La région du Nord n’est pas la mal lotie en matière de potentialités en eau au Burkina. Drainée par les eaux du fleuve Nakambé encore appelé la volta blanche, la région a aussi des retenues d’eau et un barrage légendaire, le barrage de Dourou dans la commune rurale de Gomponsom, dans le Passoré, construit en 1986 par feu Oumarou Kanazoé. Cependant, l’accès à l’eau potable demeure un problème crucial dans ladite région. Les pollutions dues aux activités aurifères, l’entretien des barrages existants et la nécessité de construction d’autres barrages constituent de gros écueils qu’endurent les populations.
La région du Nord du Burkina, vaste d’une superficie de Superficie 17 885Km² (6,5% du territoire national), abrite une population estimée selon des données de 2002 à 1 153 414 Habitants (8,99% de la population du Burkina), soit une densité d’environ 64 hbts/km² (moyenne nationale = environ 47 hts/km²). Son sol; de 6 principaux types, à savoir les lithosols sur cuirasse, les sols bruns eutrophes sur roches basiques, les sols ferrugineux tropicaux lessivés ou appauvris, les sols hydromorphes, les sols peu évolués d’érosion gravillonnaire, les sols sodiques hydromorphes; fait de la région l’une des plus riches en terme de potentialités aurifères. Séguénéga, Guitti et bien d’autres localités de la région sont des terreaux d’exploitation artisanal de l’or. Et cette situation n’est pas sans conséquence sur les plus de 100 retenues d’eaux que compte la région. A Guitti, village de Séguénéga, dans la province du Yatenga, les mêmes eaux servant à la boisson sont utilisées dans le cadre de l’exploitation aurifère dans un site situé d’ailleurs non loin des sources d’eau. Pour les populations locales, pourtant bien conscientes des risques de problèmes sanitaires liés à la consommation des eaux polluées, il n’ y a pas d’autres solutions pour étancher sa soif. L’espoir semble renaître avec le projet de construction du barrage de Guitti, dans la commune de Séguénéga d’une capacité de 43,7 m3 qui devra à terme approvisionner la ville de Ouahigouya, la commune de Séguénéga et 29 villages en eau potable. Mais pour combien de temps doit durer cette attente ? Cette inquiétude était au cœur des échanges que les populations locales ont eu avec la ministre en charge de l’Eau le 27 mai dernier. Avant l’étape très attendue de l’installation de la station de pompage, bien de travaux restent à faire. Actuellement, l’entreprise affirme avoir exécuté environ 88% des travaux de construction de l’ouvrage et soutient pouvoir boucler les 12% d’ici le délai du 30 juin prochain. Mais en réalité, la situation est plus complexe que les déclarations de bonne intention. D’abord, il faut trouver une solution pour la déviation de la route nationale N°15 reliant Séguénéga à Ouahigouya dont les risques d’inondation ont été confirmés par les différentes études hydrologiques du projet. A cela s’ajoute des difficultés liées au transport de certains matériaux et l’évolution de leurs coûts. Par exemple, l’entreprise déclare être contrainte d’aller chercher du sable à plus de 170 kilomètres. L’essentiel des travaux qui restent serait ceux en béton. Environ 8000 M3 de béton à couler en l’espace de 30 jours. Un des ouvriers ayant requis l’anonymat dit être convaincu que même si les travaux se déroulent 24h/24, il sera difficile de respecter ce délai. Après le barrage dans son aspect purement infrastructurel, il faudra envisager la mise en eau du barrage qui se situe sur le fleuve Nakambé encore appelé Volta blanche. Il y a à ce niveau un véritable dilemme. La mise en eau pourrait se faire pendant cette saison des pluies mais le risque d’inondation est bien palpable. Tout concourt à faire comprendre que les populations ne devraient pas s’attendre à la mise en eau cette saison. Après la mise en eau, l’Office nationale de l’eau et de l’assainissement (ONEA) devrait procéder à l’installation d’une station de pompage. Selon Hamado Ouédraogo, directeur des investissements et de la planification, il s’agira dans le cas du barrage de Guitti, de faire le traitement de l’eau sur place avant le transport par des conduits vers la ville de Ouahigouya. Ce dispositif répond au souci de faire bénéficier les populations locales de l’eau potable. L’ONEA, en réalité, intervient dans la 3e composante du