Les incendies volontaires de véhicules impliqués dans des accidents mortels continuent au Burkina. L’année de transition censée cultiver un comportement nouveau chez les Burkinabè n’a rien pu faire contre les réactions violentes dans certaines situations. Il faut pourtant que l’on en arrive à une prise de conscience collective sur ce phénomène. Faut-il continuer sur cette voie de la justice privée ou enfin commencer à faire confiance aux lois de la République ? Certes, la mort accidentelle d’une personne, fauchée par un car d’une compagnie de transport ayant la réputation de faire de la vitesse, a de quoi révolter. D’autant que ce n’est pas la première fois que cette compagnie est mise à l’index. L’incendie d’un car à la sortie de Ouagadougou par des populations en colère s’inscrit donc dans le ras-le-bol général face à l’excès de vitesse de certaines compagnies de transport. Elle se veut une protestation vigoureuse contre les accidents récurrents causés par ces mastodontes de la route. Tout en compatissant à la douleur de la famille de la victime du dernier accident en date, tout en comprenant la légitime colère des populations, force est tout de même de se demander si la solution au problème réside dans les représailles. Du reste, on imagine mal un conducteur, à moins d’être fou à lier, vouloir tuer intentionnellement des usagers de la route. S’il tient ne serait-ce qu’à son emploi, il priera chaque jour pour éviter un accident de la route. La loi du Talion, dans un état de droit, peut en effet porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité des biens et des personnes, à la coexistence pacifique et à la vie en communauté. C’est pour éviter toutes ces dérives pouvant mener la société et même le pays à vau-l’eau, que des balises ont été mises en place en cas de contentieux et de conflit. On peut concéder avec les partisans de la justice privée, que par le passé, la justice institutionnelle avait démissionné de son rôle. Il n’y avait de justice que pour les puissants. D’où le recours par ceux qui ne croient plus en l’Etat et en ses institutions, à cette forme de punition. Mais au regard du changement de régime en cours, de la nouvelle obligation de bonne gouvernance imposée aux dirigeants et des conséquences dramatiques des pratiques extrajudiciaires, il est peut-être temps de mener une introspection sur nos comportements. Chacun peut être un jour victime de règlements de comptes comme on en voit actuellement. Il suffit d’être accusé, comme les vieilles femmes dans les villages le sont pour sorcellerie, pour être chassé, martyrisé voire même tué. C’est une pratique très dangereuse. Le nouveau gouvernement doit donc prendre à bras le corps ce problème qui mine la société burkinabè. Il faut intensifier la sensibilisation en vue d’inculquer la culture du recours aux institutions habilitées pour se rendre justice. Cela demande bien entendu une réforme profonde de la justice elle-même, afin de rétablir la confiance entre elle et le justiciable. Mais en attendant, il y a urgence à faire une pause dans le réflexe de vendetta. L’autorité de l’Etat doit de ce fait s’imposer face à ce genre de cas. Par exemple, il aurait fallu sécuriser le véhicule pour éviter son incendie. Mais même quand le vandalisme survient, il y a lieu de mettre en branle une enquête pour situer les responsabilités et au besoin sanctionner les fautifs. C’est à ce prix que l’on diminuera le taux élevé d’incivisme que connait le Burkina. Pour en revenir aux accidents récurrents, notamment aux sorties de la capitale, en plus des mesures judiciaires, des travaux d’agrandissement des voies doivent être entrepris. Il faut aussi renforcer le contrôle de la vitesse et de la qualité des véhicules. Enfin, la formation des chauffeurs routiers à un strict respect du code de la route s’avère une priorité. Comme on le voit, la question est transversale et globale. Au-delà de l’éducation, de la sensibilisation et de la répression, tout un ensemble de dispositions sont nécessaires pour endiguer l’insécurité routière et de facto diminuer les cas de représailles contre les conducteurs et leurs véhicules1
La Rédaction