vraiment ce n’est pas bon, ce qui se passe en Libye», explique le trentenaire.
Parti en 2010 pour travailler comme installateur de climatiseurs, il revient cinq ans plus tard sans le sou, et presque sans aucun bagage. Sacoche de cuir marron en bandoulière, il s’engouffre de sa démarche claudiquante dans le bus qui effectue la navette jusqu’au sas d’arrivée. Demain, il prendra la route de Manga pour retrouver sa famille qu’il n’a pas vue depuis une demi-décennie.
Des milices civiles et plus de travail
Dans la longue queue qui s’est formée devant le poste de contrôle d’identité, une équipe sanitaire passe pour distribuer à chacun une solution désinfectante, menace d’Ebola oblige. Les mines sont fermées et peu nombreux sont ceux qui souhaitent s’exprimer. Le regard encore apeuré, Ousséni Yala accepte néanmoins de livrer son témoignage. «J’ai fait plusieurs séjours en prison, sans aucune raison. Là-bas, il n’y a plus de différences entre milices civiles et policiers. Ils t’arrêtent et demandent une rançon à tes frères. Les centres de détention sont plein à craquer », dénonce le jeune laveur de vitres.
Un peu plus loin, Yacouba Miaomé rapporte lui aussi comment il a vu progressivement la situation se dégrader depuis la chute de Muhammar Khadafi en 2011. «Il n’y avait plus de travail, donc j’ai préféré revenir au pays. Ici au moins il y a la solidarité familiale et tu arrives à t’en sortir quoi qu’il arrive. Je remercie l’OIM de m’avoir permis de rentrer», confie ce solide gaillard de 23 ans, épaisse veste noire et grise sur les épaules. Avant de récupérer ses valises, puis de monter dans le car spécialement affrété par l’Organisation pour conduire les réfugiés jusqu’à l’hôtel de Somgandé où ils passeront la nuit.
600 migrants Burkinabè en difficulté
«Nous avons dépensé deux millions de francs CFA, rien que pour couvrir les frais d’hébergement et d’accompagnement à leur arrivée à Ouagadougou», affirme Abdel Rahmane Diop, chef du bureau de l’OIM au Burkina Faso, qui précise que chacun recevra également 20 000 francs pour le transport et le ravitaillement jusqu’à son village d’origine. «Je tiens à souligner que tous ceux que nous aidons sont des rapatriés volontaires. Avec l’aide de nos partenaires, nous facilitons simplement leurs démarches administratives et logistiques.»
Ces actions font partie du projet «Prévention et gestion des flux de migration irrégulière du désert du Sahara à la Méditerranée», cofinancé par l’Union européenne et la Coopération italienne. Il prévoit sur deux ans l’assistance au retour de 600 migrants burkinabè en difficulté, principalement depuis la Libye, le Niger et l’Algérie. Les 20% les plus vulnérables d’entre eux seront également accompagnés dans leur réintégration sociale et professionnelle. «Nous travaillons pour mobiliser des ressources supplémentaires, afin qu’à l’avenir tout le monde soit pris en charge», assure M. Diop.
Thibault Bluy