Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Art et Culture

«Je ne suis pas sankariste mais un sankarien», Sams’K Le Jah
Publié le jeudi 10 decembre 2015  |  AIB
Sams`K
© aOuaga.com par DR
Sams`K Le Jah: ‘’Ce n`est pas parce qu`on a échoué dans la vie qu`on devient rastaman’’




Ouagadougou - Les élections couplées présidentielle et législatives se sont tenues le dimanche 29 novembre 2015 sur toute l’étendue du territoire national. C’est le candidat du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) Rock Marc Christian Kaboré qui en est sorti vainqueur avec 53 % des voix. Le jour du vote, nous avons échangé avec l’artiste reggae, Sams’k le Jah, cofondateur du mouvement balai citoyen qui avait joué un rôle déterminant en octobre 2014 lors de la chute du président Blaise Compaoré.


(AIB) : Les premières élections pluralistes post-régime Compaoré se sont déroulées le dimanche 29 novembre 2015. Quels sont les sentiments qui vous ont animé en ce jour historique ?

Sams’k le Jah (SKJ): Je rends hommage en ce jour mémorable à ses frères et sœurs tombés lors de l’insurrection et du coup d’Etat manqué. Ils ont payé de leurs vies pour que nous vivions. Ils sont les vrais exclus de ce pays et je pense que les vivants qui parlent d’exclusion, sont des comédiens. Ces élections, les premières depuis 27 ans, sans quelqu’un comme Blaise Compaoré, sont pour nous un signe de changement. Et ce jour historique, j’ai voté à l’école primaire de la Patte-d’oie comme des millions de populations mobilisées à travers le pays pour accomplir leurs droits. En tant que leader d’opinion, nous demandons aux jeunes de ne pas baisser les bras, d’y croire et de démontrer leur maturité politique. L’arme que nous avons, ce sont les urnes et il faut sanctionner ceux qui ne méritent pas de nous diriger.

Dans le cadre de ces élections, votre mouvement a organisé une caravane dans certaines localités du pays pour expliquer le concept « Je vote et je reste». Quelles sont les zones parcourues et le message délivrez ?

Il y avait sept localités à savoir Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Kaya, Ouahigouya, Tenkodogo, Yako. Cependant, de façon spontanée, il y a eu l’étape de Koupéla et de Pouytenga où nous avons été invités à venir expliquer le concept « Je vote et je reste ». Au fil des explications, les gens ont compris que le concept en lui-même est bon mais que c’était des détracteurs qui ont voulu faire croire qu’il allait créer un désordre. Nous avons été reçus par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et une commission des observateurs de l’union Européenne auxquelles nous l’avons expliqué. Ils l’ont tous appuyé. Cependant, nous devons travailler à parfaire ce concept et à former un peuple qui veille sur ses élections et éviter ainsi de consacrer des millions à l’organisation de nos élections. Ces élections couplées actuelles vont nous coûter autour de 35 milliards avec la venue des observateurs pour les superviser vu leurs enjeux. Une somme qui est donné par la communauté internationale. Il faut que l’Afrique commence à repenser un système d’élection sinon le jour où l’occident ne va pas donner de l’argent, il n’y aura pas d’élection chez nous. Récemment, j’étais au Sénégal et les membres du mouvement « Y en a marre » m’expliquaient que lors des élections de 2012 entre Macky Sall et Abdoulaye Wade, ils avaient développé un système qui balançait les résultats au fur et à mesure en temps réel dans tous les bureaux de vote. Et lorsque Wade a voulu malgré tout confisquer les résultats tout le peuple était déjà au courant. Il a voulu s’appuyer sur l’armée pour forcer et passer mais la hiérarchie militaire a refusé cela.

Quelle nouvelle orientation politique et économique faut-il aujourd’hui qui soit profitable aux populations burkinabè ?

