L’action de Luc Adolphe Tiao, depuis sa nomination au poste de Premier ministre est de se tenir prioritairement proche des populations. Cette politique de proximité voulue et assumée a deux avantages : avoir constamment en tête la réalité et surtout garder les pieds sur terre.
L’homme on le sait est oublieux et a, en outre, une forte tendance à agir ou à réagir lentement. Plus encore, quand on tient le rôle de Premier ministre et que les problèmes assaillent de toutes parts, il est facile de se perdre face aux cris et aux appels au secours.
Ce n’est certainement pas là une vue de l’esprit. L’accueil pour moins original, mais très parlant fait au Premier ministre par les populations de Sebba en est l’illustration exclusive. L’aubaine de la venue du chef de l’exécutif a été mis à profit par une foule de femmes pour délivrer un message crucial d’eau et d’énergie électrique en portant en étendard des fûts vides et des lampes à pétrole.
Quid de la région de l’Est ? A Fada, les locataires de l’école supérieure des ingénieurs, pour prendre cet exemple, ont dressé la liste des manques de ce temple de savoir. Elle est aussi longue qu’une ligne d’horizon.
Revenu à la dure réalité du poids des besoins, après les grèves en stock et les revendications corporatistes en vrac, salaires et tutti quanti, voilà Luc Adolphe Tiao en contact avec le Burkina de l’intérieur.
S’il veut vraiment entendre la parole du pays réel, l’essentiel de son attention doit porter sur les problèmes de la vie et au passage sur un fréquent réarbitrage budgétaire. Ce n’est pas qu’un rééquilibrabre salaires n’en fasse pas partie de ces problèmes mais parce que l’établissement d’une hiérarchie commande de dire qu’ailleurs il y a de plus démunis encore.
Choisir de dire
Il y a une propagande pernicieuse qui tend à laisser croire que tout problème posé peut-être solutionné par l’exécutif. Cela ne peut être vrai que si s’y mêle le pouvoir de choisir. Notamment celui d’étaler dans le temps l’apport des solutions. C’est la seule manière d’agir avec responsabilité que de différer certaines questions comme l’a fait le Premier ministre devant les étudiants de Fada.
En disant cela, il choisit aussi de tenir un langage de vérité. Un des problèmes cruciaux des politiques, des patrons des institutions financières internationales ou même privées est le déni de la réalité.
En les écoutant, même si la politique est considérée comme un art de l’esquive, on est frappé par leur volonté de toujours adoucir la face hideuse du tableau. Ce refus de traduire fidèlement la vérité finit par déterminer les comportements et les attitudes.
Après maintenant un an à parcourir le Burkina profond, Luc Adolphe Tiao peut tenir ce discours de la vérité. Notamment que le partage des richesses exige un certain rééquilibrage en faveur des besoins exprimés par le pays réel.
Certes, les gens ont besoin de compréhension et parfois d’encouragement. Le dialogue institué avec les syndicats participe de cette volonté de l’exécutif d’être à l’écoute des travailleurs. Mais pour que ce dialogue ne s’égare pas, il ne faut pas seulement tenir les promesses mais choisir plutôt de dire parfois des choses pas forcément agréables.
La souffrance ailleurs
En regardant ces femmes en train d’accueillir le Premier ministre, il est apparu que la souffrance se trouve ailleurs que dans les poches des salariés. L’argument de la consommation qui produira de la croissance tombe devant tant de maux égrenés dans ces deux régions.
Il y a comme une sorte de massification des problèmes et le strict minimum est, dans certaines parties du territoire, une denrée rare.
Il ne faut donc pas seulement un constat que les intérêts des pauvres sont oubliés. Il faut par après établir une véritable anatomie de cet état de fait en vue de solutions durables. Cette anatomie sans laquelle, établir un calendrier d’intervention efficace sera vouée à la production de résultats mitigés.
Les attentes étant nombreuses et si on s’en réfère aux bons mots des étudiants qui attendent de juger au concret, ne pas tenir ce langage de verité en établissant clairement les priorités afin de soulager ces souffrances des populations rurales, c’est manquer à sa responsabilité. Maintenant, on sait aussi qu’un des points querellés reste la transparence dans la gestion des deniers publics afin que chacun voit et perçoive qu’il y a rigueur, sérieux et efficacité.
Il n’est un secret pour personne que le rapprochement entre gouvernants et gouvernés passe par l’établissement à tous les échelons de la bonne gouvernance. C’est pourquoi s’impose urgemment pour le Premier ministre la mise en place d’un plan de gestion des préoccupations recensées et qui fasse l’objet d’un calendrier connu de tous.
Ainsi, il revient à Luc Adolphe Tiao de formuler clairement une nouvelle conception de la gestion des hommes, des ressources disponibles, qui fassent en sorte que le développement soit harmonieusement partagé. La décentralisation de l’université à ce propos n’a de sens que si elle s’accompagne des infrastructures et des hommes qui vont avec. Autrement, il faut reformer le partage de la richesse nationale.