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Le Pays N° 5363 du 23/5/2013

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Etats generaux de l’enseignement superieur : « Evitons de galvauder les choses »
Publié le vendredi 24 mai 2013   |  Le Pays




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L’auteur du texte ci-dessous donne son point de vue sur l’enseignement secondaire au Burkina Faso. Pour lui, les problèmes de ce secteur sont connus, et on y a pas besoin d’états généraux pour les résoudre. Lisez !

Si ce n’est pas la saison des états généraux, cela y ressemble : santé en février 2010, musique en septembre 2011, environnement-développement durable puis agriculture-sécurité alimentaire en novembre 2011, filière coton et acteurs du BTP en avril 2012, handball en mars 2013, etc. Depuis quelques mois, il en est question pour l’enseignement supérieur, tandis que restauration de l’autorité de l’Etat, sécurité au travail et autres se préparent, comme on le dirait en gymnastique.

Tout ça, « une fleur au chapeau… à la bouche une chanson… un cœur joyeux et sincère… », comme on le chantait à l’école primaire, tout innocent, avant de rentrer en classe. Mais derrière ces initiatives joyeusement galvaudées ou le plus souvent vidées de leur substance, ce sont des secteurs d’activités qui se plantent tous les deux ou trois clics, des populations qui attendent, désespérément, une amélioration de leur quotidien.

L’Université est, de réputation, le « temple du savoir ». Même s’il peut s’y passer des choses peu honorables relativement à cette fonction, c’est le plus haut lieu de conceptualisation laïque et d’accès sans conditions immatérielles autres qu’un certain niveau attesté d’instruction. C’est là où l’on collecte, produit et enseigne des savoirs parmi les plus complexes, pour faire acquérir des compétences mais pas seulement ; elle donne aussi des repères d’usage et de valorisation socialement conformes de ces compétences, essentiellement par des modèles matériels et immatériels pouvant être humains ou méthodologiques, par le sens de la rigueur, de la fermeté et de l’effort intellectuels, etc.

Pour tout cela, il faut se garder d’y galvauder les choses, surtout dans leur mise en pratique. On peut se tromper, mais pas réinventer ou dépouiller les concepts de leur sens pour s’accommoder ou donner de la valeur à des errements intellectuels, d’où qu’ils viennent. Des états généraux, en général, doivent être appréhendés en tant qu’activités (réaliser des états généraux) et/ou en tant qu’assemblées de parties prenantes, instituées ou non (convoquer des états généraux). Il s’agit de répondre aux questions de quoi parle-t-on, et, de qui parle-t-on, respectivement dans le premier et le second volet.

Réaliser des états généraux, de quoi parle-t-on ?

En tant qu’activité, il s’agit d’une photographie instante (état) d’une chose, suivie d’une recherche/analyse des chaînes et réseaux de causalités de l’état de cette chose et de ses projections à différents pas de temps, selon des scénarios.

Sous cet angle, les états généraux deviennent nécessaires lorsque les éléments de diagnostics existants, parce que parcellaires ou dépassés, orientés ou circonstanciels, etc., ne sont plus suffisants ou pertinents pour identifier des réponses adéquates, et à organiser et formuler des plans d’actions complets et cohérents ; plans dont la mise en œuvre permettrait de prévenir les crises ou d’en minimiser les conséquences, le cas échéant. Il s’agit donc, bel et bien, de mettre l’accent sur les aspects diagnostics de la chaîne de planification, par une démarche technique. Et les résultats, qui sont des constats têtus, non négociables, doivent pouvoir servir, en principe, à n’importe quel système politique qui accèderait au pouvoir. C’est comme un état de la population obtenu par recensement, traitements et analyses, un état de l’environnement ou de ressources nationales spécifiques, obtenus après des inventaires et études techniques.

Par contre, l’usage qui est fait des résultats de ces états généraux, en termes d’options et de formulation de plans d’actions est d’essence politique : à partir des constats têtus et de leurs analyses, des choix de réponses sont opérés puis programmés après discussions et concertations, négociations et arbitrages entre et avec des acteurs aux visions et intérêts différents, sinon divergents voire conflictuels. On peut faire immédiatement se succéder les états généraux et la formulation politique de plans d’actions, mais pas les confondre ou les assimiler, encore moins escamoter la première au profit de la seconde. Cette dernière deviendrait, alors, purement spéculative, sans fondements, sans bases factuelles et sans motivations scientifiques. La formulation de plans se fonde sur un diagnostic (c’est bien connu) ; et les deux démarches, différentes, ne sollicitent même pas, forcément, les mêmes expertises.