Je dis très souvent que le malheur de nos hommes politiques c’est que le Burkina Faso a eu le bonheur de connaitre un président comme Thomas Sankara qui a démontré que lorsqu’on est patriote et qu’on a la volonté de construire, on peut le faire. Les gens aspirent au mieux-être, ils veulent se trouver dans un pays où ils se sentent en sécurité, où ils rêvent ce qui n’était pas possible dans le passé. Pour nous, la lutte contre la corruption, la lutte pour le développement qu’il soit local ou à l’échelle nationale doit être la priorité. Quand on dit développement, c’est la santé, l’éducation, l’emploi, la sécurité, l’alimentation. On dit au Burkina Faso, tout est prioritaire mais dans ce tout est prioritaire, il y a des priorités.

L’expression tout est priorité n’est-elle pas une fuite en avant des hommes politiques pour finalement ne rien faire ?

Justement, c’est parce que les gens veulent se cacher derrière leurs incompétences qu’ils disent que tout est prioritaire. Quand tu te réveilles le matin chez toi, tu as plein de priorités mais tu commences par te laver le visage. Il faut avoir un agenda. Sous la révolution, il y avait le plan quinquennal dans lequel, il y avait des aspects bien inscrits sur lesquels l’on devait se pencher. Gouverner, c’est prévoir et savoir s’organiser. Malheureusement, nous sommes dans des pays où l’on se cache derrière le fait que tout est prioritaire pour ne rien faire. Ce n’est pas une priorité par exemple d’avoir des échangeurs dans une ville comme Ouagadougou. C’est vrai que cela désengorge la circulation mais avant de construire des échangeurs, l’on pouvait bitumer le maximum de voies dans la ville pour éviter qu’il ait de la poussière qui rend les gens malades. Dans la ville de San Antonio (Etats-Unis) où je vis depuis quelques années, il y a plus de voitures que chez nous ici mais ils n’ont pas de poussière parce que toutes leurs voies sont bitumées. Nous pouvons faire comme eux mais c’est parce qu’au Burkina Faso, nous avons des gouvernants surfactureurs et des entrepreneurs voleurs à l’image des gens qui font un kilomètre de goudron à des milliards. Avec l’argent d’un échangeur seulement, je pense qu’on peut bitumer beaucoup de voies dans un quartier comme la Patte-d’oie.

Quel message avez-vous pour les futures autorités du pays?

C’est de leur dire que la même jeunesse qui a chassé Blaise Compaoré, le 31 octobre 2014 avant la prière de vendredi, est encore là. Aussi, ils doivent savoir écouter cette jeunesse, voir ses aspirations et aller dans ce sens. Il faut que les gens comprennent que nous sommes dans une dynamique nouvelle et que les jeunes veulent rêver comme les jeunes chinois et américains. Nous voulons voyager, travailler, construire quelque chose. Nous ne voulons plus de cette jeunesse qui est prête à aller mourir à Mélia, Lampedusa, dans la mer parce que voulant fuir la dictature et la misère. Il faut redonner de l’espoir à cette jeunesse afin qu’elle reste ici pour qu’elle travaille à produire un espoir nouveau dans ce pays. Malheureusement, en dehors de quelques jeunes qui étaient sur la liste des prétendants à la présidentielle, nous nous sommes rendus compte que c’est une vieille classe politique qui joue encore les premiers rôles. Lorsqu’on a vu comment certains ont battu campagne avec les gaspillages inutiles et l’achat des consciences, nous avons l’impression que le système de Blaise Compaoré est toujours là.

Au cours de l’insurrection populaire, on a vu de milliers de jeunes dans les rues se réclamant du président Thomas Sankara. Cependant, qu’est ce qui explique que les partis sankaristes n’arrivent pour autant pas à s’imposer ?

