Le port sec de Bobo-Dioulasso, encore appelé gare routière internationale, est fonctionnel depuis janvier 2010. Sa création par la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI-BF) a permis d’accroître le volume des importations et les recettes douanières dans l’Ouest du Burkina Faso. La mise en fonction de l’infrastructure constitue ainsi une opportunité pour la relance des activités économiques dans la cité de Sya.
Un vent nouveau souffle sur les activités économiques dans l’Ouest du Burkina Faso. La mise en fonction du port sec en janvier 2010, en est le stimulateur. Il est 7 heures passées de 25 minutes en cette matinée du lundi 12 octobre 2015 à la zone industrielle de la cité de Sya. Nous venons de franchir l’entrée du port sec. Constat : des camions-remorques sont stationnés à droite, dans l’espace sous douane. Ils attendent de faire passer leurs contenus au « scanner ». Certains conducteurs sont toujours au volant, en train de manœuvrer leurs véhicules, pour pouvoir les stationner à l’endroit convenable. Un coup d’œil jeté un peu plus loin, ce sont des conteneurs entreposés les uns sur les autres qui attirent le regard. Derrière ces conteneurs, un autre espace est occupé par des remorques, qui sont en transit. Quant aux camions transportant des produits spécifiques comme les matières inflammables, ils sont également stationnés dans un espace bien précis. Tout semble ainsi bien organisé au sein de l’infrastructure. C’est dire que chacun est à la place qui lui est réservée. La partie située à gauche dès l’entrée de l’infrastructure, est la zone administrative comprenant respectivement les bureaux des douanes, de la CCI-BF et des administrations partenaires (multifonctionnelles). A notre arrivée, devant ces bâtiments, quelques agents échangent avec les usagers et les collègues de service. C’est dans cette ambiance particulière de jour ouvrable que nous avons effectué notre entrée au port sec de Bobo-Dioulasso. L’objectif de cette présence matinale était de recueillir des informations relatives à l’importance de l’infrastructure dans l’économie de l’Ouest du Burkina Faso, voire nationale. De notre entretien avec le directeur de l’infrastructure, François Drabo, il est ressorti que le projet port sec de Bobo-Dioulasso a été envisagé dans les années 1980. « Il a été accueilli favorablement par les autorités municipales de la ville. Et l’ensemble des intervenants ont accordé beaucoup d’intérêt à l’implantation de l’infrastructure dans la région. A cet effet, un terrain de 120,91 hectares a été attribué à la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso en novembre 1983, à la zone industrielle et le long de la voie ferroviaire », a précisé M. Drabo. A l’entendre, le projet se justifie non seulement par le niveau d’activités économiques dans la cité de Sya, mais aussi par sa situation géographique en tant que carrefour d’échanges commerciaux à destination ou en provenance du Mali, du Niger, de la Côte d’Ivoire, du Ghana et des autres régions du Burkina Faso.
