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Législatives 2015 : «nous étions à 100 m derrière pour une course de 100 m» (Achille Tapsoba, président par intérim du CDP)
Publié le mercredi 16 decembre 2015  |  L`Observateur Paalga
Invalidation
© aOuaga.com par A.O
Invalidation de candidatures : le CDP et ses alliés appellent à une désobéissance civile
Mercredi 26 août 2015. Ouagadougou. Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, ex-parti au pouvoir) et ses alliés regroupés dans le Groupe de l`appel du 9-Avril ont animé une conférence de presse pour rejeter l`invalidation des candidatures aux législatives du 11 octobre prochain par le Conseil constitutionnel et appelé leurs militants à protester par une désobéissance civile. Photo : Achille Tapsoba, premier vice-président du CDP




«Pour vous dire honnêtement les choses, je m’attendais à mieux que cela» ; c’est ce que Achille Marie Joseph Tapsoba, le président par intérim et porte-parole du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), a déclaré à propos des 18 sièges que son parti a remportés lors des législatives du 29 novembre 2015. Dans l’entretien qu’il nous a accordé le 10 décembre dernier dans nos locaux, l’homme a salué la transparence du scrutin, mais il a, dans le même temps, fustigé l’absence d’équité qui a marqué le processus électoral, car selon lui, à cause du gel des avoirs du CDP et de la disqualification de certains de ses camarades, «Nous étions à 100 mètres derrière pour une course de 100 mètres devant». Lisez plutôt !



Le CDP, on le sait, a obtenu 18 sièges aux législatives. Vous vous attendiez à mieux ou à moins que ça ?



Pour vous dire honnêtement les choses, je m’attendais à mieux que cela parce que j’espérais qu’on aurait moins de difficultés que ce qu’on a subi. Le résultat qu’on a obtenu est fonction des conditions dans lesquelles nous avons participé aux élections.



De quelles difficultés parlez-vous ? Vous voulez dire que le coup d’Etat a plombé le CDP dans cette élection ?



C’est indéniable, le coup d’Etat a un peu plombé nos actions et nos élans dans la mesure où il y a eu tout de même une certaine volonté d’impliquer le parti à travers des éléments ou des mises en accusation globale. C’est effectivement une situation qu’il faut analyser en termes d’opinion. Lorsque l’opinion a été informée d’une manière ou d’une autre d’une éventuelle implication de notre parti et que le démenti n’a pas été fait, cela a créé des conditions difficiles qui nous ont plombés dans notre action.



Vous persistez et signez donc que le parti n’est pas impliqué dans le putsch ?



Le parti n’est pas impliqué dans le putsch. Je le dis d’autant plus que nous avons, même au moment où le coup d’Etat s’est déclenché, tenté de réunir une instance de la direction politique nationale, mais ça n’a pas été possible compte tenu du fait que la situation nationale ne présentait pas suffisamment de sécurité et compte tenu aussi que les responsables du parti à l’époque, le siège du CDP venant d’être incendié, n’avaient donc pas de point de ralliement pour organiser une telle rencontre. Là où nous avons essayé de demander des lieux de réunion, cela nous a été refusé. On n’a pas pu réunir une instance quelconque pour se prononcer sur ce coup d’Etat. De ce point de vue, pour impliquer un parti dans une affaire de ce genre, il faut qu’une instance se soit prononcée en faveur ou en défaveur de cette situation.



Les avoirs du parti ont été gelés et certains militants ont même vu leurs fonds personnels séquestrés. Dans ces conditions, comment avez-vous financé votre campagne électorale ?



Nous avons surtout eu un investissement humain qui a été le principal moyen que nous avons utilisé. Les cadres du parti, vous savez, il en reste suffisamment même si certains sont partis vers d’autres horizons, ont accepté de se saigner. Et se saigner c’est vraiment le mot. Ils ont dépensé leurs énergies, leurs moyens personnels, ils ont essayé d’être présents sur le terrain bien que le parti n’ait pas soutenu les différentes structures de campagne déconcentrées telles les structures provinciales. Le parti n’a pas pu les soutenir financièrement, lui-même obligé de s’endetter pour faire des affiches afin d’être visible. Et tout cela nous permet de dire que le principal moyen utilisé était humain ce qui nous a permis d’avoir un minimum de présence sur le terrain.



Au fait, à combien s’élève le montant des fonds gelés et quel est le niveau de votre endettement ?



