Les Nations unies ont proclamé le 23 mai 2013, Journée mondiale de lutte contre les fistules obstétricales. Une occasion pour se pencher sur les causes, la prise en charge de cette pathologie dite de l’ombre.
« Je me suis mariée à 13 ans et c’est à 16 ans, lors de mon premier accouchement, que j’ai eu ma maladie. Comme je perdais continuellement les urines, mon époux est venu me jeter chez mon père et il s’est remarié. Mis à part ma mère et mes frères, tout le monde me rejette. Personne ne veut toucher à mon gobelet. Pire, certaines personnes me taxent de maudite, ils pensent que c’est pour me punir que Dieu m’a infligée cette maladie », confie Aïcha Lido, atteinte de fistule obstétricale. Le récit de vie que nous livre cette femme décrit l’exclusion et la stigmatisation dont sont victimes les femmes atteintes de fistules obstétricales. La fistule obstétricale, appelée maladie de l’ombre, est caractérisée par une communication anormale entre la paroi du vagin et la vessie ou le rectum, ou les deux à la fois. Cela provoque la perte incontrôlée des urines et/ou des matières fécales par le vagin. « Cette maladie est la conséquence grave d’un accouchement difficile, non assisté par une personne compétente », explique le Dr Michel Sawadogo Nassa, chargé de programme fistules/Mutilations génitales féminines au Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA). Les mariages et grossesses précoces, la pauvreté, la malnutrition et la non utilisation des services de santé lors de l’accouchement ont été identifiés par l’UNFPA, comme des facteurs favorisant les fistules obstétricales. Pour le Dr Parfait Guiblewéogo, expert en santé de la reproduction à la direction de la santé de la mère et de l’enfant, les fistules obstétricales représentent un problème de santé relativement occulte. « La fistule existe partout au Burkina Faso, du fait que ce soit une maladie de la honte, rares sont les femmes qui se présentent devant une formation sanitaire pour la dépister », argumente-t-il. Aussi, le nombre de cas dépistés : 282 en 2012, est en-deçà de la réalité. En effet, l’organisation mondiale de la santé prévoit 2 cas de fistules pour 1 000 accouchements.
Plusieurs acteurs impliqués dans la lutte
Heureusement, cette pathologie invalidante pour les femmes qui en souffrent peut être traitée et guérie. Depuis 2003, le gouvernement, en collaboration avec l’UNFPA et les acteurs du monde communautaire, mène la lutte contre les fistules, à travers un programme, actuellement à sa 7e phase. Ce programme englobe aussi bien la prévention, la prise en charge que la réinsertion des malades. La prévention consiste, selon le Dr Nassa, à faire prendre conscience que la fistule n’est pas une malédiction et surtout que le suivi de la grossesse et de l’accouchement dans un centre de santé demeure la meilleure stratégie de prévention. La prise en charge de la fistule est chirurgicale. « La seule façon de guérir c’est de faire une intervention chirurgicale. Il s’agit de refermer la communication anormale qui existe entre la vessie et le vagin ou entre le rectum et le vagin », explique le Dr Sawadogo Nassa. Alizéta Ouédraogo, une malade rencontrée au centre d’hébergement de la Fondation Rama confirme. « J’ai prié Dieu pour trouver un remède à mon mal. Je vivais en Côte d’ivoire et j’ai dû rentrer à Ouahigouya, car personne ne pouvait me guérir. C’est finalement en écoutant une émission de la radio rurale que j’ai eu connaissance d’une Fondation qui pouvait m’aider à avoir accès à la chirurgie. Je suis venue et j’ai bénéficié d’une première intervention chirurgicale qui a considérablement réduit l’écoulement de l’urine. Je dois subir une autre pour redevenir enfin une personne normale et vaquer tranquillement à mes occupations », se rejouit-elle. A ce titre, le projet « Appui au programme de lutte contre les fistules obstétricales pour l’amélioration de la sécurité humaine et du bien-être de la population de la région du Sahel », a permis d’opérer plus de 400 femmes, contribuant ainsi à leur redonner de l’espoir. L’une des conséquences de la maladie de l’ombre étant l’exclusion sociale des femmes, après leur guérison, il faut envisager leur réinsertion au niveau de leurs familles. Ce volet est pris en charge par des associations telles que la fondation Rama. Selon la coordonatrice de cette fondation, Rasmata Kabré, il s’agit de faire en sorte que chaque femme apprenne un métier et s’assurer qu’elle soit dotée d’équipements nécessaires pour commencer son activité, une fois de retour chez elle. A la fondation Rama, par exemple, les pensionnaires ont le choix entre le tissage, la confection de savon liquide et le jardinage. Elle bénéficie de l’appui financier de l’UNFPA qui leur offre des kits d’installation après leur guérison.