La 18ème conférence annuelle des services du Trésor s’ouvre ce jeudi avec pour thème central : "Le trésor public face à la gestion des missions diplomatiques et consulaires ». Lesquelles ont absordé au 31 décembre 2014, un crédit total estimé à plus de 23, 4 milliards de FCFA. En sa qualité de directeur général, Naby Abraham Ouattara décrypte pour Sidwaya, les enjeux de la gestion financière des 41 représentations diplomatiques à l’étranger. Entretien.
Sidwaya (S.) : La 18ème conférence annuelle des services du Trésor se penche sur le rôle du Trésor public dans la gestion des missions diplomatiques et consulaires. Pour quelles raisons stratégiques, le Trésor public a initié cette réflexion ?
Naby Abraham Ouattara : Le Trésor public a en charge en collaboration avec le Ministère des affaires étrangères et de la coopération régionale (MAECR), la gestion financière et comptable des missions diplomatiques et consulaires. Auprès de chaque ambassade et consulat, se trouve donc un poste comptable qui assure cette mission. Le Trésor public a initié donc cette réflexion pour deux raisons principales. La première est que ce volet de la gestion financière et comptable des Missions diplomatiques et consulaires (MDC) est encore peu connu. C’est l’occasion avec cette conférence, de faire connaître cette mission du Trésor public au plus grand nombre. Par ailleurs, la gestion financière et comptable de nos représentations à l’étranger rencontre parfois des difficultés pour lesquelles, il est important d’asseoir un cadre d’échange élargi avec tous les acteurs afin tout d’abord, de donner à notre diplomatie, les moyens adéquats de fonctionnement et ensuite que la règlementation en matière de gestion financière et comptable soit comprise par tous les acteurs.
Au terme de nos deux jours de réflexions, nous pensons que les recommandations et les résolutions qui seront issues de cette conférence permettront aux comptables publics placés auprès de ces missions diplomatiques d’assurer pleinement et efficacement leur rôle.
S. : Quelles sont les difficultés que le Trésor public rencontre dans la gestion de ces missions diplomatiques et consulaires ?
N. B. O. : La plupart des difficultés sont liées à l’insuffisance des crédits budgétaires alloués au fonctionnement de nos représentations diplomatiques. Avec la rareté des ressources, les crédits budgétaires accordés aux MDC ne suffisent pas toujours pour faire face à toutes les dépenses. Il faut donc opérer des choix en exécutant prioritairement certaines dépenses notamment celles qui sont incompressibles.
S. : Le Burkina compte aujourd’hui près de 41 missions diplomatiques et consulaires à travers le monde. Globalement et en moyenne, quel est le montant des allocations financières octroyées à ces missions ?
N. B. O. : Les missions diplomatiques et consulaires élaborent individuellement en fin d’année, un projet de budget qui est soumis au ministère des Affaires étrangères pour arbitrage. C’est sur la base des crédits budgétaires définitivement accordés après l’arbitrage à chaque MDC que les comptables font les appels de fonds trimestriellement. Ainsi, au 31 décembre 2014, le montant total des allocations du MAECR à toutes ces missions s’élevait à plus de 23, 436 milliards de F CFA.
S. : Quel rôle le Trésor public joue-t-il dans la gestion financière et comptable de ces entités à l’étranger ?
N. B. O. : Il réside dans la gestion efficiente de la trésorerie des missions diplomatiques et consulaires, à l’exécution des dépenses, au recouvrement des recettes et enfin à la tenue de la comptabilité des postes. Cette dernière fonction permet la traçabilité de l’ensemble de toutes les opérations exécutées au cours d’une année.
S. : Par quel dispositif, le Trésor public veille-t-il à la bonne utilisation de ces ressources ?
N. B. O. : Le Trésor public veille à la bonne utilisation des fonds octroyés par la vérification sur pièces et sur place par des opérations effectuées. Retenez que dans notre dispositif, partout où l’on manipule des fonds publics, un comptable public est mis en place. En effet, il faut noter que les postes comptables à l’étranger sont rattachés à une structure comptable centrale qui est la Trésorerie des missions diplomatiques et consulaires (TMDC). Chaque Poste comptable à l’étranger (PCE) a l’obligation de produire une comptabilité décadaire (tous les 10 jours) visée par le chef de poste qu’est l’ambassadeur ou le Consul général. Cette situation comptable est transmise à la TMDC qui assure ensuite la vérification sur pièces avant l’intégration des opérations dans la comptabilité globale de l’Etat. Après l’intégration des opérations comptables des PCE, les pièces sont transmises au Payeur général (PG) qui centralise avec ses propres opérations et a obligation de produire un compte de gestion en fin d’année pour la Cour des comptes. Le transfert des fonds est conditionné par la production de la comptabilité précédente relative à l’utilisation des transferts précédents. Par ailleurs, il faut signaler qu’en plus de cela, des missions de vérification sont menées aussi bien par l’Inspection générale du Trésor (IGT) que par les autres corps de contrôle comme l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat et de lutte contre la corrruption (ASCE-LC), l’Inspection générale des finances et la Cour des comptes.
S. : Comment et en quoi ces postes comptables à l’étranger contribuent-ils au rayonnement de la diplomatie du Burkina à l’international ?
N. B. O. : L’accompagnement du Trésor public dans la gestion de la trésorerie des MDC leur permet de faire face aux engagements financiers vis-à-vis de leurs créanciers dans le pays d’accréditation. La bonne gestion est un baromètre qui permet de mesurer la crédibilité d’un Etat. Imaginons qu’une mission diplomatique et consulaire n’arrive pas à honorer ses charges de fonctionnement telles que les loyers, les frais d’électricité ou de gaz…, et que les créanciers se retournent contre la MDC, l’image de notre pays s’en trouverait écornée et cela n’honore guère notre diplomatie. C’est une telle situation que le Trésor public s’efforce au quotidien d’éviter. On peut donc affirmer sans se tromper que le Trésor public contribue au rayonnement de la diplomatie du Burkina Faso à l’international.
S. : Le parlement vient d’adopter un nouveau texte régissant les lois de finances qui consacre l’instauration du budget-programme conformément aux directives de l’UEMOA. Quels changements cette réforme, qui entre en vigueur à partir de 2017, impactera-t-elle dans la gestion financière et comptable des missions diplomatiques?
N. B. O. : La directive de l’UEMOA consacrant l’instauration du budget-programme va apporter deux changements majeurs dans le dispositif financier et comptable. Le premier changement est relatif aux allocations des crédits budgétaires. Désormais, les crédits budgétaires accordés aux structures dépensières doivent correspondre à des charges évaluées et programmées avec des indicateurs de résultats attendus. Une activité qui n’est pas programmée ne doit pas donc être financée. Le second changement est la mise en place des ordonnateurs multiples. Désormais, chaque ministre devient ordonnateur du budget de son département. Pour dire que chaque ordonnateur devient responsable du budget de son ministère et chaque comptable répondra des opérations du ministère auprès duquel il est placé. Par conséquent, la gestion financière et comptable des missions diplomatiques et consulaires sera toujours assurée par les PCE qui seront très certainement rattachés au payeur du ministère chargé des affaires étrangères.
Propos recueillis par
Saturnin N. COULIBALY