Le montant des fonds qui ont été gelés n’est pas énorme. Il s’agissait des cotisations faites dans le cadre de la réception des dossiers de candidature et cela nous avait donné un montant assez significatif même si ce n’est pas très colossal. Néanmoins nous disposions d’un minimum de moyens pour que chaque province puisse avoir de quoi commencer la campagne si on s’en tenait à nos comptes dans la mesure où les candidats étaient nombreux et ils ont accepté de payer le prix qu’il fallait pour pouvoir déposer les candidatures et soutenir le parti car nous devions compter sur nos propres forces. Je n’ai pas l’évaluation globale puisque je n’étais pas aux affaires en ce moment mais ce n’est pas moins d’une cinquantaine de millions. Nous avons été obligés d’approcher des imprimeries pour demander la confection de quelques affiches pour rendre le parti visible ; et même pour la reproduction des spécimens, étant donné que la CENI ne pouvait pas donner suffisamment d’exemplaires à chaque parti politique, il fallait compléter. Pour tout cela nous avons été obligés de nous endetter pour le faire parce que nous avons l’espoir de pouvoir ultérieurement régler ses dettes. Nous sommes du reste actuellement à la recherche des moyens pour ce faire.



On apprend pourtant qu’il y a une manne qui est venue de l’extérieur…



S’il y a eu une manne c’est à mon insu moi qui suis le premier responsable par intérim. Il y a eu effectivement quelques contributions de bonnes volontés à l’intérieur ou de l’extérieur du pays, mais je vous assure que si c’était une manne on n’aurait pas fait ce résultat. Peut-être que ça vient comme vous dites, et si jamais on recevait une manne vous serez informé dans la mesure où on ne peut cacher l’utilisation d’une manne. Je souhaite qu’on soit fortement appuyé, mais pour le moment on se contente de ce qu’on a.



Au fait combien vous a coûté cette campagne, vous qui étiez habitués à des campagnes à l’américaine ?



Le service financier est en train de faire le point et comme cette fois-ci c’était une campagne décentralisée, chaque direction provinciale avait une autonomie financière ; il n’y avait pas une finance centrale. Chacun était obligé de mobiliser les moyens de façon locale et de les engager dans la campagne. Ils sont en train de faire le point. Nous n’avons pas encore finalisé le rapport au niveau central.



Avec les 18 sièges, le CDP devient la 3e force politique du Burkina ; quel est le secret de cette résistance pour un parti qui a été particulièrement secoué depuis une année ?



Ce n’était pas évident ce résultat, j’en conviens avec vous. Il convient de noter, ce n’est pas un secret, que depuis que nous avons perdu le pouvoir beaucoup de nos cadres nous ont quittés, et même avant qu’on ne perde le pouvoir certains nous avaient déjà quittés et pas des moindres. Il y a une espèce de dégrossissement au niveau des rangs du parti. Ceux qui sont partis ne trouvaient plus leur compte au niveau de notre parti dans la mesure où il vous souvient que c’est un parti qui a été créé tout en étant aux affaires. Les partis qui se créent en étant au pouvoir reçoivent tout le monde. C’est peut-être pour ça que la visibilité n’était pas très bonne à l’époque par rapport à l’engagement militant. Aujourd’hui ceux qui restent au CDP c’est ceux qui restent par conviction et par engagement militant. C’est cette force dont nous disposons et qui fait qu’aujourd’hui, ces cadres militantes et militants d’un nombre moins important qu’avant restent encore des gens déterminés sur le terrain. Ce sont eux qui ont été d’un grand appui et soutien pour arriver aux résultats que nous avons pu obtenir. Le secret, c’est la force de l’engagement, la force de la conviction des militants et des cadres qui sont encore dans le parti.



Avec vos 18 sièges, les 55 du MPP et les quelques sièges du partis croupions tels la NAFA ou l’UBN, on a comme la preuve que le pouvoir est toujours entre les mains de l’ancienne majorité…



Je ne peux pas dire non puisque c’est une lecture qui s’appuie sur les évidences. Je ne peux pas ne pas reconnaître cet état de fait. Nous avions précédemment 70 députés au niveau du CDP en 2012 et aujourd’hui, le MPP a eu 55 et nous en avons eu 18 ce qui fait sensiblement 73. Ceux qui ont quitté le CDP et ceux qui sont restés au CDP mis ensemble de façon hypothétique parce que ce n’est pas une réalité de les mettre ensemble, car il y a des zones d’incompatibilités, de contradictions, on est à peu près dans la même fourchette.

Mais dans ces conditions le parti peut se féliciter d’avoir au moins contribué à forger des femmes et des hommes politiques qui tiennent encore toujours les choses au niveau des affaires de l’Etat et qui sont toujours crédibles au plan politique, qu’ils soient toujours au CDP ou non.



