La Journée mondiale du Sida est commémorée chaque 1er décembre. L’édition de 2015 s’est tenue sous le thème : « De l’atteinte 3, 90 intensifier le conseil dépistage volontaire au sein des jeunes et des groupes spécifiques ». Dans cet entretien réalisé le mercredi 2 décembre 2015, la chef de l’antenne régionale du SP/CNLS des Hauts-Bassins, Suzanne Sidibé/Larou revient sur les défis à relever, pour vaincre le mal du siècle.
Sidwaya (S.) : Comment la Journée mondiale du Sida a été commémorée dans la région des Hauts-Bassins ?
Suzanne Sidibé/Larou (S.S.L.): Nous organisons généralement chaque année une grande cérémonie avec les autorités politiques et administratives, l’ensemble des acteurs de la lutte contre le Sida, pour marquer cette Journée. Mais, depuis l’année dernière, la date commémorative de la Journée coïncide avec les évènements sociopolitiques au Burkina Faso, notamment l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 et la tenue des élections le 29 novembre 2015. C’est pourquoi nous n’avons pas voulu faire un grand tapage sur nos activités cette année. Mais nous avons retenu quelques activités de communication, surtout de proximité, qui ont eu lieu à Orodara. Il s’est agi d’organiser des émissions radiophoniques, et des jeux radiophoniques. Des conférences publiques au profit des jeunes scolaires sur la santé sexuelle et reproductive et des groupements de femmes sur la prévention de la transmission mère-enfant et sur les infections sexuellement non transmissibles ont été organisées. Nous avons aussi tenu des rencontres avec les hommes de médias, afin qu’ils nous aident à diffuser des informations sur la situation du VIH/Sida dans le monde, au Burkina Faso et dans les Hauts-Bassins. Ces activités se sont étendues sur la semaine du dimanche 29 novembre au samedi 5 décembre 2015. Parallèlement à ces activités, la campagne de dépistage du VIH/Sida s’est poursuivie.
S. : Quel est l’état des lieux du VIH/Sida dans la région des Hauts-Bassins ?
S.S.L. : Au niveau national, nous avons une baisse sensible de la prévalence en 2015. Car la prévalence de l’infection est de 0,92% contre 7,14% dans les années 2000-2001. Donc, des efforts ont été faits. Quant à la prévalence de la région des Hauts-Bassins, elle est de 1,4%. Elle dépasse la moyenne nationale. Quand nous prenons le site sentinelle de Bobo-Dioulasso où il y a une surveillance épidémiologique, nous sommes à 2,2%. Nous dépassons largement la moyenne nationale. C’est dire qu’il s’agit d’une zone à haute prévalence.
S. : Quelles sont les raisons qui expliquent le fait que la prévalence à Bobo-Dioulasso dépasse la moyenne nationale ?
S.S.L. : Une des explications est la situation géographique de la ville. En plus, c’est la deuxième grande ville du Burkina Faso. De façon générale, en Afrique, les grandes prévalences s’observent dans les grandes villes. Dans ces grands centres, nous avons le brassage des populations. Bobo-Dioulasso est un carrefour entre le Mali et la Côte d’Ivoire. C’est une forme d’exposition des populations au groupe qui est de passage dans la ville. Il y a aussi le phénomène des villes où il y a le développement des activités économiques et administratives et de brassage des populations. Autres phénomènes, c’est le fait que les jeunes rentrent très tôt dans la sexualité. Il y a aussi l’influence des médias, notamment les films pornographiques, les réseaux sociaux…. On a aussi la prostitution clandestine et même affichée qui sont des phénomènes qui augmentent la propagation du VIH/Si. Tous ces phénomènes exposent plus les populations des grandes villes.
S. : Quelles sont vos actions de lutte contre le Sida sur le terrain ?
S.S.L. : Nous nous insérons dans la vision de l’ONUSIDA, à savoir l’intensification de la lutte, pour atteindre l’objectif 3,90 à l’horizon 2020 et l’élimination de l’infection à VIH/Sida à l’horizon 2030. Les 3,90 consiste à amener 90% des personnes vivant avec le SIDA à accéder au dépistage, les 90% qui sont dépistées séropositives, il faut les mettre sous traitement ARV et les 90% des personnes qui sous traitement ARV doivent être indétectables à la charge virale. Ainsi, nos interventions sont des ciblages auprès des jeunes qui rentrent précocement dans la sexualité. Il s’agit de développer la santé sexuelle et reproductive auprès des jeunes. Le taux de grossesse est très élevé en milieu scolaire. Cela signifie quelque part que les enfants ne se protègent pas. Ils entrent très tôt dans la sexualité à cause des facteurs socioéconomiques. Autres cibles, ce sont les travailleuses de sexes et les homosexuels.
S. : Quel message avez-vous à lancer aux populations ?
S.S.L. : Nous interpellons l’ensemble des populations à garder à l’esprit que l’infection au VIH/Sida est toujours une réalité. Nous sommes toujours en situation d’épidémie généralisée, même si nous tendons vers la concentration.
Il y a des risques de rebond avec les groupes à haut risque d’infection. L’autre aspect, c’est la jeunesse qui est exposée. Aujourd’hui, nous tendons vers 30 ans de lutte. C'est-à-dire au moment de la grande campagne, les jeunes de 15 à 24 ans n’étaient pas au cœur de la pandémie. Ils ne peuvent même pas décrire le signe d’un malade du Sida avec l’avènement des ARV. Donc, il faut les sensibiliser davantage.
Entretien réalisé par
Boubié Gérard BAYALA