Le Japon intervient au Burkina Faso dans la gestion de l’environnement, à travers des soutiens à la production de plants et à la préservation des forêts. De Bounouna à Toumousséni en passant par Kongouko et Gouandougou dans la Comoé, des hectares de forêts classées ont été réhabilitées. Le « Pays du Soleil levant » allie ainsi protection de l’environnement et réduction de la pauvreté.
Bounouna, village situé à 5 km de Banfora sur la route de Bobo-Dioulasso, dans l’Ouest du Burkina Faso. La forêt classée de 1 300 hectares est paisible, ce 17 septembre 2015, en dépit de l’anxiété des Burkinabè due au putsch du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). La végétation est luxuriante. D’innombrables oiseaux sautent de branche en branche et leurs cris donnent encore plus de charme à cette réserve forestière de la province de la Comoé. Les « habitants » des lieux doivent en partie leur salut à l’intervention, de 2007 à 2012, de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) dans le cadre du Projet de gestion participative et durable des forêts classées dans la province de la Comoé (PROGEPAF/Comoé). Environ 8000 ha de la forêt classée du village de Bounouna sont concernés. « Depuis 2003, avec l’arrivée de la JICA, nous avons mis en place notre groupement de gestion forestière », se souvient le président de l’union de la forêt classée, Lamoussa Koné.
La gestion est assurée par quatre villages situés aux alentours de la forêt : Labola-Nambalfo, Labola-Sankrala, Tatana et Bounouna. Les acteurs sont organisés en groupements et sont chargés, chacun dans sa zone, de la surveillance des lieux. De nombreux arbres ont été plantés pour renforcer le couvert végétal. Les produits issus de la forêt, soutient Lamoussa Koné, tels que le karité, le néré, la liane sauvage, etc. sont gérés par les différents groupements. « Nous sommes satisfaits (…) parce que nous avons pu restaurer cette forêt et nous avons appris à mieux gérer ses produits. En plus, nous avons bénéficié de trois forages, de magasins et de formations pour la production de ‘’soumbala’’ et de beure de karité, de sirop de lianes...», se réjouit-il.
Une autre forêt classée se dresse à Toumousséni (village situé à une vingtaine de km à l’ouest de Banfora), à cheval entre les communes de Banfora et de Soubagagniédougou. D’une superficie de 2 500 ha, elle a connu aussi la touche de la JICA. L’agence japonaise a ciblé 1222,11ha de cette réserve. Là, la particularité est qu’il s’agit d’une zone très boisée.
Couper du bois sans déboiser …
Le PROGEPAF a permis aux populations de rationaliser la gestion de cette vaste étendue forestière. « Avec l’intervention de la JICA, nous avons eu du matériel et nous avons appris des techniques pour couper le bois et le revendre sans que la pratique ne déboise notre forêt. Nous avons bénéficié également de formations et de ruches pour la production du miel », témoigne Sibiri et Lassina Son, tous deux du comité de gestion de la forêt classée de Toumousséni. De même, PROGEPAF est intervenu dans les forêts classées de Kongouko (27 000 ha) et Gouandougou (9 500 ha) dans la commune de Sidéradougou.
Selon le chef du service régional des forêts et de la faune des Cascades, Emmanuel Bado, le projet a eu à sa tête un coordonnateur chargé de la mise en œuvre des activités, en collaboration avec la direction régionale. Concernant les activités menées, poursuit-il, il y a d’abord eu la sensibilisation des communautés villageoises riveraines des forêts. « Ensuite, il a été mené des activités de délimitation et de cartographie des forêts. Pour ce faire, il fallait entreprendre un certain nombre d’actions, notamment la sécurisation de certaines forêts par la délocalisation des populations qui y sont installées. Il a fallu sensibiliser lesdites populations pour qu’elles puissent libérer les zones forestières classées. Ce sont donc essentiellement des actions de protection et de gestion participative », explique Emmanuel Bado.
Les principales activités des groupements, mentionne-t-il, ont concerné l’exploitation du potentiel des produits forestiers non ligneux qui se trouvent dans les forêts concernées. Ils se sont chargés d’exploiter le bois de chauffe ou bois d’œuvre, parce que l’exploitation est fonction des potentialités de chaque forêt. « Il a fallu commencer à former les producteurs de plants aux techniques de production et de reboisement. Pour la sécurisation des forêts notamment la protection, il y a eu la réalisation de pare-feu pour éviter les feux de brousse», souligne Emmanuel Bado.
