Ouagadougou - Le président élu du Burkina Faso Roch Marc Christian Kaboré a vu mercredi sa victoire à la présidentielle confortée par un succès aux législatives de son parti, qui obtient la majorité relative à l’Assemblée nationale, mais il devra composer avec des petites formations pour gouverner.
L’autre grand enseignement du scrutin de dimanche est la bonne résistance du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ancien parti du président Blaise Compaoré, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir en octobre 2014, et qui remporte la 3e place avec 18 sièges.
Le parti du principal rival de M. Kaboré à la présidentielle, qui s’est également tenue dimanche, Zéphirin Diabré, arrive second avec 33 députés. L’Union pour le progrès et le changement (UPC) ainsi son rôle de deuxième force du pays.
Avec 55 députés sur un total de 127, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) de M. Kaboré est certes le premier parti de ce pays pauvre de 18 millions d’habitants mais il ne pourra pas gouverner seul.
"Il faudra qu’il forme des alliances. Je ne pense pas qu’il puisse en trouver avec les deux autres grandes forces", analyse Abdoulaye Soma, président de la société burkinabè de Droit constitutionnelle.
Il devra donc chercher les 9 voix qui lui manquent dans la dizaine de petits partis qui ont obtenu moins de 5 sièges s’il veut atteindre la majorité absolue de 64 députés à l’Assemblée et ainsi former un gouvernement qui obtienne son investiture.
"Il doit trouver au moins quatre petits partis. Les négociations risquent d’être compliquées. Attention à la +dictature des minorités+, ces partis vont demander des contre-parties avec des postes au gouvernement ou au bureau de l’Assemblée", souligne M. Soma.
Toutefois, d’autres observateurs estiment que le MPP peut facilement convaincre des groupuscules dont certains étaient déjà ses alliés.
- ’Le CDP encore là’ -
"Les électeurs ont confirmé que nous sommes le premier parti du Burkina Faso", a estimé Simon Compaoré (aucun lien de parenté avec Blaise), ancien maire de Ouagadougou et N°3 du MPP.
"Le président Kaboré a dit qu’il est le président de tous les Burkinabè et il veut travailler avec tout le monde", a-t-il ajouté.
"Nous allons donc faire en sorte à dégager de nouvelles alliances pour être percutants sur le terrain. Les alliances, les stratégies, nous ne les discutons pas sur la place publique mais nous sommes dans cette ambiance de consolider les alliances, les élargir. Nous allons avoir les conclusions bientôt", a-t-il promis.
Il a rappelé que la loi prévoyait que le Premier Ministre soit issu du parti qui a le plus de députés à l’Assemblée nationale.
Il a refusé de citer de noms, s’abritant derrière l’attente de la validation des résultats par le Conseil constitutionnel dans moins de trois semaines.
Elu dès le premier tour de la présidentielle (avec plus de 53% des suffrages contre près de 30% à M. Diabré), M. Kaboré a promis de s’attaquer au chômage des jeunes, de moderniser le système de santé, avec notamment la gratuité des soins pour les moins de 6 ans, et de mettre l’accent sur l’éducation.
"Le CDP est encore là", s’est exclamé une femme présente à la proclamation des résultats par la Commission électorale.
Ex parti-Etat habitué à remporter tous les scrutins haut la main, le CDP a obtenu ses 18 députés malgré l’interdiction faite à une cinquantaine de cadres de se présenter pour avoir soutenu le projet de révision constitutionnelle à l’origine de la chute du président Compaoré. Beaucoup de candidats étaient des "seconds couteaux".
Les comptes du parti et de certains de ses responsables sont en outre gelés depuis le putsch raté du 17 septembre, orchestré par le général Gilbert Diendéré, ancien bras droit du président Compaoré aujourd’hui en exil en Côte d’Ivoire.
Ce coup raté a aussi égratigné l’image du parti, certains de ses membres étant soupçonnés d’y avoir participé ou de l’avoir soutenu.
A noter aussi que le parti sankariste, inspiré du "père de la révolution burkinabé" Thomas Sankara dont les valeurs ont inspiré tous les partis et les journées d’insurrection d’octobre 2014, a obtenu 5 sièges.
Cette élection clôt l’année de transition ouverte à la chute du régime Compaoré, qui avait été suivie par toute l’Afrique et citée comme un exemple de démocratie.
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