Salif a exclu toute possibilité d’alliance avec le CDP. Pour une fois vous devez être d’accord avec vos anciens camarades même si par le passé vous avez dîné ensemble…



Vous savez, ce qui est important très souvent c’est d’être d’accord sur nos désaccords. Comme il l’a dit, il ne souhaite pas avoir d’alliance avec nous ; de la même manière nous estimons qu’ils sont libres de contracter une alliance avec qui ils veulent et nous également nous sommes libres de le faire. Mais je rappelle que les alliances politiques sont bâties sur des questions de principes pour que ce ne soient pas des alliances opportunistes ou sans âme. Et ces principes sont toujours les mêmes soit par proximité idéologique, soit par affinité politique ou encore par communauté d’intérêts. Aujourd’hui s’ils sont fondés à dire qu’ils ne veulent pas d’alliance avec nous c’est qu’il n’y a ni affinité politique ni communauté d’intérêts. Nous, de notre côté, nous sommes ouverts aux alliances avec qui on pourrait définir une communauté d’intérêts ou une affinité politique. Nous sommes des démocrates, des républicains et nous n’avons pas d’incompatibilité a priori au sujet des alliances politiques avec qui que ce soit. Nous sommes dans la social-démocratie et estimons qu’être social-démocrate, c’est être en mesure d’une manière ou d’une autre, d’un jour à l’autre, de pouvoir s’asseoir autour de la même table pour se rapprocher idéologiquement et, mieux, se comprendre politiquement. Mais dans tous les cas de figures on ne saurait forcer de tels phénomènes de jeu politique. Ça ne se force pas et l’avenir nous donnera raison.



Eux, ils ne veulent pas de vous, et vous est-ce que vous avez besoin d’eux ?



Nous avons dit que nous sommes ouverts à toute forme de rapprochement politique avec tous les partenaires parce que nous sommes tous des Burkinabè. Si nous voulons le développement de notre pays nous devons accepter de nous approcher de ceux qui veulent le développement du pays. C’est le facteur commun. Mais s’il n’y a pas de facteur commun il n’y a pas de rapprochement politique. Nous sommes dans une disposition d’esprit où nous sommes ouverts aux différentes sensibilités politiques sur la base de la construction nationale. Comme la politique c’est le champ du possible, ceux qui étaient des adversaires hier sont des partenaires aujourd’hui, et ainsi va la dialectique politique. Nous n’excluons pas le fait qu’on soit ensemble, qu’on se sépare et qu’on puisse éventuellement se retrouver. Nous n’excluons pas ces hypothèses qui reposent sur la dialectique et l’évolution politique.



Est-ce qu’au Parlement les députés CDP feront une opposition systématique au MPP ?



Nous allons faire une opposition républicaine dans la mesure où nous sommes dans l’opposition et non au pouvoir. Cette opposition sera faite dans les règles de l’art. Nous n’allons pas organiser une riposte par vengeance ou quoi que ce se soit. Nous allons servir la République en nous opposant à ceux qui gouvernent, et en critiquant de façon objective et constructive la mise en œuvre de leur programme.



On entend dire que vous faites des approches pour des alliances avec d’autres partis comme l’UNIR/PS.



Il y a eu en effet des initiatives de la part des cadres du parti qui ont approché les cadres d’autres partis pour voir s’il y a des possibilités d’éventuelles alliances au niveau parlementaire surtout. Ça se tisse toujours. Comme je l’ai dit nous n’avons pas d’a priori vis-à-vis de quelqu’un ou d’un quelconque parti politique. Pour l’instant, nous n’avons pas pris contact avec un parti officiellement mais en bas ça fait mouvement.



On imagine bien qu’avec l’ADF/RDA l’alliance sera naturelle au sein du Parlement ?



Vous savez, en politique rien n’est naturel. Ce qui est naturel peut brusquement s’arrêter et devenir artificiel. C’est vrai que c’est un partenaire avec qui nous avons cheminé longtemps. Avec l’ADF/RDA il y a eu des contacts qui ont été pris dans la perspective de notre participation à l’animation du futur parlement. De ce point de vue l’ADF/RDA a des positions qui relèvent de son autonomie politique affichée. Même quand on était ensemble il vous souvient que ce parti et nous ne nous accordions pas sur certaines questions même d’importance. C’est dans le respect de nos différences que nous nous sommes encore approchés cette fois-ci pour voir si éventuellement y a un terrain sur lequel on peut nouer une quelconque alliance parlementaire avec les députés de l’ADF/RDA nouvellement élus et les nôtres.



Et l’UPC dans tout ça ?