Ainsi, lorsque le PM dit qu’il ne « s’agit vraiment pas de ressasser encore les problèmes », c’est compréhensible mais trop facile, et l’on peut se demander quel est le but réel de l’exercice projeté. Car, en réalité, sauf à remettre en cause sa bonne foi, les problèmes de l’enseignement supérieur semblent plutôt vécus de loin que clairement compris par le niveau central du pouvoir. Autrement, on n’aurait pas vu ce qu’on a vu lors de la visite du PM à l’UO en mars dernier, et ce dernier n’aurait pas exposé le pays tout entier à un risque aussi important de « troubles à l’ordre public ». Si ces problèmes étaient compris par le pouvoir central (toujours sous présomption de bonne foi), les savants et futurs savants des universités publiques n’auraient pas besoin d’en venir aux mains, ou de se trimbaler devant gendarmes et juges pour trancher de questions d’essence intellectuelle ; on n’aurait pas d’enseignants « fictifs à l’université de Ouagadougou » qui narguent leurs collègues et, in fine, leur employeur dont ils ne doutent pas de la complaisance ; etc. Le principal risque, actuellement perceptible, c’est que ces assises n’éludent les vrais états généraux pour de stériles et monotones incantations où la proie est lâchée pour son ombre. Et ce risque est renforcé par des préparatifs biaisés et non inclusifs.

Convoquer des états généraux, de qui parle-t-on ?

« Concertation », « inclusion », « tous les acteurs », etc., voilà des jokers de rhétorique, dans les faits rudement éprouvés et malmenés à propos des états généraux de l’enseignement supérieur. En tant qu’assemblée des représentants de parties prenantes, ils devraient constituer un moyen de stimuler l’expression et la mobilisation citoyennes sur l’enseignement supérieur. Et pour permettre un éclairage des problèmes sous un maximum de facettes et leurs traçages objectifs par une analyse de leurs chaînes et réseaux de causalités comme ci-dessus rappelé, ces états généraux doivent être ouverts, y compris dans leurs préparatifs, et le plus précocement possible. Pour le moment, pour certains acteurs et parties prenantes, ces préparatifs ressemblent à un spectacle d’ombres et de silhouettes par derrière des rideaux opaques. A quelques semaines, voire jours de ces assises, on ne voit toujours pas qui organise quoi et quels représentants de quelles parties sont convoqués, et rien ne permet d’apprécier la complétude de l’assemblée. Et lorsque le PM dit qu’il engagera « d’urgence un processus de concertation avec tous les acteurs », on se demande quand, et qui concerte qui, sur quoi ? Ce manque d’information a été très précoce, dès le départ, avec la création d’un Comité ad hoc de réflexion (CAR), installé en mi-juillet 2012 par le PM. Son existence a circulé par des rumeurs, avant que son président n’invite, par mail, les universitaires à répondre à quelques trois questions. C’est par les médias qu’on a suivi la remise du rapport au Premier ministre, et pris connaissance de son contenu, sans la moindre possibilité d’interaction.

Ce CAR devait produire un livre blanc pour « … constituer la trame, le soubassement des états généraux de telle sorte qu’à partir de 2013, nous prenions les mesures nécessaires pour que l’université retrouve son lustre d’antan… ». Le drame, c’est que « pour que l’université retrouve son lustre d’antan », c’était déjà la préoccupation en 2000 et, certainement pour y parvenir, il avait été conduit une « refondation ». Passent encore les conditions d’Etat d’exception de cette refondation (campus occupé par l’armée et interdit d’accès, y compris aux enseignants chercheurs) ! Mais plus de douze ans après, on en est, toujours à rechercher le même « lustre » d’on ne sait plus quel « antan » !

