Le vin est tiré, il faut le boire. Ainsi le Sénat burkinabè, contre vents et marrées, a été mis en place par 81 députés sur les 127 que compte l’Assemblée nationale. L’adoption de la loi organique portant organisation et fonctionnement de cette haute chambre burkinabè qui consacre le bicaméralisme comme le prévoit l’article 78 de la Constitution burkinabè a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Rarement, sous la 4e République, une loi a fait jaser les politiciens et les acteurs de la société civile de tout acabit. Pour les contestataires, le Sénat n’est ni plus ni moins qu’une institution de trop au Burkina. Budgétivore, monocolore, anti-jeunesse, les qualificatifs ne manquent pas pour désigner cette seconde chambre du Parlement, portée sur les fonts baptismaux à l’issue du Conseil consultatif sur les réformes politiques. Même si d’aucuns crient victoire, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et la Convention des forces républicaines (CFR) en l’occurrence, il y a lieu de s’interroger sur le rejet de cette institution naissante par une bonne partie de la classe politique, c’est-à-dire, l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), l’Alternance démocratie et justice (ADJ) et l’Union pour le changement et le progrès (UPC). Quel sort est réservé à une telle institution qui, à peine née, est décriée ? Bien malin qui saura répondre à cette question car, bon nombre de personnes sont aux aguets, attendant la moindre occasion pour sortir de leur réserve. Car, s’il est vrai que l’Etat burkinabè fait face à beaucoup de dépenses, pourquoi diantre, se précipite-t-il pour mettre en place le Sénat qui va coûter quelques 3 milliards de francs CFA selon le ministre d’Etat Arsène Bongnessan Yé ? Pour les contestataires, les raisons ne manquent pas pour récuser le Sénat. Il est perçu comme une chambre sans aucune légitimité car 58% de ses membres détiennent leur mandat par voie de nomination. Deuxièmement, le Sénat, estime une autre opinion, ne représentera pas, dans sa composition actuelle, les régions car 39 sénateurs seront élus au suffrage universel indirect par les conseillers municipaux. Troisièmement, le Sénat sera un doublon de l’Assemblée nationale. « Il n’apportera rien de plus que l’Assemblée nationale actuelle en matière de vote de lois et du contrôle de l’action gouvernementale », a précisé Ibrahim Koné de l’ADJ.
A contrario, et comme beaucoup l’ont soutenu, la mise en place du Sénat n’a fait que répondre à une exigence de la Constitution qui voulait que le Parlement burkinabè soit composé de l’Assemblée nationale et du Sénat. De plus, étant issu des décisions consensuelles du CCRP, la mise en place du Sénat ne devrait souffrir d’aucune contestation, puisqu’une certaine classe politique a choisi délibérément ne pas participer aux travaux du CCRP. Aussi, le moment pour contester, le Sénat a été mal choisi car il devrait plutôt intervenir au moment de la modification de la Constitution qui consacre la naissance même de l’institution. Un groupe parlementaire comme l’ADF/RDA qui récuse la mise en place de la haute chambre a pourtant voté pour son érection. Et, comme le vin est tiré et qu’il faut le boire, il appartient à l’ensemble de la classe politique burkinabè de travailler à ce que le Sénat ne s’écarte pas de l’esprit et de la lettre des textes qui ont consacré sa naissance. Par exemple, il ne faudrait pas qu’il constitue un outil de passage en force de la modification de l’article 37 de la Constitution. Maintenant que le Sénat est mis en place, on attendra de voir les membres qui le composeront car, de la qualité de ses membres, dépendra lui-même sa propre qualité. Sera-t-il comme certains le prévoient, un parachute doré pour des politiciens en perte de vitesse ? On attendra simplement de voir dans les jours à venir .
La Rédaction