Il y avait une foule des grands jours à la place de la gare de Ziniaré dans l’après-midi du 8 novembre 2015. C’était pour le lancement officiel de la campagne de l’Alliance des jeunes pour l’indépendance et la république (AJIR). Son président, Adama Kanazoé, originaire de cette localité, plus précisément de Bissiga dans la commune de Zitenga, a demandé la bénédiction des siens dans sa course pour Kosyam. Conscient de la sympathie des populations de la province de l’Oubritenga pour l’ancien président Blaise Compaoré, le plus jeune des candidats a pris sa défense, espérant ainsi récolter des dividendes électorales.
Quand nous entrons dans la commune de Ziniaré dans la soirée dominicale du 8 novembre 2015, les affiches de candidats à la présidentielle nous accueillent dès le portique de la ville : ce sont celles d’AJIR, de l’UPC, du MPP et de l’indépendant Jean-Baptiste Natama avec néanmoins une nette prédominance de l’AJIR dont les posters ornent les troncs des arbres d’un côté comme de l’autre de la nationale n°3.
On y voit le plus jeune des candidats, Adama Kanazoé, en costume bleu nuit assorti d’une cravate violette, montrant le cadran de sa montre comme pour dire : «mon heure a sonné». Point de difficulté à retrouver le lieu de la cérémonie. Une dizaine de cars et de mini bus y convoient les militants venus d’autres communes de la province.
Sur le site du meeting, les tentes dressées sont bondées de monde. Une réservée aux chefs coutumiers est bien occupée par ceux-ci, facilement identifiables par leurs bonnets. Un podium habillé aux couleurs nationales (rouge, vert et jaune) ; à côté de grosses baffles qui distillent des sonorités modernes et traditionnelles en honneur à l’AJIR et son porte-flambeau.
100 m plat
«Mesdames et messieurs veuillez accueillir le président Adama Kanazoé, votre fils», annonce le maître de cérémonie à 15h 40. C’est la ferveur. «AJIR, le changement ; AJIR, la relève», crient de toutes leurs cordes vocales les militants. Moment idéal pour prendre un bain de foule, la vedette du jour tout de blanc vêtu ne s’en prive pas avant de faire un 100 m plat pour rejoindre le fauteuil rembourré à lui réservé. «C’est vraiment un jeune, il a du poumon », lâche un voisin.
Un temps d’animation et place aux discours, et les intervenants à qui mieux mieux montrent leur zèle pour le parti, symbolisé par une clé. La représentante des femmes, Zoénabo Tassembédo, visiblement marquée par les événements des 30 et 31 octobre qui ont causé le départ de Blaise Compaoré, se contente d’une phrase avant de descendre du podium : «Les 30 et 31, toutes les femmes de Zitenga voteront AJIR», dit-elle en langue nationale mooré.
Le représentant des jeunes, lui aussi, fait court par une parabole : «Le serpent est mort à jamais, c’est seulement les enfants qui ont toujours peur de lui». Avis aux observateurs politiques de la région. Bonnet bien vissé sur la tête, le porte-parole du chef de Zitenga lance aussi de façon sibylline : «Lorsque le cours d’eau change de direction, le caïman ne peut que s’y conformer ».
Le directeur de campagne d’AJIR, Omer Ouédraogo, est sûr de son fait : «La campagne est déjà close dans l’Oubritenga, aucun parti ne peut battre l’AJIR. Même si les candidats étaient au nombre de 300 ça n’y aurait rien changé, nous n’avons pas peur». C’est à l’ancien député CDP Zakaria Tiendrebéogo, par ailleurs candidat aux législatives pour le compte d’AJIR, que l’honneur a échu d’introduire le président du parti.
« Le combat que nous menons est celui d’Oubritenga. Avant, vous ne votiez pas un parti mais une personne qui est Blaise Compaoré. Vous savez pourquoi il a quitté le pouvoir, c’est à cause de ceux qui volaient à côté de lui. Quand ils se sont rassasiés ils l’ont ensuite chassé. Avant vous votiez pour le grand frère, et maintenant son petit frère est là, votez à 200 %. Il n’y a rien en face, tout est maïs».
Adama Kanazoé lui non plus ne peut se passer du «grand frère» : «Les gens nous ont pris le 11-décembre et l’antenne de la RTB. Cela nous fait mal, on a commencé à nous punir, mais s’il plaît à Dieu, le pouvoir reviendra dans l’Oubritenga, je suis là pour vos bénédictions, car je suis votre fils. Le combat que je mène est pour tout l’Oubritenga.
Les gens se sont mobilisés à Ouaga pour le départ de Blaise, c’est ça aussi la démocratie. Nous n’y pouvions rien tant le peuple était mobilisé. Mais le peuple voulait qu’il achève son mandat et cède sa place à quelqu’un d’autre. Notre grand frère a été mal conseillé, ce qui a abouti à cette situation. Cela dit il faut reconnaître que Blaise Compaoré a tant œuvré pour le Burkina qu’il a même oublié l’Oubritenga, mais beaucoup ont été ingrats.
Autant vous aimez Blaise, aimez son petit frère que je suis ! Les gens ont dit qu’ils veulent le changement mais le changement qu’on attend doit être total, il ne passera pas par les anciens », dit-il avant de poursuivre «Tous les amis de Michel Kafando ont 70 ans et poussières, ne soyez pas étonnés qu’il nomme des retraités ; à 36 ans, mes amis, ce sont vous les jeunes, et à ce titre je suis aussi ami des anciens qui veulent un meilleur avenir pour leurs enfants». Ambiance. Selon lui, le lancement de sa campagne dans l’Oubritenga traduit sa volonté de prendre les bénédictions des parents avant d’aller plus loin.
Quid de son programme ?
«Notre programme de société est fondé sur quatre grands piliers : le vivre-ensemble par le rétablissement de bonnes bases de la réconciliation des fils et filles de ce pays. Mais il faut élucider l’ensemble des crimes économiques et de sang et rendre justice, notamment par la réhabilitation ou l’indemnisation des victimes. Ensuite il faut établir les bases d’une économie dynamique par l’augmentation de l’investissement privé, la maîtrise de l’eau et de l’énergie, la multiplication des unités industrielles…
Le troisième pilier, c’est la justice sociale à travers une meilleure répartition des fruits de la croissance. Dans les 100 premiers jours de notre arrivée à Kosyam nous allons relever le SMIG de 34 000 F à 50 000 FCFA. Le dernier point c’est le rayonnement du Burkina Faso sur le plan international à travers une diplomatie dynamique».
Le candidat de l’AJIR a fait ses études en communication d’entreprise au département de journalisme et communication de l’université de Ouagadougou avant de faire un DESS en marketing publicité au groupe MISA en Côte d’Ivoire. Il est entrepreneur et fondateur d’une start up d’investissement.
Abdou Karim