Faut-il le rappeler, la plupart des enseignants s’était démarquée d’une refondation consécutive à l’invalidation d’une année qu’ils estimaient « sauvable » (on était en octobre, soit deux à trois mois de retard). Les risques et les problèmes qui pouvaient en découler ou s’aggraver avaient été analysés dans la presse de l’époque. Il s’agissait, entre autres :

• de la démotivation, devenue de nos jours indisponibilité, voire indiscipline de certains enseignants (et pas des moindres), des confusions et malaises éthiques et déontologiques ; • de la non-maîtrise des flux en rapport avec les infrastructures et autres, avec sa cascade de conséquences dont l’écrasante domination des étudiants qui n’ont rien à espérer (comme diplôme) de l’université, et donc indifférents, sinon disposés eux-mêmes aux actes de blocage ;

• de la perte de confiance aux universités publiques nationales au profit d’universités privées ou publiques extérieures, bien que l’offre et la qualité des enseignements soient reconnues de bons niveaux. Ces problèmes ne sont donc pas tombés du ciel (comme le 1er septembre). Si catastrophe il y a, elle est traçable et la moindre des choses serait de correctement les tracer par un bilan de cette refondation. Mais comme pour ne pas en parler, on a choisi de reprendre, à travers ce CAR, les mêmes clés acteurs pour élaborer « la trame, le soubassement » des états généraux.

Parlant de l’organisation des états généraux, le PM disait lors de sa visite à l’UO, en mi-mars qu’il « invite le comité qui aura la lourde tâche de les organiser à être concret, pragmatique et efficace ». Par la suite, il a invité le MESS à « réactiver et de revoir au besoin la composition du Comité d’organisation des états généraux de l’enseignement supérieur qui devra se mettre instamment à l’œuvre ». Mais sait-il seulement que son auditoire, peut-être en dehors de quelques introduits, n’en sait rien sur le comité dont il parle ? En clair, le scenario a été biaisé dès le départ pour écarter les questions qui fâchent et leurs porteurs, mêmes putatifs. Il ne s’est pas inscrit dans quelque chose de clair, de rassurant pour « tous les acteurs » avec une recherche précoce d’ententes et de consensus. Comment éviter le scepticisme et, pour les plus accommodants, la méfiance et la suspicion ?

Conclusion

Au regard de ce qui est ci-dessus dit, aussi bien pour l’activité que l’assemblée « états généraux », on n’est pas dans le sujet. Depuis plus de 20 ans, sur les questions essentielles, structurantes de l’enseignement supérieur, les autorités tournent en rond avec une petite poignée d’approches et d’options (de personnes aussi) qui ont pourtant montré leurs limites, fait et défait leurs preuves. Vivement que les mécanismes de dialogues et d’appels d’idées dans l’enseignement supérieur évoluent pour se hisser à hauteur d’exigences modernes, pour refléter et rendre officiellement visibles/audibles les diversités intellectuelles sur la vie des institutions qui le portent !

Les approches et initiatives unilatérales, balisées et calibrées d’avance puis conduites dans un ronronnement plus ou moins monophonique, n’ont fait et ne font que stagner et retarder nos institutions dont les universités. Ces dernières doivent contribuer, au minimum par l’exemple, à sortir de cet état de choses au lieu de s’y complaire, de s’y engouffrer de nouveau, comme ce fut le cas en 2000. Tel que ces « états généraux » se concoctent, c’est le terme qui convient, on ne verrait ou ne présenterait que les facettes molles des problèmes : celles qui ne piquent pas, qui ne pointent pas les responsabilités ou qui les camouflent et les excusent à bon compte. On se retrouverait, inévitablement, une demi génération plus tard, peut-être même avant, à inventer on ne sait quoi d’autre « pour que l’université retrouve son lustre d’antan ».

« Il vaut mieux débattre d’une question sans la régler que la régler sans en avoir débattu » ou après avoir fait semblant d’en débattre. C’est dans les débats francs et ouverts, entre Burkinabè, tous aussi Burkinabè les uns que les autres, qu’on peut correctement scanner l’enseignement supérieur, et convenir des solutions durables aux problèmes détectés.

Après quoi, mais pas avant, chaque option politique pourrait inscrire cet enseignement supérieur comme outil, instrument, levier ou autre, dans ses ambitions et projets pour le pays : tel serait un des sens de sa dépolitisation par ces temps de confusions, d’angoisses et de désespoirs.

Youssoufou Ouédraogo yissfu@gmail.com http://yisfou.unblog.fr

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