Une cinquantaine d’éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) et de la Brigade anticriminalité (BAC) venus de Bobo-Dioulasso ont conjointement lancé, au petit matin du mardi 8 décembre 2015, un assaut sur l’usine SN SOSUCO sise à Bérégadougou. Une opération dont l’objectif visé était de libérer l’usine prise en otage par des travailleurs depuis le 9 novembre 2015, date du début de la crise et qui s’est soldée par un repli en fin de matinée.
Il était 3h40 minutes, ce mardi à en croire des travailleurs grévistes campant devant l’usine il y a environ un mois, lorsqu’ils ont été surpris par une colonne d’une dizaine de pick-up lourdement chargés d’éléments de la sécurité. Certains, ont-ils témoigné, auraient été brutalement réveillé de leur sommeil par des crépitements d’armes à feu. Sans tambour ni trompette, ceux-ci ont été sommés par le chef des opérations de libérer les lieux. Sans se laisser convaincre par la motivation réelle des forces de l’ordre qui disent venus pour sécuriser les lieux, la centaine de travailleurs obtempèrent mais suggèrent cependant de rester sous des hangars à quelques encablures de l’usine. Ils se heurtent à un refus des forces de sécurité qui, aussitôt les a contraints à se disperser dans la nature. Au petit matin, la nouvelle du déguerpissement des travailleurs et la présence policière à l’usine s’est donc répandue telle une traînée de poudre dans les villages environnants du périmètre sucrier. Un appel à la résistance est lancé. A 7 h15mn, à notre arrivée sur les lieux, les CRS et les éléments de la BAC quadrillaient l’usine. Du côté de la voie principale menant à la cité de Bérégadougou, les policiers, kalachnikov, matraque ou bouclier au poing et une foule en colère étaient face-à-face. De part et d’autre, d’épaisses fumées déchiraient le ciel. Au milieu des manifestants, des voix clament à tout vent « libérez SOSUCO ». Ce slogan est interrompu par le Ditanyè chanté en chœur. La foule tente de forcer le passage pour rejoindre la devanture de l’usine, les policiers résistent et finissent par battre en retraite. Tout à coup, des crépitements d’armes retentissent et des gaz lacrymogènes s’éparpillent dans le ciel. La foule se disperse au pas de course.
Quatre blessés dont un policier et un manifestant arrêté
Des cris se mêlent aux pleurs de certaines femmes. « Prenez les meneurs » lance le chef de l’opération des CRS. Un manifestant se fait prendre et est trimbalé jusqu’à un pick-up. Après le repli tactique, les policiers se replacent mais cette fois en colonne. Sans que l’on ne sache qui les a provoqués, des feux s’éclatent au milieu des plantations d’eucalyptus contigües à l’usine. Dans l’enceinte du service dénommé motorisation chargé de l’arrosage du périmètre sucrier, des tuyaux sont en feu et une épaisse fumée monte au ciel. Sur le mobile de l’incendie, les éléments CRS et les manifestants se rejettent la balle. Les premiers accusent ces derniers d’être à la base du feu alors que ceux-ci pointent du doigt les gaz lacrymogène des policiers qu’ils pensent être la cause de l’incendie. Après une petite trêve, les manifestants se remettent en place. Au fur et à mesure que le temps passe, des habitants issus des villages avoisinant de l’usine se joignent au mouvement. A cela, il faudra ajouter les scolaires et collégiens qui ont aussitôt déserté les salles de classe pour soutenir leurs parents. Du côté du service motorisation, toutes les tentatives déployées pour circonscrire l’incendie furent veines. Les sapeurs-pompiers de Banfora appelés à la rescousse ont dû battre en retraite pour sauver leur peau et leur véhicule d’incendie face à la furie des manifestants qui les a intimés de vider les lieux. Dès leur retrait, toutes issues menant à l’usine ont été barricadées par les manifestants à l’aide de troncs d’arbres et de branches. Aux dernières nouvelles, les forces de sécurité, face à la dégradation du climat et au surnombre des manifestants, auraient effectué un repli à Bobo-Dioulasso et les travailleurs ont repris leur position initiale devant l’usine. Au bilan, un policier a été touché par un projectile à l’œil. Du côté des manifestants, on dénombrerait trois blessés légers, une personne arrêtée. De Bérégadougou, la crise s’est déportée à Banfora où les écoles, lycées et collèges ont vu leurs élèves vider les salles de classe. Certains travailleurs de la SN SOSUCO n’ayant pas pu se joindre au groupe à Bérégadougou ont préféré dresser des barricades sur la route nationale N°7 au niveau du palais de justice bloquant pendant des heures, le trafic routier. En rappel, le 9 novembre 2015, un groupe de travailleurs ont spontanément mis à l’arrêt l’usine qui venait de démarrer trois jours auparavant pour la campagne sucrière 2015-2016. Des cinq points de revendication, la plateforme des travailleurs a été ramenée à 15 points avec pour point non négociable, le départ du DG Mouctar Koné et quatre de ses plus proches collaborateurs. Toutes les tentatives de rapprochement des deux parties ont été vouées à l’échec. Les travailleurs appelés « insurgés » étant restés campés sur leur position. De jour comme de nuit, ils campent devant l’usine et sont servis en nourriture, a-t-on appris, par des familles qui leur apporteraient volontiers de quoi manger.
Frédéric OUEDRAOGO