Décédée le 15 décembre dernier à Ouagadougou à l’âge de 82 ans, l’épouse du célèbre historien Pr Joseph Ki-Zerbo, sera inhumée le samedi 19 décembre prochain dans la ville de Toma, (Province du Nayala), aux côtés de son mari. Dans l’attente des adieux définitifs et des veillées de prières pour le repos de son âme, les personnes qui l’ont connu et/ou côtoyé ne manquent pas de saluer la mémoire de cette « amazone » qui avait fait du développement de la jeune fille et de la femme son cheval de bataille. Nous vous proposons ci-dessous les réactions de trois d’entre eux qui ont bien connu la regrettée.
Françoise Toé, expert-comptable, candidate à la présidentielle du 29 novembre : « C’est avec une immense tristesse que nous avons appris la mort hier (mardi) 15 décembre à Ouagadougou, de Jacqueline Ki-Zerbo, l’épouse du professeur Joseph Ki-Zerbo alors que nous nous étions rendus à l’hôpital pour lui rendre visite. Neuf ans après, Jacqueline a donc décidé, à 82 ans, de rejoindre son époux pour l’éternité. Sa disparition aujourd’hui, comme celle de son mari hier, nous afflige. Au nom de mes camarades du Regroupement d’Indépendants MLN-BF et en mon nom personnel, je présente mes condoléances à sa famille, à ses enfants et petits-enfants. Je veux les rassurer que nous sommes à leurs côtés durant ces moments particulièrement difficiles. Jacqueline Ki-Zerbo était un exemple pour des millions de femmes et d’hommes engagés dans le combat pour l’indépendance politique et économique des pays africains. Elle a été, pour des milliers de jeunes filles burkinabè, plus qu’une enseignante, mais une mère qui avait le souci de les conduire sur le chemin de la liberté et de l’émancipation. Aux côtés de son époux, elle a incarné toute sa vie les valeurs de fraternité de solidarité africaine. Ses combats restent plus que jamais d’actualité et nous avons l’obligation d’être dignes de l’héritage qu’elle nous a légué. Nous perdons une sœur et une camarade exceptionnelle. »
Germain Bitiou Nama, directeur de publication du bimensuel l’Evénement : « A mon niveau, il y a trois images qui défilent dans mon esprit à l’évocation de la personne de madame Ki-Zerbo. Première image que je retiens d’elle, lorsque nous étions lycéens, à midi à la fin des cours, nous avions l’habitude d’accompagner les filles scolarisées au Cours normal dont elle était la première directrice. Et souvent nous rencontrions sur notre chemin Jacqueline Ki-Zerbo qui n’aimait pas beaucoup que nous accompagnions ces filles. Elle estimait que nous allions les détourner par rapport à leurs études. La deuxième image que je retiens d’elle, c’était à Addis-Abeba. Je l’ai croisé dans un hôtel et au petit-déjeuner, je suis allé me présenter. On a déjeuné ensemble et on a évoqué l’état du pays. La troisième image c’était à l’occasion d’une conférence à laquelle j’assurais la modération. Elle était dans l’assistance et je n’ai pas hésité à saluer son courage et son abnégation. Elle était la première directrice du Cours normal de jeunes filles et aussi pendant les luttes notamment celle de 1966 qui a vu le départ de Maurice Yaméogo du pouvoir, elle était dans la rue. Comme moi aussi j’y étais, nous nous sommes côtoyés et avons même hurlés les mêmes slogans. J’avais participé à la marche avec les scolaires de Ouagadougou. Outre cela, pendant la lutte du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODMPP), où son mari a joué un rôle imminent. J’ai eu à la rencontrer plusieurs fois. Finalement, ce que je garde comme image d’elle, c’est vraiment une femme de lutte, battante une véritable icône de la lutte des femmes au Burkina Faso. Autre fait, pendant les premiers moments des indépendances, elle a été l’une des amazones de la lutte de libération et de l’émancipation des femmes en Afrique. Donc, c’est une grande qui vient de nous quitter et je m’incline devant sa mémoire. »
Marie Madeleine Poussi/Pitroipa, enseignante à la retraite et PCA de RECIF/ONG : « Je reconnais que Jacqueline Ki-Zerbo était affable, simple, malgré ses hauts diplômes en son temps. Elle avait un grand souci du devenir de la jeune fille et, partant, de la future femme. Avec une philosophie comme cela, elle ne pouvait pas ne pas être une femme exigeante de mon point de vue. A cause de cela, on la trouvait dure, exigeante, regardante partout, découvrant tout ce qui semble caché. Elle veillait vraiment sur les filles dont elle avait la responsabilité en tant directrice du Cours normal. Nous, en tant qu’élèves de Kolog-Naaba, nous entendions parler d’elle. C’est plus tard que j’ai eu l’occasion de l’approcher dans le cadre du militantisme politique. Elle se battait surtout pour accompagner son mari dans ses entreprises politiques. Dans la sphère politique, nous avons fait des réunions ensemble, etc. Et c’est une femme, malgré que nous l’ayons mis parmi les sommités des femmes intellects, n’hésitait pas à dialoguer avec moins diplômé qu’elle. Sa conviction était que les femmes ne devaient pas laisser les combats politiques aux seuls hommes qu’elle considérait comme incapable à eux seuls de réussir une politique de développement dans un pays. C’est ce qu’elle s’évertuait à nous faire comprendre. Pour mettre en pratique cette idée dans la tête des gens, elle a incité une certaine génération de femme à se mettre en association, c’est comme cela que dès les années 1950, il y avait l’Amitié Africaine. Par la suite il y a eu des scissions et par affinité les femmes se sont regroupées pour former les premières associations féminines que nous connaissons dans ce pays. En somme, c’était une femme qui avait les deux pieds sur terre car elle s’attelait dans l’accomplissement de son devoir d’éducatrice, de formatrice, d’instigatrice d’idées novatrices pour la femme. Sur ces points, elle ne ménageait aucun effort. Avec son décès, c’est une grande perte pour la gent féminine. »
Propos recueillis par Dimitri Kaboré