Dans le concert des nations, l’Union africaine (UA) œuvre à porter haut la voix des Africains. Pour autant, l’organisation parvient-t-elle à s’imposer à l’échelle mondiale, vu sa dépendance financière vis-à-vis des puissances occidentales et aujourd’hui, asiatiques, et les dissensions internes ? Décryptage.
L’avènement de l’Union africaine (UA), foi de d’observateurs, est un événement majeur dans l’évolution institutionnelle du continent, tant les 54 Etats qui la composent, ont affirmé le besoin d’unir leurs forces pour le meilleur et le pire. Depuis 50 ans, l’UA, d’abord son ancêtre, l’Organisation de l’unité africaine (OUA), œuvre, tant bien que mal, au positionnement de l’Afrique sur l’échiquier international. Ainsi, l’organisation s’investit à défendre les intérêts des Africains, s’employant à mettre en pratique sa vision : « bâtir une Afrique intégrée, prospère et en paix, dirigée par ses citoyens et constituant une force dynamique sur la scène mondiale ».
Dans ce sens, l’organisation travaille, en interne, au développement socioéconomique du continent, et à l’externe, à occuper une place de choix dans le monde. Ainsi, l’UA se déploie sans cesse sur le front diplomatique, pour faire peser les points de vue des Africains dans la balance mondiale. Reste alors à savoir si elle y parvient réellement. De prime à bord, l’organisation a tissé sa toile, en développant des partenariats avec les organisations internationales. Dans cette lancée, l’UA travaille en tandem avec l’Organisation des Nations unies (ONU) sur des préoccupations communes dans divers domaines : la santé, l’agriculture, l’environnement, l’éducation, la paix, la sécurité, etc.
Et en l’espèce, de nombreuses actions sont entreprises sur le continent, grâce à cette collaboration, qui profite à bien des égards, à l’Afrique. Aussi l’UA dispose-t-elle du statut d’observateur à l’Assemblée générale des Nations unies. Seul bémol, l’Afrique ne dispose pas encore des deux sièges permanents au sein du Conseil de sécurité, comme elle aurait souhaité, conformément à la réforme de l’ONU. Sur ce point précis, avait regretté en son temps l’ancien président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré, l’organisation ne « parle pas d’une seule voix » et ne fait pas montre d’une « véritable stratégie d’influence ». Les Africains, constate-t-on jusqu’à présent, n’ont vraisemblablement pas embarqué dans le même train. Tout comme elle le fait avec l’ONU, l’UA entretient un partenariat avec l’Union européenne (UE), auprès de laquelle elle a des représentations diplomatiques.
Ces relations tournent, entre autres, autour de plusieurs centres d’intérêt, telles la diplomatie, la paix et la sécurité, les droits de l’Homme et la bonne gouvernance, l’aide au développement, la croissance économique et le commerce, le développement humain. De nombreuses réalisations matérialisent cette coopération sur le continent africain.
L’UA affaiblie
par des divisions
On le voit, l’UA coopère avec les autres organisations et à l’échelle planétaire, et des pays de plus en plus influents dans le monde. Cela génère des retombées pour les Africains, confrontés, en grande partie, à la pauvreté. L’organisation, et c’est le moins qu’on puisse dire, est plus que jamais présente sur la scène internationale. Peut-il en être autrement dans un contexte où l’Afrique est courtisée pour ses matières premières, y compris désormais par des superpuissances comme la Chine et les Etats-Unis d’Amérique ? Absolument pas. A l’évidence, le continent noir compte beaucoup, aux yeux du reste du monde, sans toutefois pouvoir faire entendre sa voix sur les grandes questions mondiales. Appelée à représenter et à protéger les intérêts des Africains, l’UA n’est pas, à vrai dire, une organisation continentale « forte » et « inclusive », dans un monde globalisé. Elle ne pèse pas lourd, parce qu’elle manque, en premier lieu, de moyens financiers pour être à la hauteur de ses ambitions.
A titre illustratif, en 2012, la proposition de budget présentée par la Commission de l’UA était de 274 millions de dollars US. Une somme dérisoire, notent les spécialistes, comparée aux 147 milliards d’euros de l’UE. De plus, ce budget n’était pas garanti, puisque tous les Etats membres ne payent pas convenablement leurs cotisations annuelles. Outre cela, l’on retient du témoignage d’un autre ancien président de la Commission de l’UA, Jean Ping, qu’en en 2010, 77% du budget opérationnel qui sert à mettre en œuvre et à maintenir des programmes, tels que les déploiements de forces militaires, est venu d’instances étrangères, notamment l’UE. Au regard de ce qui précède, l’on s’aperçoit que l’organisation panafricaine a des moyens limités. Ce qui plombe, à tout point de vue, son action. Pire, l’UA est minée par des divisions internes, du genre à heurter bien des sensibilités, tant elle n’arrive pas à gérer avec autorité les conflits qui minent le continent. En 2011, par exemple, l’organisation a offert un soutien tardif aux soulèvements populaires du Printemps arabe et sa position sur la Libye était principalement déterminée par l’influence du défunt colonel Kadhafi sur l’organisation. A la même période, la crise postélectorale en Côte d’Ivoire a montré la faiblesse de l’UA, puisque ses dirigeants étaient divisés sur le sort de l’ancien président, Laurent Gbagbo.
Il a fallu l’onction de l’ONU et l’opérationnalité des forces armées françaises, pour démêler l’écheveau et permettre au président élu, Alassane Dramane Ouattara, d’occuper son fauteuil. Même scénario dans la gestion de la crise malienne. Que de tergiversations pendant que les groupes islamistes armés faisaient leur loi dans les territoires occupés du Nord. Il a fallu, une fois de plus, l’intervention militaire de la France, avec les bénédictions de l’ONU et de l’UE, pour stopper les visées hégémonistes des djihadistes.
Plus concret, le sommet de janvier 2012 a montré la fissure au sein de l’UA où deux blocs (francophone et anglophone) se sont affrontés, dans le cadre de l’élection du nouveau président de la Commission. Et ce fut un remake des antagonismes qui ont émaillé la création de l’OUA en 1963. Sans nul doute, l’UA cherche encore ses marques sur la scène internationale, cinquante ans après sa création.