Je n’ai pas d’explication à cela mais je pense que c’est parce qu’ils ne méritent pas d’être des partis sankaristes qu’ils n’ont pas l’aura. C’est ma vision des choses. Thomas Sankara a été le général invisible de l’insurrection parce que partout où nous sommes passés, quand nous avons chanté l’hymne nationale, il y avait de l’émotion. Partout où nous sommes passé, presque tous les jeunes portaient des tees shirts à l’effigie de Thomas Sankara ou Norbert Zongo ou Che Guevara. Si malgré tout cela, les partis sankaristes n’ont pas pu capitaliser, c’est à eux de se mordre les doigts. Pour ces élections couplées, nous avons eu l’impression que les partis politiques sankaristes battaient campagne pour être juste des députés et non pour briguer le poste de président du Faso. Vous savez chacun vit le sankarisme comme il peut. J’ai toujours dit que je ne suis pas sankariste mais je suis sankarien.

Quelle est la différence entre les deux ?

La différence, c’est qu’on peut promouvoir l’idéal Thomas Sankara sans faire de la politique. Les femmes qui transforment les produits, le couturier qui met en valeur le faso danfani, ce sont des sankarien. Ils continuent l’œuvre de Thomas Sankara sans appartenir à un parti politique.

Votre mouvement le balai citoyen a traversé une crise au cours de cette année qui a abouti à l’éviction des premiers responsables de la coordination régionale de Bobo-Dioulasso. Quels étaient la nature réelle du problème ?

C’est juste qu’au lancement du mouvement, Smockey et moi avons eu confiance à tous les jeunes qui voulaient en être membres. Notre vision était de permette aux jeunes de s’approprier le mouvement et d’en faire leur chose sachant que lui et moi, nous serons toujours en train de voyager. Avec la mise en place du mouvement et après un meeting de l’opposition à la place de la révolution, je voulais créer une page Facebook du balai, mais j’ai vu que quelqu’un venait après le lancement du balai, d’en créer. J’ai envoyé un message à la personne. Il m’a dit qu’il est un fan qui nous suit et engagé à fond avec ses amis pour nous soutenir. Je n’en ai plus crée et la page crée par ce dernier, est restée la page du balai parce que nous ne voulons pas avoir le monopole de tout. Cependant, dès le départ, nous avons constaté que nous avons été infiltrés par certains partis politiques. En interne, nous avons commencé à mener des enquêtes et avons décidé que tous ceux qui jouent un rôle important dans le mouvement soient interdits d’activités politiques. Finalement, nous avons vu qu’il y avait des membres du mouvement qui étaient des marionnettes de certaines personnes cachées dans l’ombre et qui utilisaient la page du balai pour se régler des comptes. A partir de là, nous avons commencé à être plus exigent en refusant des injures sur la page du balai. Dans un concert, moi je peux me permettre de dire tout ce que je veux, cela n’engage que moi mais je ne peux pas aller sur la page du balai tenir des propos qui engagent tout le mouvement. Cela a créé des tensions à l’interne du mouvement avec les premiers responsables de la coordination régionale de Bobo-Dioulasso. Nous avons été accusés de vouloir tout contrôler et de faire la dictature. Nous avons pris des mesures disciplinaires tout en continuant de discuter avec ces derniers pour qu’ils comprennent que lorsqu’on est dans un groupe, il faut respecter l’esprit du groupe. Nous n’avons pas été écouté et ils sont allés jusqu’à organiser une marche sur la mairie de Bobo-Dioulasso sans en avoir reçu l’autorisation et nous-mêmes avons été mis devant le fait accompli. Nous n’avons même pas été consultés pour ladite marche. C’est au cours d’un meeting de l’opposition au stade à Bobo-Dioulasso que nous avons appris que le balai organisait une marche sur la mairie de Bobo-Dioulasso. Sur place, nous n’avons pas voulu désavouer nos gars et c’est après que nous les avons demandé d’annuler la marche à partir du moment où ils n’ont pas l’autorisation. Ce jour je suis resté en contact avec les anciens représentants du balai de Bobo-Dioulasso jusqu’à 1 heure du matin, pour les dissuader d’organiser la marche. Ils nous ont dit que l’information était déjà partie et qu’ils ne pouvaient plus arrêter. J’ai dit si c’est pour que la population sache que la marche est annulée moi j’ai des amis journalistes radio à Bobo-Dioulasso, à qui je peux demander de diffuser des communiqués durant toute la nuit, quel que soit le coût. A notre grande surprise, très tard dans la nuit, j’ouvre ma boite et j’ai un mail dans lequel ils me disent qu’ils ont décidé de maintenir la marche. Après la marche, nous avons dû user de tout notre poids pour éviter l’interdiction du mouvement par les autorités. Nous avons encore pris des mesures disciplinaires contre eux. Et quand l’insurrection est venue, malgré notre décision qu’aucun membre du balai ne devrait être dans la transition, certains se sont cachés pour venir être membre du Conseil national de la transition (CNT). Nous avons demandé des explications et ils ont été exclus. Ils n’ont pas voulu accepté cette exclusion et ils ont voulu régionaliser la lutte en parlant de Balai citoyen Bobo pourtant cela ne veut rien dire. La première action du balai a été faite à Bobo-Dioulasso avec Sams’K le Jah et Smockey. C’était pour l’éclairage de la nationale N°1 (Les deux artistes étaient présents en juillet 2013 à Bobo-Dioulasso dans le cadre de la finale de la 1ere édition du concours de débat Thé-Batteurs quand est survenu l’accident sur la nationale 1. Ils ont soutenu les jeunes qui manifestaient pour l’éclairage de la voie). Moi je ne me vois pas en tant que Ouagalais ou Bobolais mais en tant que Burkinabè. Ce qui touche Bobo me touche ici à Ouaga. Le collectif balai citoyen qu’ils ont mis en place, créait la confusion avec notre mouvement. Nous avons écrit à l’administration territoriale qui leur a demandé de changer de nom et d’utiliser d’autres symboles parce que ça prête à confusion. Nous n’avons pas voulu faire beaucoup de bruits la dessus parce que pour nous, il y a des combats plus importants que cela à mener.

