15 personnes. C’est le nombre officiel de morts à l’issue de la troisième journée des manifestations de l’opposition en Guinée Conakry. Des manifestations relatives à l’organisation des élections législatives pour lesquelles, l’opposition accuse le pouvoir de chercher à les truquer. En effet, les partis politiques d’opposition disent ne pas avoir été consultés pour ces élections, fixées au 30 juin, avant l’annonce de cette date par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ainsi, au regard de ce manque de dialogue et, qualifiant de dictature déguisée le régime de Alpha Condé, les partis politiques d’opposition ont décidé de manifester le 23 mai dernier. Une manifestation violemment réprimée par les forces de l’ordre. Au lendemain de ces échauffourées, l’opposition, face à cette barbarie digne d’un pouvoir militaire, a encore appelé à une journée ville morte.
Laquelle journée ville morte a aussi dégénéré en violences meurtrières. Au troisième jour de la manifestation, c’est le même triste scénario : affrontements d’une rare violence, portant à 15 le nombre de morts suite aux manifestations. 15 morts pour lesquels les deux parties se rejettent la responsabilité. Dans un communiqué laconique, le gouvernement s’est pitoyablement illustré en affirmant que « ce sont des manifestants surexcités qui ont pris à partie leurs leaders et demandé aux forces de sécurité de les protéger, ainsi que leurs biens ». « Diversion et intox », réagit avec véhémence l’opposition politique. L’un dans l’autre, le constat est là, bien abracadabrante. Des citoyens guinéens sont morts et c’est suffisamment grave. Et c’est cela qui doit préoccuper plus d’un. De façon générale, en Afrique, le pouvoir étant de nature instable, tout mouvement de contestation ou de revendication légitime est considéré comme un acte déstabilisateur du régime. Animé donc de cette manie qui est la maladie infantile de tous les présidents africains, Alpha Condé, jadis un opposant historique et respecté, ne fait que se fourvoyer dans une tradition qui pourrait lui être fatale. Mais diantre, que se passe-t-il ? Comment admettre qu’un homme qui a nourri l’espoir de tout un peuple arrive à s’adonner à de telles dérives dignes d’un Etat d’exception ? Puisqu’à l’évidence, non seulement il s’obstine à ne pas organiser des élections libres et transparentes au nom de ses intérêts égoïstes et de ses relents dictatoriaux, mais aussi il abat une répression barbare et injustifiée sur sa population dont le seul tort est d’avoir réclamé des élections législatives équitables et régulières. Pourtant, qui plus qu’Alpha Condé pour se convaincre que le peuple guinéen est assoiffé d’une démocratie participative et représentative ? Un peuple qui a été, cinq décennies durant, terrifié par des régimes militaires et barbares. Pour avoir lui-même été une des victimes de ces régimes d’exception, il devrait écouter le cri d’orfèvre de son peuple. Hélas, ce ne fut malheureusement pas le cas. Dans une dictature couverte de vernis de la démocratie, Alpha Condé a fini par convaincre les plus sceptiques qu’il n’est pas favorable à un retour définitif au pouvoir civil.
Et tous ceux qui caressaient le rêve d’assister à une gestion démocratique de la Guinée, voient leur espoir s’amenuiser. Car, le pays ne fait que s’embourber dans un cycle infernal de non respect des droits humains avec toujours des policiers qui tirent impunément sur des manifestants et une armée à la gâchette très facile. Rien, absolument rien n’a changé dans la gouvernance de ce pays. Malédiction d’un pays aux immenses richesses naturelles, sommes-nous tentés de dire au regard de la fameuse phrase prononcée depuis les indépendances. « Nous préférons la pauvreté dans la liberté que l’esclavage dans l’opulence », avait en effet lancé le père de l’indépendance, Sékou Touré. Le constat aujourd’hui nous oblige à conclure que les Guinéens ne sont malheureusement ni riches, ni libres. Tenaillés par les affres de la misère, enchainés par une dictature, ils ne savent plus à quel système politique se vouer. Pire, cette situation qui prend des allures irréversibles ne semble émouvoir la communauté internationale. Elle assiste hypocritement, comme d’habitude, aux massacres pour ensuite brandir l’argument de la justice internationale.
Avec des affrontements qui ont atteint une quinzaine de pertes en vies humaines, c’est l’occasion ou à jamais pour elle (la communauté internationale) de rappeler à l’ordre Alpha Condé au respect des droits des manifestants. C’est l’occasion de réagir pour ne pas assister impuissamment à une grave dérive humanitaire. En restant aphone et atone face ces répressions meurtrières, il n’est pas exclu qu’on assiste à un carnage comme à l’époque de Dadis Camara. Vite donc l’intervention de la communauté internationale en Guinée Conakry pour décourager les candidats à la répression barbare .