le volume des activités économiques a pris de l’ampleur
Le directeur du port sec a fait savoir que le projet a été conçu en deux phases. La première a consisté à construire une plateforme logistique multimodale sur une superficie de 19 hectares, extensible à 40 hectares. « En termes d’infrastructures et d’organisation, la plateforme est structurée en six principales zones », a indiqué M. Drabo. Il s’agit notamment des zones sous douane, de terminal à conteneurs, de transit étranger (ou transit international), hors douane, administrative et le centre de vie. Et de révéler que le coût de réalisation de l’infrastructure est d’environ 7 milliards de F CFA. M. Drabo a fait savoir que la sécurité de ces infrastructures est assurée par une unité de la gendarmerie dénommée « Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) » et par une société de gardiennage. Aujourd’hui, les chiffres attestent que la mise en fonction de l’infrastructure a accru les importations à Bobo-Dioulasso. Selon M. Drabo, le volume des activités économiques a pris de l’ampleur : « De 200 000 tonnes en 2010, nous sommes aujourd’hui à 600 000 tonnes de marchandises sous douane traitées sur la plateforme. Avant 2010, en ville, c’était environ 154 000 tonnes de marchandises traitées ». A cela, s’ajoute le volume de marchandises en transit. La croissance des importations a ainsi une répercussion sur les recettes de l’Etat. Aux dires du directeur du port sec, les recettes douanières au sein de l’infrastructure sont estimées à 80 milliards de F CFA par an. Sur la question, le chef du bureau des douanes de Bobo-gare, Georges Armand Nir-Yang Médah, donne plus de détails. « Initialement, le bureau de douane de Bobo-gare, qui était logé à proximité de la gare Sitarail, avait une envergure moins importante qu’actuellement. Pendant ce temps, les recettes douanières tournaient autour de 3 milliards de F CFA par mois. Aujourd’hui, nous avons une prévision de recettes de 6 ou 7 milliards de F CFA par mois. Il y a des moments où nous avons atteint 8 milliards de F CFA », a précisé M. Médah. Pour lui, l’avantage d’une infrastructure comme le port sec, est la possibilité d’avoir sur la même plateforme, différents services qui permettent une plus grande célérité des opérations. « Si vous avez en même temps la douane, la Chambre de commerce, le Laboratoire national de santé publique, Cotecna, les services phytosanitaires, certaines commissions en douane agréées, un terminal à conteneurs à proximité, cela ne fait que booster l’activité», a indiqué le chef du bureau de douane.
Un exemple rare dans la sous-région
Pour M. Médah, c’est dans ce contexte que la douane arrive à accroître ses activités et à obtenir les résultats que « nous connaissons maintenant ». Et de souligner que la construction du port sec vient à point nommé, car il permet à la douane et à ses partenaires d’offrir des services adéquats aux commerçants, opérateurs économiques et tous ceux qui interviennent dans la chaîne de dédouanement. Le même sentiment est partagé chez les usagers de l’infrastructure. Selon le représentant de l’OTRAF au port sec, Issiaka Diabaté, la création du port sec est une opportunité pour la relance des activités économiques à Bobo-Dioulasso. « Nous sommes présents au port sec afin d’éviter des litiges entre les responsables du port sec, la douane, les autres usagers et les routiers », a justifié M. Diabaté. Il a fait aussi savoir que plusieurs nationalités fréquentent le port sec. En effet, il y a entre autres, des Maliens, des Nigériens, des Ivoiriens sans oublier les Burkinabè. « Ils se conforment aux règles du port sec », a-t-il dit. Et M. Diabaté de poursuivre que l’exemple du port sec est rare dans les autres pays de la sous-région. Même son de cloche chez les chauffeurs qui saluent l’initiative. Mahamadi Bagaya, chauffeur de semi-remorque rencontré au port sec, laisse entendre notamment : « Cela fait près de 10 ans que je suis dans le transport du lait frais entre des villes de la sous-région comme Lomé, Ouagadougou, Abidjan et Bouaké. Mais depuis la mise en fonction du port sec, nous n’avons pas de problème. Tout se déroule bien. Nous rentrons ici pour faire un convoi ». Les transitaires apprécient également la création du port sec. Selon le sécrétaire général de l’Association des transitaires de Bobo-Dioulasso, Yacouba Ouédraogo, le port sec est une infrastructure moderne qui a amélioré les conditions de travail de tous les acteurs dans la chaîne du transport, du transit et autres prestataires. « En tant que déclarant en douanes, nous pensons que les marchandises sont en sécurité au port sec, au regard du dispositif », a-t-il confié. Malgré les avantages qu’offre le port sec, le fonctionnement rencontre des difficultés. Le directeur de l’infrastructure, François Drabo, en est conscient, quand il a déclaré que comme dans toute structure, « nous rencontrons des difficultés dans la gestion du port sec ». L’une des principales difficultés est l’étroitesse de l’espace aménagé, a-t-il souligné, qui devient de plus en plus insuffisant pour le stationnement des camions. Selon lui, cet espace sous douane se trouve souvent débordé en période de forte fréquentation. Il y a aussi la dégradation de l’état des infrastructures sous l’effet de la pression et du poids du trafic, et qui nécessitent de fréquents aménagements. « L’autre problème que nous rencontrons dans la gestion du port est la sous-exploitation du magasin sous douane qui est à moins de 30% de sa capacité d’exploitation », a dit M. Drabo.