Vous avez initié cette année un festival reggae. Parlez en nous.

Cette année, il y a eu la première édition de Reggae City Festival qui s’est très bien passée. Trois jours avec un village de Reggae. Il y avait près de 20 à 25 000 personnes qui ont défilé. La 2ème édition aura lieu les 25, 26 et 27 mars de l’année 2016. Ce ne sera pas en mai comme cette année parce qu’au cours de ce mois, il y avait eu des confusions avec d’autres activités et aussi une perturbation des pluies. Pour nous, c’est un hommage que nous faisons au reggae donc nous n’avons pas besoin de faire cela forcement le 11 mai qui est beaucoup plus Bob Marley. Bob, il est vrai, est le roi du reggae mais à côté de lui, il y a plein d’autres leaders du reggae à qui il faut rendre hommage. Nous avons commencé à contacter les artistes et nous espérons avoir des réponses positives, le rêve c’est de faire venir Jimmy Cliff qui était un ami de Thomas Sankara et qui n’est plus revenu au Burkina Faso après l’assassinat de ce dernier. Nous voulons que ce dernier puisse revenir se recueillir sur la terre de son ami après que les assassins de ce dernier aient fui. Je suis aussi en contact avec Tiken Jah pour voir par rapport à son agenda, s’il pourra venir. Les choses sont en train de se mettre petit à petit en place et nous espérons avoir un beau festival l’année prochaine.

Vous partez pour les Etats-Unis le samedi prochain (samedi 5 décembre 2015). Quel sera votre agenda ?

Je vais aux Etats-Unis juste pour des raisons de famille. Je vis au Texas et précisément à San Antonio depuis 2011. Je suis moitié là-bas moitié ici. C’est vrai qu’on en profite pour faire d’autres activités sur le terrain notamment rencontrer les jeunes burkinabè sur place et faire quelques petits concerts, des formations et autres. Sinon je n’y vais pas particulièrement pour quelque chose.

Agence d’Information du Burkina

Interview réalisé par

Wurotèda Ibrahima SANOU
Commentaires