Nous attendons de voir la détermination de l’UPC puisque c’était le chef de file de l’opposition et qui, aujourd’hui, se positionne à nouveau comme la deuxième force politique du pays. Et elle a la possibilité, soit de se coaliser avec le MPP pour participer au gouvernement, soit de rester dans l’opposition. Nous attendons donc que l’UPC se détermine par rapport à cette question. Et comme la loi le dit si l’UPC veut collaborer au niveau gouvernemental nous sommes de par la loi obligés de jouer le rôle de chef de file de l’opposition.



Vous pensez vraiment que l’UPC peut rejoindre le MPP au gouvernement ?



C’est une éventualité à ne pas écarter. Tout est possible.



Est-ce que le fait d’attendre le second tour pour donner des consignes de vote à la présidentielle n’a pas été une erreur tactique ? Car si vous aviez demandé à vos militants de voter à la présidentielle pour l’UPC, vous auriez pu au moins arracher à vos frères ennemis un second tour forcément indécis ?



En réalité si nous avons eu 18 députés c’est parce que nous avons lancé ce mot d’ordre. Notre électorat est malheureusement à dominance analphabète. De ce point de vue la position de notre parti pour la présidentielle, étant entendu que notre candidat a été invalidé, était de faire en sorte que les électeurs puissent mettre l’accent, la priorité sur les élections législatives et non pas organiser un système où il y aurait la confusion entre deux logos. Si vous soutenez un candidat autre que celui de votre parti, vous devriez pouvoir vulgariser aussi son logo auprès de vos électeurs en même temps que votre logo qui est différent pour les législatives. Nous sommes des pédagogues et pour éviter la confusion, nous avons demandé à nos électeurs de se concentrer sur les législatives tout en donnant à chacun la possibilité de voter qui il voulait au niveau de la présidentielle.

Il se peut que ça ait contribué à renforcer la position du candidat du MPP à un moment donné. Mais nous pensons que sur le plan de la légitimité politique il était nécessaire pour nous de matérialiser notre position de cette façon. Chacun a ses priorités, ses intérêts sur le plan électoral. Est-ce que si nous nous étions prononcés pour un candidat cela n’aurait pas contribué à changer le jeu de la présidentielle et donner la chance d’un deuxième tour au lieu que les choses se règlent dès le premier tour. C’est possible. Mais il vous souvient également que la plupart des candidats qu’on aurait pu soutenir significativement ont déclaré qu’ils n’avaient pas besoin de nous. Et on ne peut pas aller obliger quelqu’un à recevoir votre soutien. C’est toutes ces raisons mises ensemble qui expliquent un peu cette situation. Il y a des candidats qui nous ont approchés pour demander notre soutien, mais nous leur avons expliqué de façon amicale que notre consigne de vote ne nous permettait pas au premier tour de les appuyer directement et ouvertement. Mais si ces candidats passaient au premier tour, nous les aurions appuyés ouvertement dans la mesure où il n’y aurait plus eu d’autres enjeux pour nous que de finaliser la présidentielle.

Peut-on savoir quels sont les candidats qui vous ont approchés ?

Il y a les candidats Salvador Yaméogo et Ablassé Ouédraogo qui nous ont approchés directement pour solliciter notre soutien.

Quelle part a pu prendre Blaise Compaoré dans cette campagne électorale ? On imagine qu’il a casqué…

Ce qui est important c’est que Blaise Compaoré nous a soutenus moralement. C’est le premier soutien significatif qu’il nous a donné. C’est lui le fondateur du parti et tant que tel le parti doit bénéficier de son soutien moral, même si matériellement et financièrement il ne peut plus nous soutenir directement. En plus de cela, il faut reconnaître que son soutien a permis à ceux qui continuent d’avoir de la sympathie pour nous de nous tendre un peu la main par-ci par-là. Nous savons aussi que certains soutiennent le CDP à cause du président Blaise Compaoré. Et tout cela mis ensemble il a apporté une bonne contribution dans notre campagne.

Vous lui avez rendu compte par quel canal ?

Il suit l’évolution de la situation de près. Entre la Côte d’Ivoire et le Burkina c’est comme si on était dans le même réseau d’information. Il a suivi ces campagnes et ces élections. Il est au courant de ces résultats et par personnes interposées il nous a apporté ses félicitations. Nous sommes également tenus de lui rendre compte de façon organisée dans la mesure où c’est le fondateur. Tout acte posé dans un moment important comme les élections devrait être consigné sous forme de rapport qui lui soit adressé pour qu’il prenne connaissance des plus grands détails de cette action.

Vous qui n’avez jamais fait l’opposition, comment entrevoyez-vous votre cure hors du pouvoir ?