La deuxième phase en projet
Et de poursuivre qu’à cause de son statut particulier de magasin sous douane, il ne peut être affecté à d’autres exploitations, comme par exemple la mise en location, ce qui permettra de minimiser les pertes et rentabiliser un tant soit peu l’investissement qui s’évalue à des centaines de millions de FCFA. « On note aussi la sous-exploitation de l’embranchement ferroviaire. Seulement, une partie de l’embranchement est utilisée pour acheminer les conteneurs sur le terminal à conteneurs, le reste est inexploité, car jugé trop court pour recevoir l’ensemble des wagons de marchandises arrivant par le train », a-t-il déploré. S’y ajoutent le non-respect des règles en matière de circulation et d’hygiène, ainsi que le problème du maintien de l’ordre avec les chauffeurs et apprentis. Le chef du bureau des douanes de Bobo-gare, Georges Armand Nir-Yang Médah a, pour sa part, évoqué les difficultés liées principalement à l’incivisme. « On a souvent à faire à des commerçants ou opérateurs économiques qui ne perçoivent pas le rôle fiscal de l’administration des douanes », a-t-il fait savoir. A entendre M. Médah, en tout temps, il faut rappeler le rôle de la douane en matière fiscale. « Il faut toujours expliquer à celui qui vient vers vous pour des formalités, pourquoi il est important d’appréhender la valeur de la marchandise à un bon niveau. C’est un exercice qui n’est pas facile, à partir du moment où beaucoup de ces opérateurs passent par des intermédiaires qui ne sont pas forcément dans la lignée, n’utilisent pas les créneaux habituels réglementaires de dédouanement. Chaque fois, il faut que la douane recherche les vraies factures pour avoir les vraies valeurs et quantités. Il y a des gens qui peuvent déclarer des articles de quincaillerie, alors qu’ils ont des postes téléviseurs », a-t-il révélé. Dans ces conditions, le travail de la douane devient très difficile, a précisé le chef du bureau de poste de douane du port sec, car on met plus de temps à chercher la véracité de ces importations que de tendre vers une certaine célérité. Pour pallier certaines difficultés, des projets sont en cours, notamment l’extension du port sec de 19 à 40 hectares. Dans cette perspective, le directeur du port sec révèle qu’une étude a été menée pour identifier les investissements complémentaires à réaliser à court et moyen terme, en vue de consolider et d’optimiser la rentabilité du projet. Ces investissements sont entre autres, l’aménagement des parkings en matériaux solides et définitifs pour atténuer leur dégradation sous l’effet du trafic, l’extension de la zone sous douane, et la construction d’un nouveau magasin sous douane, a dit M. Drabo. S’y ajoutent la construction d’une nouvelle aire de transit, et le prolongement de l’embranchement ferroviaire actuel jugé trop court pour réceptionner l’ensemble des wagons. La mise en oeuvre de la deuxième phase du port sec, toujours selon François Drabo, prévoit qu’une étude soit menée. L’objectif est de proposer un projet complet et ambitieux pour la réalisation de cette deuxième phase, à travers l’aménagement des 80 hectares restants et l’extension de Boborinter de 19 hectares à 40 hectares. A l’entendre, les propositions devront concourir à créer une véritable plaque tournante des affaires par l’identification de tous les services et infrastructures nécessaires à l’accompagnement et au développement des entreprises. « D’ores et déjà, il est décidé d’envisager l’aménagement d’une Zone d’activités diverses (ZAD)», a indiqué le directeur du port sec, François Drabo.
Boubié Gérard BAYALA
gbayala@ymail.com