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An I de l’insurrection populaire : Retour sur les pas glorieux du peuple burkinabè
Publié le vendredi 30 octobre 2015  |  Sidwaya
Burkina:
© AFP par AHMED OUOBA
Burkina: Des manifestants mobilisés convergent vers Kosyam, le palais présidentiel
Mercredi 16 septembre 2015. Palais présidentiel à Ouagadougou. Le président intérimaire du Burkina Faso Michel Kafando ainsi que le Premier ministre Isaac Zida et deux ministres étaient retenus par le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), la garde prétorienne de l`ex-président Blaise Compaoré. Des manifestations spontanées dans les rues de Ougadougou.




Au cours de la célébration du 11-Décembre 2013 à Dori, chef-lieu de la région du Sahel, l’ex-président du Faso, Blaise Compaoré, avait indiqué clairement, au cours d’un point de presse le 12 décembre, sa volonté de consulter le peuple en temps opportun sur la révision de la Constitution. Une révision qui lui permettrait de se représenter au scrutin présidentiel de 2015. Cette information allait précipiter beaucoup de choses.

Une succession de décisions, des faits et gestes, tout au long de l’année 2014, a conduit à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre. Tout commence par un tsunami politique au sein du parti au pouvoir. Le 4 janvier 2014, Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo, Simon Compaoré et 75 autres membres influents du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), démissionnent. Un coup dur pour le camp présidentiel qui avait annoncé sa volonté de convoquer un référendum sur la révision de l’article 37 de la Constitution pour permettre à Blaise Compaoré de se représenter à la présidentielle de 2015. Une tentative de réconciliation entre les dissidents et leur formation politique échoue.
Au même moment, les partis politiques, réunis au sein du Chef de file de l’opposition (CFOP) et des Organisations de la Société civile (OSC), déjà très actifs contre la mise en place du Sénat et la modification de l’article 37, durcissent le ton. Ils organisent une marche historique le 18 janvier sur toute l’étendue du territoire pour réaffirmer leur position. Des centaines de milliers de manifestants sortent dans la rue pour exiger le maintien en l’état de la limitation du nombre de mandats présidentiels. Entre temps, les démissionnaires du CDP, créent le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le 25 janvier et font allégeance au CFOP. Un soutien de taille dans la lutte contre la tenue du référendum et la mise en place du Sénat. Le parti au pouvoir, de son côté, fonde le 23 janvier 2014, à Ouagadougou, avec ses alliés le Front républicain, favorable à la révision constitutionnelle.


Des positions inconciliables


S’inquiétant du climat de plus en plus délétère au niveau de la classe politique, un groupe de quatre autorités religieuses et morales conduit par l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo, voit le jour en début mars. Ces derniers prennent l’initiative d’engager une médiation en vue de dénouer le bras de fer qui oppose la majorité et l’opposition sur la question de l’article 37. Le 10 mars 2014, le groupe de médiateurs autosaisis rend compte au chef de l’Etat de l’échec de leur initiative. Le Front républicain, fort de 37 partis politiques de la majorité et de la mouvance présidentielle, organise le 12 mars, à Bobo-Dioulasso, au stade Wobi, un meeting de soutien au projet de référendum. De part et d’autre, chaque camp essaie de faire valoir sa position auprès des populations. Le CFOP échange avec les ambassadeurs de l’Union européenne, à la mi-mai, sur la situation nationale et les actions qu’il entend mener. Le 31 mai 2014, les partis politiques membres du CFOP et des OSC organisent des marches-meetings à travers tout le pays pour clamer une fois de plus leur refus de la mise en place du Sénat et de la modification de l’article 37.


Les recto-verso


En réaction, le CDP, à son tour, tient un meeting le 21 juin, au stade du 4-Août pour soutenir le projet de Blaise Compaoré de s’offrir d’autres mandats. Cinq jours plus tard, c’est-à-dire, le 26 juin, le CFOP lance, au cours d’une conférence de presse, une souscription de récolte de ressources financières pour la lutte contre le référendum.
Dans la même ferveur, le 23 août de la même année, à l’appel du CFOP, les militants et sympathisants de la croisade contre la modification de l’article 37 de la Constitution sortent massivement pour une marche-meeting au rond-point de la Patte d’Oie à Ouagadougou. L’on estime le nombre de manifestants entre 50 000 et 100 000. Un mois après cette marche, soit le 23 septembre 2014, Blaise Compaoré initie des échanges avec les partis de la majorité, de l’opposition et le front républicain, sur la situation nationale. Il les rencontre à nouveau le 29 du même mois, cette fois-ci, la majorité et l’opposition. Mais les lignes ne bougent pas. Le CFOP, intransigeant sur sa position quant à la modification de l’article 37, annonce l’échec du dialogue inclusif entrepris par Blaise Compaoré.


Convocation du référendum


En sa séance du mardi 21 octobre 2014, le Conseil des ministres, contre vents et marées prend la décision de soumettre à l’Assemblée nationale, un projet de loi relatif à la révision de la Constitution et à la tenue d’un référendum. La loi devrait être votée le 30 octobre. Le 27 octobre, la coordination des femmes des partis de l’opposition et des OSC sortent avec des spatules pour dire son opposition au projet de loi portant modification de l’article 37. Le lendemain, 28 octobre, ce sont des milliers de militants et sympathisants de l’opposition politique et de la société civile qui protestent à Ouagadougou et dans les autres villes du Burkina Faso contre la même cause. Le 29, c’est au tour de la Coalition nationale contre la Vie chère d’organiser une marche-meeting toujours dans la capitale. Elle exige l’avènement « d’une école démocratique et populaire accessible aux enfants du peuple » et fustige toute modification de l’article 37. Flairant l’impossibilité d’accéder à l’Assemblée nationale dans la matinée du 30 octobre, la majorité anticipe les choses. Les députés favorables à la décision gouvernementale sont internés la veille, à l’hôtel Azalaï qui jouxte l’Assemblée nationale.


Blaise Compaoré démissionne

En dépit d’un déploiement impressionnant de blindés militaires dans les environs du parlement, la jeunesse, déterminée dans la défense du jeu démocratique, l’encercle dans la matinée du 30 octobre. Avant que les députés ne prennent place à l’hémicycle pour le vote, la foule envahit les locaux de la représentation nationale. La suite, on la connaît. Le parlement est incendié. Des domiciles des dignitaires de l’ancien régime, ceux des leaders de partis ayant soutenu le projet de référendum ainsi que des biens supposés appartenir à des proches du pouvoir sont brûlés ou pillés .
Face à la pression de la rue, en dépit des balles meurtrières du régime, le président Compaoré tente de revenir sur son ambition de trop. Au cours d’un discours télévisé dans la soirée du 30, il dit renoncer à son projet révisionniste et appelle au calme.
Mais trop tard ! Le lendemain 31 octobre, le mouvement ne faiblit pas à son encontre. C’est son départ pur et simple du pouvoir qui est exigé, à une année de la fin de son mandat légal et légitime. Devant l’impossible, dans la mi-journée Blaise Compaoré rend sa démission et prend le chemin de l’exil, en Côte d’Ivoire. Après 27 ans de règne, il est chassé par le peuple, parce qu’il a voulu s’éterniser au pouvoir. Le peuple burkinabè réalisait ainsi son insurrection, au prix d’une vingtaine de vies et de plus de 625 blessés.


Karim BADOLO
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