projet, à hauteur de 16 milliards de FCFA et compte sur le financement de la Banque islamique de développement qui ne sera acquis qu’à l’accomplissement de certaines conditionnalités. Et même si ces conditionnalités sont satisfaites et le financement acquis, l’ONEA ne pourra être au rendez-vous de l’alimentation de la ville de Ouahigouya qu’au bout de 2 ans. « La composante en eau potable consiste en une prise d’eau dans le barrage pour transporter vers une station de traitement qui sera construite à l’aval sur la rive droite du barrage. De la station de traitement, il est prévu la construction d’une bâche d’eau claire, d’eau traitée, d’une capacité de 650 m3. A la sotie de cette bâche il est prévu la construction d’une station de refoulement qui va conduire l’eau d’une part vers la ville de Séguénéga et d’autre par vers la ville de Ouahigouya. Sur la route menant vers Ouahigouya, 29 villages seront desservis. Pour que l’eau aille de Guitti à Ouahigouya, il y a une conduite fonte de 300 m2 qui va être posée. Il faut aussi une ligne électrique de 14 km qui reliera le site de traitement à Séguenega. Il y a aussi le volet château d’eau que nous avons anticipé par la réalisation d’un château à Ouahigouya. La composante eau potable coûte environ 16 milliards de FCFA de francs CFA. L’ONEA a comme part contributive, la construction du château d’eau et de la station de pompage, soit une valeur de 6 milliards de FCFA. Pour la conduite de l’eau de Guitti vers Ouahigouya, d’un coût de 8 milliards de FCFA, nous sommes toujours à la recherche de fonds au près de la Banque islamique de développement (BID). La mise en eau du barrage et le plan de gestion environnementale reste une des conditions de financement de la BID. Si les conditionnalités sont levées et le financement acquis, au bout de 2 ans, nous pensons pouvoir être au rendez-vous », a expliqué le directeur des investissements et de la planification de l’ONEA, Hamado Ouédraogo. La procession vers l’eau potable s’annonce donc longue et endurante pour les populations de Guitti qui devront continuer de boire de l’eau polluée par la cyanure et autres substances de l’exploitation aurifère. Et quant à la souffrance, elle se mêle l’incompréhension. Incompréhension quand, sous l’arbre à palabre, la ministre en charge de l’Eau a laissé entendre que le barrage en construction à Guitti, à terme, n’appartiendra plus au seul village, encore moins au Burkina seulement, mais aussi et surtout au monde entier. Des propos qui ont exacerbé l’indignation de certains villageois qui se demandaient comment ils pouvaient être délogés pour construire une infrastructure qui, en réalité, ne leur appartiendrait pas. Il ne s’agit pas de construire seulement les barrages, mais de pouvoir envisager leur gestion, leur entretien. La question de la gestion des barrages est un problème sérieux dans la région. Entre, la responsabilité des autorités communales et celles de l’Etat, il y a lieu de situer sur le plus grand répondant des infrastructures hydrauliques érigées à coût de milliards de financement. Dans la province du Passoré, le barrage de Dourou, dans la commune de Gomposom, rend compte du déficit de l’entretien des barrages dans notre pays. Le joyau hydraulique d’une capacité de 63 millions de m3 a été construit par feu Oumarou Kanazoé en 1986. Aujourd’hui, c’est la peur bleue quand on est sur la digue qui menace de céder. En fait, lors de la construction du barrage, il n’a pas été prévu une route pour traverser le fleuve Nakambé au pied duquel l’infrastructure est bâtie. Alors la digue a vite fait office de voie pour traverser le barrage. Conséquence, la digue ne fait que s’enfoncer, sous le silence assourdissant des autorités et des populations qui d’ailleurs n’exploitent pas suffisamment le joyau. Pire, certains individus indélicats ont trouvé le malin plaisir de couper les barres servant de garde-fous pour les vendre. Ainsi, une bonne partie de la digue est ouverte sur le cours d’eau, sans garde-fous exposant tous les passants à l’insécurité. Au-delà des refrains, des litanies et des discours sur l’eau, il faudra des actions concrètes et responsables des autorités et des citoyens pour donner tout le sens à ce postulat bien partagé dans toutes les communautés de vie : « l’eau c’est la vie ! » .
Par Roger M. KABRE