A priori, ils commencent à être agacés par cette réalité qui, au vu de nombre de paramètres, semble s’inscrire dans la durée. Du reste, c’est ce que laisse croire la dernière déclaration faite lors du sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine à Addis-Abeba et qui continue d’alimenter les débats. Eux, ce sont bien sûr, les dirigeants africains réunis au sein de cette organisation panafricaine. Et la déclaration en question, c’est celle faite par le président de l’Union africaine, le Premier ministre éthiopien Hailé Mariam Dessalegn, qui accuse la Cour pénale internationale (CPI) de mener une sorte de «chasse raciale», en ne poursuivant que des Africains. Selon lui, la CPI ne fait que poursuivre les responsables et dirigeants africains alors que l’objectif, lors de sa création, ‘’était d’éviter toute sorte d’impunité’’. Une déclaration qui sonne comme un ras-le-bol général et qui met à nu la frustration des dirigeants africains. Et comme pour réitérer l’engagement de ceux-ci à rompre avec cette vieille habitude, le président soudanais, Omar El-Béchir, a enfoncé le clou lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision France 24 le 26 mai dernier. En effet, le président El-Béchir dit avoir la conviction que la CPI est le nouveau visage de la colonisation pour terroriser les Africains. Lui qui est d’ailleurs accusé et poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Si l’organisation panafricaine monte au créneau pour dénoncer cette ‘’chasse raciale’’ contre les Africains, force est de reconnaître qu’elle a plusieurs fois demandé à la CPI de suspendre les poursuites contre le président soudanais. Aujourd’hui encore, elle reste sur sa position, soutenant que le mandat d’arrêt émis contre ce dernier est de nature à mettre en péril les efforts de paix entre le Soudan et le Soudan du Sud. L’organisation panafricaine reste sur sa position d’autant plus qu’elle demande l’annulation des poursuites contre le président kenyan, Uhuru Kenyatta, et son vice-président William Ruto. En effet, les deux hommes sont poursuivis pour crimes contre l’humanité au regard de leur participation présumée aux violences post-électorales de 2007 dans ce pays. On ne citera pas l’Ivoirien Laurent Gbagbo, le Libérien Charles Taylor et bien d’autres Africains actuellement détenus par la CPI. C’est un secret de polichinelle, la plupart des inculpés de la CPI sont africains. Dès lors, on comprend ce sentiment de frustration de la part des dirigeants africains qui se voient particulièrement visés par cette institution. En effet, depuis sa création en 2002, la CPI a fait la ‘’part belle’’ aux dirigeants africains, si fait que l’on a l’impression qu’elle a été créée pour juger les Africains. Certes, la plupart des pays africains ont ratifié le Traité de Rôme instituant la CPI, mais force est de reconnaître que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ne sont pas la chasse gardée des dirigeants africains. Partout dans le monde, on assiste à de nombreuses violations des droits de l’Homme et aux massacres de tous genre. Pourtant, il est rare de voir la CPI lancer des poursuites contre des dirigeants autres que des Africains. Mais quel message les chefs d’Etat africains ont-ils voulu passer à la CPI ? Qu’ils n’entendent plus respecter les mandats de la CPI tant qu’elle n’inculpe pas des dirigeants d’autres continents ? Autant de questions que l’on peut se poser. En attendant, l’Union africaine montre, à travers cette déclaration, qu’elle en a marre de cette situation. Mais, seulement, suffit-il de critiquer la CPI pour la voir changer d’attitude ou revoir sa politique ? Les Etats africains eux-mêmes ont-ils les moyens de juger certains dirigeants ? On se souvient que le président sénégalais Abdoulaye Wade avait réclamé à la Communauté internationale l’importante somme de 27 millions d’Euros pour juger Hissène Habré. N’est-ce pas là une preuve que les Africains n’ont pas la capacité de se saisir de certains dossiers ? Dans tous les cas, la CPI devrait aussi travailler à ce que tous les inculpés ne viennent pas que du continent noir .