Les premiers responsables de la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB) ne parlent plus le même langage. Une crise ouverte qui a éclaté au sein de la structure a conduit une partie des membres du bureau exécutif national (BEN) à former une aille dissidente qui a tenu une Assemblée générale extraordinaire pour débarquer le président Pierre Nacoulma qui, à son tour a exclu les contestateurs. Si de part et d’autre on ne manque pas d’arguments pour défendre sa position, la réalité lorsque vous entendez les 2 parties s’expliquer, est que l’argent est au centre de la crise.
La LCB est une association à but non-lucratif, apolitique et non-confessionnelle officiellement reconnue, le 27 mars 1992. Elle œuvre pour la promotion de la qualité de vie du consommateur burkinabè à travers des actions de veille, de suivi citoyen, d’intermédiations, d’interpellations, de dénonciations et de propositions.
Les nombreuses actions menées dans le cadre de la défense, des intérêts des consommateurs au plan national ont amené l’Etat à reconnaître son statut d’association d’utilité publique en 1997. C’est dire donc que jusque dans un passé encore très récent, la ligue jouissait d’une réputation favorable au niveau des populations qu’elle est censée défendre.
Mais depuis un certain temps, comme nous l’avons annoncé un peu plus haut, une crise secoue la ligue. Une partie des membres du BEN composée de 12 membres tous bénévoles ( ?) ont fustigé la gestion de la structure par Pierre Nacoulma, président élu le 4 décembre 2010 pour un mandat de 4 ans.
Autres griefs formulés, la gestion opaque de la subvention de 10 millions alloués annuellement à la ligue par l’Etat, le non respect d’engagements pris par le président lors d’un atelier de formation tenu à Koudougou en juillet 2012 et relatif à la répartition de la subvention de l’Etat entre les sections est aussi ressorti tout comme le point relatif à la suite à donner aux boutiques de consommateurs après le plan de riposte.
Les divergences constatées par les protagonistes ont amené une partie des membres du BEN dont Gilbert Hien Somda, Alassane Traoré et Abdoulaye Mossé appuyés par des sections à tenir une Assemblée générale extraordinaire le 02 septembre dernier à Ouagadougou.
Ces contestateurs ont débarqué Pierre Nacoulma de la présidence pour installer Gilbert Hien Somda. Pour Abdoulaye Mossé, 2ème vice-président chargé des sections qui revendiquent maintenant le poste de 1er vice-président chargé des sections : « Il n’y avait plus une symbiose et une confiance mutuelle ».
C’est pourquoi « les gens ont exploité les textes de la ligue pour convoquer une assemblée générale extraordinaire. Pour celle ordinaire c’est le président qui la convoque. Mais pour l’Assemblée générale extraordinaire c’est la majorité absolue des sections qui convoque.
Nous avons 26 sections et ce sont 20 sections qui ont demandé l’assemblée générale extraordinaire du 02 septembre dernier. En réunion des membres du BEN composé de 12 membres 7 étaient favorables à la tenue de l’Assemblée générale extraordinaire…
Dans les textes de la ligue ce n’est pas le président qui convoque l’Assemblée générale extraordinaire mais le BEN. Pierre a pris un avocat et envoyé l’affaire en justice pour qu’on comparaisse. C’est normal et il en a le droit. Nous avons également saisi notre avocat et dans les jours à venir vous allez voir des séries de procès ».
L’argent a divisé la ligue
C’est le moins que l’on puisse dire dans cette bataille rangée entre collaborateurs d’hier. En effet, si les uns reprochent beaucoup de choses aux autres et vice-versa, chaque camp ne manque pas d’évoquer des problèmes d’argent pour ne pas dire de détournement ou de mauvaise gestion.
L’argent revient sans cesse dans les débats. Dans un mémorandum sur la situation de la LCB déjà publié dans les médias, l’aille Pierre Nacoulma rejette en bloc les accusations portées contre elle.
Ce mémorandum parle d’opération de dénigrement du président de la LCB, de surenchère sur la dotation des sections provinciales de la subvention annuelle de l’Etat et de désinformation des sections provinciales sur l’opération spéciale d’accompagnement de l’Etat dans sa riposte à la crise alimentaire qui frappe nos populations.
Pour Pierre Nacoulma, la crise qui secoue la ligue n’est rien d’autre qu’une « cabale pour empêcher les conclusions d’un audit qui viendrait disculper le président, puisque c’est à sa tête qu’ils en veulent.
Nous savons tous que cet audit complet révélera des choses impliquant ce trio destructeur (parlant de Abdoulaye Mossé, Alassane Traoré et Gilbert Somda Hien) de l’image d’une organisation de la trempe de la ligue ».
Pour Pierre Nacoulma, la convocation de l’Assemblée générale extraordinaire est « illégale et irrégulière » comme mentionné dans le mémorandum, seul le président serait habilité à la convoquer. En plus, il estime que la lettre de convocation qui n’a pas été signée par lui est « truffée de mensonges ».
Les signatures auraient été « triées et contactées nuitamment ». Et Pierre Nacoulma de dénoncer « une prise en charge jamais pratiquée par la LCB lors de ses AG depuis sa création : 25 000 F CFA par jour et par participant provenant des sections ; soit pour 2 jours = 50 000 f CFA, avec remboursement des frais de transport et paiement en sus, directement, des frais d’hébergement ».
Pourtant conclu-t-il, « le bureau n’a autorisé aucun décaissement de fonds et le président n’a signé aucun chèque ». Il se pose alors la question de savoir d’où sort ce financement ?
Et si une main invisible ou une caisse para-LCB en était la source se demande-t-il ? Il dénonce également le fait que « parmi les personnes promues aux postes du BEN irrégulier, figurent les personnes absentes du pays et d’autres non titulaires de cartes de membres LCB ».
Et Pierre Nacoulma à son tour de prendre une décision d’exclusion temporaire le 10 septembre 2012 à l’encontre de Abdoulaye Mossé, Alassane Traoré, Gilbert Somda Hien et Mme Maïmounata Ouédraogo. Le divorce est donc consommé entre les dirigeants de la LCB qui ont choisi de mettre de côté les intérêts de la ligue pour défendre apparemment leur propre intérêt.
En l’état actuel des choses, et en attendant les feuilletons judiciaires que nous ont promis les uns et les autres par avocats interposés, l’autorité en charge des libertés publiques à l’obligation de jouer son rôle. Il doit situer le citoyen burkinabè sur la légitimité des 2 bureaux qui existent de fait.
Il doit dire si l’assemblée générale extraordinaire tenue le 2 septembre est valide et a de ce fait réellement débarqué Pierre Nacoulma de la présidence de la structure.
Si on parle aussi de politiques qui manipuleraient les uns et les autres, l’argent n’est pas étranger à cette crise. Vivement qu’une solution soit vite trouvée afin de ne pas plonger la LCB dans les abîmes sombres au grand dam des consommateurs, en cette période de vie chère et de contexte difficile où beaucoup de commerçants recourent à des méthodes peu orthodoxes pour se sucrer sur le dos des consommateurs.