Une semaine jour pour jour après les massacres qui se sont produits sur les bords de la Seine et dont l’onde de choc ne s’est pas encore estompée, la terreur djihadiste s’est déportée sur les bords du fleuve Djoliba. En effet, le vendredi 20 novembre dernier, Bamako, la capitale malienne, a été le théâtre d’une attaque meurtrière. Le bilan communiqué par le président Ibrahim Boubacar Keïta, fait état de 21 morts dont deux assaillants. Et la cible, l’hôtel Radisson Blu, peut-on dire, n’est pas fortuite. C’est un symbole de la modernité et de l’ouverture du Mali sur le monde. Toute chose que les djihadistes de toutes les obédiences abhorrent. Et pour cause. Les mouvements fanatiques d’inspiration religieuse prônent le retour en arrière. Et pour que ce rêve fou soit traduit dans la réalité, ils n’hésitent pas à égorger et à trancher des têtes avec la conviction qu’ils ont reçu mandat de Dieu pour le faire. Rien donc ne peut les arrêter dans leur volonté de semer la mort sur leur passage. C’est pourquoi les Etats fondés sur le droit et la rationalité peinent à trouver leur antidote, eux qui ont été obligés dans leur riposte contre le djihadisme, de concilier sécurité et respect quasi divin des libertés individuelles sous peine de perdre leur âme. Le Mali, la France, tout comme les autres Etats démocratiques qui ont déjà subi l’ire des djihadistes, sont dans cette situation aujourd’hui. Et elle est loin d’être confortable.
Les terroristes sont devenus des animaux dressés par leurs maîtres pour semer la désolation
Et cela nous amène à nous poser la question principale suivante : pourra-t-on jamais vaincre le djihadisme ? A cette interrogation, l’on pourrait être tenté de répondre par la négative. En effet, s’il y a un Dieu, il y a aussi un contre-Dieu, c’est-à-dire Satan. Et ces gens qui ont fait irruption dans les salles de réjouissances et de détente à Paris, tout comme ceux qui se sont invités à l’hôtel Radisson Blu de Bamako où ils ont fermé les yeux pour tirer sur tout ce qui bouge, enfants, femmes et hommes, sont des adeptes du dieu de la violence et de la mort gratuite. Il se pose alors l’impérieuse nécessité pour tous ceux qui ont une part d’humanité en eux, de les combattre. Les musulmans dont ils utilisent la religion pour commettre leurs sales besognes, doivent aller au- delà de la compassion et de la solidarité qu’ils expriment à l’endroit des familles éplorées, pour poser des actes forts tendant à prouver que tous ceux qui commettent ce genre de crimes au nom de l’islam, sont des malades qui s’ignorent et des imposteurs. Les voix les plus autorisées de l’islam, celles qui sont dépositaires des valeurs fondatrices de cette religion doivent se faire fortement entendre de manière à lever les ambiguïtés sur lesquelles se basent les djihadistes du monde entier pour tuer qui ils veulent, comme et quand ils le désirent. Et en cela, elles gagneraient à davantage prêcher la culture de la tolérance vis-à-vis des autres religions, à faire comprendre que ce qui n’est pas islam ne relève pas systématiquement du mal et des ténèbres. Enfin, il faudra davantage travailler à développer des initiatives à caractère œcuménique, toutes choses qui renforcent le sens de la tolérance et du respect de la religion de l’autre. Tout cela pourrait contribuer à atténuer le radicalisme musulman. Mais l’on peut parier que l’on ne pourra jamais l’éradiquer pour la simple raison, comme l’a si bien dit le président malien, que « les terroristes ont rompu avec l’humanité », autrement dit, ils ne méritent plus la qualité d’Homme. En fait, ils sont devenus des animaux dressés par leurs maîtres pour semer la désolation autour d’eux et partout dans le monde. Si les exécutants de ces actes bestiaux sont des pantins incapables de réaliser toute la portée de leur comportement, ceux qui les dressent et les conditionnent comme les chiens de Pavlov, eux par contre, ont pleine conscience des objectifs qu’ils veulent atteindre. Ils cherchent à déclencher une guerre de civilisation à l’échelle de la planète.
Tous les gourous du djihadisme, qu’ils soient d’obédience Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou de la mouvance Al Mourabitoune ou encore de l’Etat islamique, se rejoignent tous sur le fait qu’ils militent pour l’avènement d’un monde manichéen. D’une part, il y a le monde des « élus de Dieu » qui ont l’assurance que le paradis a été déjà aménagé pour eux et qui sont convaincus qu’il leur revient de convertir l’autre monde par tous les moyens. Et cet autre monde peuplé de mécréants n’est ni plus ni moins que l’Occident et tous les non-musulmans dont les valeurs et les modes de vie sont à leurs yeux sataniques. Et cette posture n’est pas sans rappeler les croisades du Moyen-âge au cours desquelles le monde judéo-chrétien et le monde arabo-musulman s’étaient affrontés pour sauvegarder et propager leur foi. Les djihadistes sont dans cette logique.
Aujourd’hui, l’on peut avoir l’impression qu’ils ont repris l’épée pour se venger des revers que leurs devanciers avaient essuyés pendant ces croisades.
Tout se passe comme si les djihadistes de Paris, de Bamako et du Nigeria s’étaient donné le mot d’ordre
Dans cette hypothèse, l’on ne doit pas occulter le fait que derrière les attaques djihadistes, notamment celles qui sont dirigées contre tous les symboles de l’Occident, se cache une guerre de civilisation. Les Occidentaux le savent mais seulement, ils évitent d’appeler les choses par leur nom. Ils préfèrent, et on peut les comprendre, recourir à des euphémismes et autres périphrases du genre « Guerre Contre Leurs Valeurs » et « agressions contre leurs modes de vie » pour qualifier les attaques terroristes. Cela dit, et pour revenir à l’attaque djihadiste meurtrière dirigée contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako, l’on pourrait se poser la question de savoir si cela ne va pas impacter négativement la mise en œuvre de l’accord d’Alger. La question est d’autant plus pertinente que des émissaires d’Algérie se trouvaient dans l’hôtel au moment de l’attaque. Pour la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) cela ne fait aucun doute. La CMA semble bien favorable à l’application intégrale de cet accord et déplore en des termes sibyllins, l’inertie de la plateforme. On peut toutefois se poser des questions sur la sincérité de la Coordination des mouvements de l’Azawad. En tout état de cause, la Plateforme a là une occasion inespérée de mettre la bonne foi de la CMA à l’épreuve. Sous cet angle on peut espérer que l’assaut djihadiste contre le Radisson Blu que tous les acteurs engagés dans l’accord d’Alger ont condamné, pourrait créer une nouvelle et heureuse dynamique pour la paix au Mali. Le sacrifice du Radisson ne doit pas rester vain.
En attendant, on ne peut s’empêcher de faire un lien entre tous ces attentats meurtriers et imbéciles qui se sont succédé à une cadence infernale. En effet, c’est un vendredi 13 novembre que Paris a été mortellement plongée dans la stupéfaction, suivie une semaine après par la prise sanglante d’otages de l’Hôtel Rabisson Blu le 20 du même mois, au moment même où le G5 était en réunion à N’djamena au Tchad autour du maléfique thème du djihadisme. Et comme si cela ne suffisait pas, Fotokol est tragiquement et mortellement secoué par un autre attentat-suicide. Tout se passe comme si les djihadistes de Paris, de Bamako et du Nigeria s’étaient donné le mot d’ordre, celui de tuer. Cynisme, cruauté et obscurantisme, telles sont les caractéristiques qui collent à la peau de ces créatures de l’apocalypse.