L’Institut français de Ouagadougou (IFO) rend hommage à Victor Démé. Décédé le lundi 21 septembre 2015 à l’âge de 54 ans, Victor Démé est auteur de deux albums et dont le troisième était en préparation. Moins d’un mois après son décès, l’artiste a été célébré dans l’Antre de l’IFO.
Awa Sissao, ATT, Alif Naaba, Bill Aka Kora et bien d’autres étaient en affiche ce samedi 5 décembre à l’IFO pour rendre hommage à Victor Démé. Issu d’une famille mandingue, Victor Démé a été révélé au public par son album fétiche « Don maya », qui signifie en langue malinké « Ne pas se moquer du pauvre ». Le défunt artiste a hérité son don pour la musique de sa mère, une griotte sollicitée pour les grands mariages et les baptêmes à Bobo-Dioulasso dans les années 60. D’elle, il a également hérité la voix poignante.
Il avait choisi d’intituler son nouvel album Yafaké, qui veut dire « pardonner » en langue dioula. L’artiste chantait les vertus de la tolérance et de la mansuétude dans un Burkina Faso bouleversé, engagé dans une transition politique difficile. Il avait choisi de charpenter ses douze nouvelles compositions aux accents folk et blues autour de la pulsation d’une batterie, une première pour lui en studio, comme si le climat social orageux de son pays avait imprégné sa musique. Son troisième album sera hélas son dernier.
Ce samedi, ses confrères artistes retiennent de lui « un artiste complet, malheureusement méconnu des mélomanes burkinabè mais qui aura fait son temps ». Ce n’est pas l’artiste ATT qui dira le contraire : « Victor a marqué ma vie artistique. Il m’a toujours dit en tant que jeune artiste de rester moi-même ». « Je rêve de devenir comme lui », dira simplement Awa Sissao pour qui, « Victor Démé est une icône de la musique burkinabè ».
Lors de cette soirée, de nombreux artistes se sont succédé pour lui rendre hommage et faire revivre sa musique : Alif Naaba, Bil Aka Kora, Awa Sissao, Moustapha Maïga, ATT, Patrick Kabré, Salif Diarra et bien d’autres encore.
Victor a reçu de son père un autre savoir-faire qui se transmet de génération en génération dans la famille Démé: la couture, pratiquée par ses oncles, ses tantes, ses sœurs, ainsi que leurs ancêtres, une lignée de couturiers de l’ethnie Marka, toujours des Mandingues d’Afrique de l’Ouest.
Le jour, il travaille à l’atelier et la nuit, il commence à fréquenter les clubs de la capitale et chante avec quelques petits groupes. En grandissant, il se forge une réputation dans les gargotes et maquis ivoiriens, notamment au sein du fameux orchestre Super Mandé, mené par la star Abdoulaye Diabaté. C’est de l’atelier de couture paternel en Côte d’Ivoire, à Abidjan, que le jeune Victor Démé atterrit du Burkina Faso à l’âge de l’adolescence, en 1988, pour profiter d’un nouvel élan national à la suite l’accession à la présidence de Thomas Sankara.
Pendant trente ans, il exerce son métier de tailleur en parallèle de sa passion pour le chant. C’est seulement à l’âge de 46 ans, en 2008, qu’il sort son premier disque, « Victor Démé » vendu à 40 000 exemplaires sur le label Chapa Blues Records, fondé par les français Camille Louvel et David Commeillas spécialement pour l’artiste.
Abel Azonhandé