J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt, la 5e session de l’année 2015, du Conseil supérieur de la magistrature qui s’est tenue les 14 et 15 décembre derniers à Ouagadougou. Ce qui a retenu le plus mon attention a été la passation de charges entre le premier président de la Cour de cassation et le président du Faso, en tant que président du Conseil supérieur de la magistrature. Finie donc la subordination du Judiciaire à l’Exécutif. C’est l’article 132 de la loi constitutionnelle n°072-2015/CNT du 5 novembre 2015, qui consacre désormais cette séparation entre les deux pouvoirs. Voilà ce que dit la disposition : « le premier président de la Cour de cassation est le président du Conseil supérieur de la magistrature. Le premier président du Conseil d’Etat est le vice-président. » Qu’il est donc révolu le temps où un chef d’Etat, depuis son fauteuil, pouvait prononcer, à travers ses bras judiciaires, un verdict dans un tribunal de grande instance ! La Justice burkinabè est désormais indépendante si tant est qu’elle se soit affranchie de la tutelle du prince régnant. Je n’en crois pas mes oreilles ! Autres temps, autres mœurs. Je revois comment l’appareil judiciaire était totalement inféodé au pouvoir sous le régime de Blaise Compaoré. Si fait que la moindre décision judiciaire prononcée à l’encontre des gourous du système, était perçue comme un acte de défiance. Et ce n’est pas tout. Car, le juge qui osait s’assumer était sanctionné et rangé aux oubliettes. Et ne bénéficiait d’aucune promotion jusqu’à la fin de sa carrière. Voyez-vous ? Tout était donc fait pour décourager les juges honnêtes et intègres. Seuls étaient promus les juges acquis à la cause du prince régnant. Conséquence : le plus fort avait toujours raison et le pauvre avait toujours tort devant le riche.
Au dernier sommet des fous qui s’est tenu à Midrand, j’ai écrasé quelques larmes
A telle enseigne que la confiance avait disparu entre les acteurs de la Justice et les justiciables qui, parfois dépités, n’hésitaient pas à parler de juges corrompus. Alors, maintenant que les juges, grâce à l’avènement de la Transition, ont acquis leur liberté, on est en droit d’espérer que les choses changeront positivement. Il leur revient de donner la preuve qu’un juge libre sait dire le droit, rien que le droit ; et qu’il refuse la corruption. Je sais que des juges intègres, il y en avait, même sous le régime de Blaise Compaoré. Je sais aussi que les juges corrompus, il y en avait sous le même régime. Mais les choses ayant changé, je ne veux plus entendre parler de pots-de-vin dans le milieu de la Justice qui constitue un pilier essentiel de la démocratie. Si cela arrivait, il ne faudrait pas hésiter à sanctionner les brebis galeuses qui, par leur incurie, jeteraient l’anathème sur toute la corporation. C’est souvent le réflexe de solidarité que l’on constate après les écarts de comportement de certains magistrats, qui renforce le ressentiment des populations vis-à-vis des acteurs de la Justice qui devraient, à mon avis, paraître plus comme des exemples que des gredins. En tout cas, l’heure est enfin venue pour le monde judiciaire de s’assumer. Car, toute l’opinion le regarde. On souhaite que dans ce Burkina post-insurrection, la Justice soit la même pour le pauvre et le riche ; pour le fort et le faible. Aucun clivage lié au rang social d’un individu ne doit influencer un juge dans l’exercice de ses fonctions ; lui qui a d’ailleurs prêté serment de servir avec loyauté la Nation. C’est pourquoi je voudrais, au passage, rendre un hommage appuyé aux autorités de la Transition qui, en un an, ont abattu un énorme travail dans le sens de faire du Burkina l’une des Nations les plus démocratiques du continent noir. Et cela, je vous le dis en vérité, même fou, je suis fier d’être burkinabè. La preuve, au dernier sommet des fous qui s’est tenu à Midrand en Afrique du Sud, j’ai écrasé quelques larmes quand mes collègues ont fait une mention spéciale à mon pays, tout en souhaitant que les autres s’en inspirent. Propos de fou, me dira-t-on.