Consolider les acquis du PROGEPAF
Le projet a pris fin en 2012 et une phase de consolidation des acquis a été exécutée pendant un an, par un bureau d’étude. « C’est une phase au cours de laquelle l’on a renforcé les acquis des bénéficiaires, notamment en matière d’exploitation du beurre et des produits forestiers non ligneux. A cet effet, les femmes ont reçu de l’équipement. Pour l’apiculture, les bénéficiaires du projet ont reçu des ruches. Il en est de même pour le ‘’soumbala’’ », affirme Emmanuel Bado.
Ainsi, certaines unions continuent de fonctionner, surtout dans le cadre de l’exploitation des produits forestiers non ligneux. De nos jours, les groupements de gestion forestière surveillent et sensibilisent la population à la préservation de ces divers couverts végétaux. En perspective, les autorités régionales en charge de l’environnement de la Comoé et les populations bénéficiaires souhaitent que la JICA étende son intervention à d’autres forêts classées comme celle de Dida (75 000 ha), dans la commune de Mangodara, illégalement occupée.
Le chargé de programme à la JICA, Cheik Assane Moctar Gansoré, confirme que la JICA est beaucoup intervenue, depuis les années 2000, dans le secteur de l’environnement au Burkina Faso. Deux types de projets ont été réalisés dans ce secteur : les projets de financement non remboursable et de coopération technique. « S’agissant des projets de coopération technique, il y a d’abord le Projet de gestion participative des forêts dans la Comoé. Nous avons travaillé dans quatre forêts classées de la Comoé en ayant pour objectif de permettre aux populations locales de tirer profit des forêts tout en les protégeant », détaille le chargé de programme à la JICA. Le projet, selon lui, a eu un « grand impact » sur les forêts concernées. En outre, les populations ont pu acquérir des techniques de gestion comptable de leurs activités de vente de bois et de charbon, ce qui leur permet d’améliorer leurs revenus.
Parallèlement au projet, l’ambassade du Japon a financé la réalisation d’une usine de production de savon à base de beurre de karité à Banfora au profit d’une association féminine, Rakièta. Le beurre utilisé, assure Cheick Assane Moctar Gansoré, provient de l’activité des femmes bénéficiaires du PROGEPAF. Selon lui, le savon ainsi fabriqué est exporté au Japon. « Dans le cadre de la coopération technique, nous ne fournissons pas beaucoup d’équipements. Car il ne s’agit pas de tout donner, mais nous mettons en place le nécessaire quitte à ce que les bénéficiaires travaillent à se développer à partir de ces équipements de départ et à s’en sortir au fur et à mesure », affirme-t-il. En sus, le projet appuie les populations pour la promotion des produits des forêts lors de certaines grandes manifestations telles que le SIAO. « A la fin du projet nous avons mis en place un fonds qui a permis aux populations d’acquérir du matériel de travail dont des mototaxis. Nous avons aussi réalisé des travaux de désenclavement des villages de la zone d’intervention », ajoute M. Gansoré. En somme, résume-t-il, l’impact du PROGEPAF est perceptible au regard des réalisations : magasins de stockage, salles de réunions et bien d’autres réalisations.
Des financements non remboursables
Dans le cadre des financements non remboursables, c’est-à-dire les subventions, le Japon a réhabilité des pépinières dans les régions du Burkina Faso, comme au Nord, au Sahel, au Centre-Nord, au Centre, dans la Boucle du Mouhoun et au Centre-Ouest. Les milliers de plants utilisés chaque année pour les reboisements proviennent de ces pépinières, à en croire M. Gansoré. « Nous avons appuyé le Centre national de semences forestières et équipé son laboratoire pour des recherches en vue de la production de semences forestières de qualité. Parallèlement, nous avons construit des antennes régionales de semences forestières à Fada, Kaya, Dori et Bobo », déclare Cheick Assane Moctar Gansoré. A cela s’ajoute, la rénovation du CNSF, après les inondations du 1er septembre 2009.
Enfin, la JICA a participé à la reconstruction quasi-totale, à hauteur de 4 milliards de F CFA, de l’Ecole nationale des eaux et forêts (ENEF) de Dindérésso dans la commune de Bobo-Dioulasso. Du constat sur le terrain, cette école est devenue un nouveau centre de formation clôturé avec un amphithéâtre de 700 places, un bloc administratif, des salles de classe (R+1), des réfectoires, des dortoirs (R+2 et bâtiments simples), des tables, des toilettes, un château d’eau, un plateau de sport et une dizaine de villas. L’école a également bénéficié, dans le cadre du financement de la JICA, d’un car de 70 places et d’un groupe électrogène.
Kowoma Marc DOH