Comme le disait un ancien opposant maintenant passé à la majorité, c’est à notre tour de goûter aux délices de l’opposition. C’est humoristique mais expressif. Tout en leur souhaitant en tant qu’ancienne opposition de goûter aux délices du pouvoir et de ne pas se laisser prendre, nous allons organiser notre nouveau statut à savoir celui de l’opposant mettant surtout en avant notre participation aux débats contradictoires démocratiques. De temps en temps les organes de presse nous reprochaient lorsque nous étions aux affaires de ne pas être faciles à mouvoir pour les différentes déclarations et les différents débats. Cette fois-ci étant dans l’opposition, libérés donc des charges liées à la gestion des affaires de l’Etat, nous pourrons consacrer une bonne partie de notre action à participer à l’animation de la vie politique. Et faire en sorte aussi que notre programme soit réaménagé pour épouser les nouveaux défis du Burkina Faso.

Ceux qui viennent de gagner ont cogéré le pouvoir avec vous pendant 30 ans ; à votre avis, peuvent-ils encore apporter quelque chose de nouveau pour ce pays ?

Je suis très mal placé pour savoir ce qu’ils peuvent apporter de nouveau. Je les connais mais c’est une question assez délicate. Si je dis oui il faut que je sache ce qu’ils peuvent apporter de nouveau. Si je dis non c’est comme si je sous-estimais leur capacité d’innovation. Je ne peux qu’émettre un souhait : qu’ils sortent des chantiers battus pour présenter au peuple burkinabè quelque chose de nouveau en vue de pouvoir se justifier et justifier leurs actions politiques.

Les nouvelles de vos camarades en exil ?

Oui nous sommes en contact avec ceux qui sont dehors. Nous souhaitons que la situation politique évolue et qu’avec la remise en place des institutions démocratiques républicaines, ces questions puissent être évoquées et traitées pour leur permettre d’une manière ou d’une autre de revenir au pays et d’apporter leur contribution autant que faire se peut.

Quelle appréciation faites-vous de l’organisation de cette élection couplée ?

Avec les observateurs nationaux et internationaux il est apparu que les élections ont été transparentes. Mais il y a un aspect que l’appréciation a oublié de traiter. C’est la question de l’équité. Pour une élection démocratique il doit avoir à la fois la transparence mais aussi l’équité. C’est une élection qui n’a pas du tout respecté ce principe dans la mesure où tous les partis ne sont pas partis de la même ligne de départ. Nous étions à 100 mètres derrière pour une course de 100 mètres devant. On comprend pourquoi nous sommes arrivés tant bien que mal après beaucoup de gens et pas des moindres. Il faut que nous pensions à ce principe d’équité pour améliorer de ce côté car si effectivement les efforts ont été faits pour la transparence, il faut que des efforts soient également aménagés pour qu’il y est de l’équité dans les élections. Je le dis d’autant plus que la critique nous a été faite lorsque nous étions aux affaires ; il ne faut pas donner l’impression que nous sommes les nouveaux saints. Il y a eu des problèmes d’équité quand nous étions aux affaires par rapport au financement des campagnes des élections de chaque parti. Il y avait une évaluation démesurée de l’engagement financier de la part de certains partis et un engagement financièrement très très difficile pour d’autres partis. Le principe d’équité pourrait être revu par l’ensemble de la classe politique pour que nous puissions nous rapprocher des règles qui permettent aux uns et aux autres d’être au même niveau de la compétition et sur la même ligne de départ pour des élections crédibles.

Le MPP milite pour la 5e République. Pensez-vous aujourd’hui qu’il faille y aller franchement ?

J’aimerais faire deux remarques. La première est que le passage d’une république à l’autre n’est pas le fait d’un volontarisme d’une fraction de citoyens. Ça doit être le fait de la volonté du peuple et je pense que c’est l’élément fondamental. La question n’est pas tant de passer de la IVe à la Ve République que celle de savoir si c’est la volonté de la majorité que de le faire. Si c’est la volonté du peuple de le faire ce serait tout à fait légitime et tout à fait normal. Mais si c’est juste une fraction qui entend faire cette évolution sans tenir compte des aspirations du peuple, ça serait dommageable. La deuxième observation, nous n’avons pas de fixation sur les républiques. S’il y a la quatrième il peut avoir la cinquième. Seulement nous pensons que les différentes conditions objectives doivent être remplies pour que ce passage puisse se faire en tenant compte d’une réforme profonde de la démocratie et dans notre pays.



Entretien réalisé par

San Evariste Barro

Lévi Constantin Konfé
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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