S’il y a un pays où les principes élémentaires de la démocratie n’ont jamais été observés, c’est bel et bien l’Ouganda, cet Etat de l’Afrique orientale situé sur l’équateur. En effet, depuis la proclamation de son indépendance par Kabaka Mutesa en 1963, tous les présidents qui se sont succédé à la tête de ce pays, ont tous été des potentats. Le plus illustre d’entre eux a été certainement le mégalomane Idi Amin Dada qui, pour se venger, disait-il, de l’humiliation qui avait été faite à ses ancêtres par la colonisation anglaise, se faisait transporter sur un hamac par des Blancs. Nous taisons volontairement ses autres frasques pour ne pas heurter les âmes sensibles et pudiques. Avec l’aide de la Tanzanie de Julius Nyereré, l’Ouganda s’est débarrassé de la tyrannie de ce personnage loufoque en 1979.
Le cas ougandais est un cas atypique
Les années qui ont suivi sa chute ont été marquées par l’anarchie et la répression tribale. C’est dans ce contexte que Yoweri Museveni s’est emparé du pouvoir par la force en 1986. Depuis lors, il règne en maître absolu sur l’Ouganda. Et tout laisse croire que ce n’est pas demain la veille que les Ougandais connaîtront leur première alternance démocratique. En effet, le mardi 3 novembre dernier, il a annoncé à ses sujets, pardon, à ses concitoyens qu’il était candidat à la présidentielle de février prochain et ce, pour la quatrième fois. L’on peut lui suggérer de faire valoir ses droits à la retraite, puisque sauf tremblement de terre, tout le monde sait qu’il en sortira plébiscité avec un score qui pourrait faire pâlir de jalousie les autres membres de la confrérie des dictateurs qui écument le continent. Mais cela ne devrait étonner personne puisque le cas ougandais est un cas atypique au regard des considérations suivantes. Yoweri Museveni s’est imposé à la tête de l’Ouganda en 1986 avec la bénédiction voire le soutien actif des Occidentaux. Depuis cette date, il s’est attaché à pacifier le pays au prix d’une répression au quotidien de l’opposition et d’un étouffement systématique de toutes les voix qui se refusent à reprendre en chœur son évangile. Conscient et convaincu de la bienveillance des chantres et garants de la démocratie à son égard, il en a profité pour asseoir et consolider les bases de sa dictature. De ce point de vue, il a taillé en 1995 une Constitution à sa mesure. Celle-ci, qui est digne d’une monarchie absolue, lui donne tous les gages de régner sans partage et à vie sur l’Ouganda. C’est pourquoi il n’est pas permis de rêver d’une alternance démocratique tant que celui qui aurait dû se faire appeler le Kabaka Mutesa III puisque le dernier roi de l’Ouganda portait le nom de Kabaka Mutesa II, sera en vie. Dans ce contexte, le simple fait de se réclamer de l’opposition, constitue un crime de lèse-majesté et est puni comme tel. Le seul opposant digne de ce nom, Kifefe Kizza-Basigye en sait quelque chose. En effet, cet opposant historique est un habitué des geôles du dictateur. A chaque fois, il est invariablement accusé d’attentat à la sûreté de l’Etat. Dans les Républiques bananières, les dictateurs ont de l’expertise à revendre dans la fabrication de ce genre de crimes qu’ils s’empressent de coller à tous ceux qui ont la témérité de se mettre sur leur chemin.
L’ironie du sort a voulu que ce soit Museveni qui soit sollicité pour résoudre les problèmes de démocratie au Burundi
Les seuls « opposants » qu’ils tolèrent et qui bénéficient d’ailleurs de leur générosité pour jouer la comédie, sont ceux qu’ils ont suscités. Les Occidentaux sont au courant de cette théâtralisation honteuse des élections sous nos tropiques. Seulement, ils sont plus préoccupés par la sauvegarde de leurs intérêts que par la qualité de la démocratie chez les Noirs. C’est cette posture qu’ils ont toujours eue vis-à-vis de la dictature de Museveni. Ils se contenteront de déclaration de principe dans lesquelles ils donneront juste l’impression que le président ougandais en fait trop. Mais les Africains sont en train de découvrir de plus en plus cette hypocrisie. Surtout la jeunesse africaine, dont la conscience politique va grandissante, a perçu cette supercherie, si fait qu’elle sait que dans sa lutte pour la démocratie, elle doit d’abord compter sur elle-même. C’est cette leçon que la jeunesse burkinabè a administrée de la manière la plus chevaleresque, à la face du monde, les 30 et 31 octobre 2014, en se débarrassant de Blaise Compaoré au prix de sa sueur et de son sang. Le jour où les autres peuples qui croupissent encore sous le joug des dictateurs, notamment ceux des pays de l’Afrique centrale et orientale où la démocratie est la plus malmenée sur le continent noir, réagiront, ils auront fait un pas décisif vers leur libération. En attendant ce jour que tous les Africains épris de paix et de développement souhaitent le plus proche possible, Museveni a crucifié la démocratie en Ouganda en se présentant pour la 4e fois consécutive à la présidentielle de son pays. L’ironie du sort a voulu que ce soit le même Museveni qui soit sollicité pour résoudre les problèmes de démocratie chez certains de ses voisins, notamment au Burundi. Dès lors, chacun peut se faire une idée du genre de traitement que le médecin ougandais va leur proposer.
« Le Pays »