Le marathon « dépôt des dossiers de candidature aux concours directs de la Fonction publique » est lancé du 2 mai au 14 mai 2013. A l’Ecole nationale des régies financières (ENAREF), l’un des concours les plus prisés par les candidats, se bousculent les chercheurs d’emplois. Contact avec le calvaire de quelques uns d’entre eux.
L’entrée principale de l’ENAREF, école située à Wayalguin, un quartier de Ouagadougou, est transformée en un parking depuis le 2 mai 2013. Il se remplit dès 5h du matin pour ne se vider qu’à 14h. La cause, les dépôts des dossiers des concours directs pour le recrutement de nouveaux fonctionnaires.
Pas assez d’argent pour payer le parking !
Mais ce n’est pas tous qui mettent leurs engins dans ce parking, ce vendredi 10 mai 2013. En effet, quelques mètres plus loin, des vélos ont formé leur groupe à part. Le prix du parking, 100 F CFA, y est pour quelque chose. Asséta Bélem ajoute une autre explication. « Déposer les concours, ça coûte cher ! », dit-elle en effet, alors qu’elle franchissait le seuil de la cour de l’ENAREF.
« Pour un dossier, tu peux dépenser près de 2000 F CFA », calcule-t-elle. En effet, il faut au minimum trois pièces pour chaque demande : un extrait d’acte de naissance, une photocopie légalisée du diplôme requis et de la carte nationale d’identité. Chaque pièce nécessite au moins un timbre fiscal de 200 F CFA qui est en réalité vendu à 250 F CFA après avoir suivi un circuit sinueux vers des revendeurs. La demande est également timbrée à 200 F CFA. Ce qui porte le total à déjà 1 000 F CFA sans compter les frais de photocopies et le carburant à brûler pour aller effectuer le dépôt. « Pourtant, on ne travaille pas », se lamente Asséta Belem, qui est étudiante à l’Université de Ouagadougou, mais qui devient coiffeuse de temps à autre, justement pour pouvoir faire face à ces dépenses.
Le rang est long et s’allonge
Les légalisations sont aussi un autre calvaire. Madina, étudiante, dit être allée au Commissariat central de police à 5h du matin. Malgré le dispositif spécial mis en place là-bas pour accélérer les légalisations, elle n’a pu revenir au lieu de dépôt qu’à 11h. « C’est dur dèh », s’exclame-t-elle.
Après les légalisations, le dépôt est tout aussi martyrisant. Fréderic Somé est déjà fonctionnaire de l’Etat depuis 2006, après avoir vainement « tenté la chance » en 2004 et 2005. Il est venu déposer les dossiers de sa moitié. En vétéran, il trouve que les choses n’ont pas trop changé. « C’est vrai que les centres de dépôt ont été décentralisés », reconnait-il, « ce n’est pas
comme à mon temps où on ne pouvait déposer qu’à Ouaga ».
Toutefois il trouve que le volume des rangs devant les guichets de dépôt n’a pas pour autant diminué et que la réception des dossiers est toujours lente. « C’est certainement dû au fait que le nombre de chômeurs ne fait qu’augmenter ».
Pour cette session de 2013, l’Etat burkinabè a besoin de 11 045 élèves fonctionnaires. En 2012, le nombre de candidats ayant postulé aux concours directs était de 143 573 pour 10 000 postes.
Jeux d’intégration
Michel Yaméogo, président du jury ENAREF B, confirme. « On ne s’attendait pas à cette affluence », commente-t-il. Selon ses registres, une semaine après l’ouverture des guichets, l’ENAREF B est déjà à 6 600 candidats.
Mais pourquoi cet engouement pour la Fonction publique ? « Mon frère, le privé-là, c’est coincé », s’exclame Madina. « Mais parce que dans le pays, si tu ne connais pas quelqu’un, ce n’est pas la peine ! », croit Asséta Belem. En attendant, dans son rang, l’on critique la lenteur de la réception des dossiers. Des complaintes s’élèvent : « Hé, le rang n’avance pas ! ».
Troquer « ça va aller » avec « ça va venir » !
« Il y a des intégrations, les à-côtés », susurre Asséta. Un autre candidat indique qu’il y a des dossiers qui ne passent pas par le rang. Michel Yaméogo, le président du jury, ne nie pas. Cependant, il assure qu’il ne permettrait pas que cela se fasse pendant les « heures ouvrables ». « S’il y a des collègues qui veulent déposer des dossiers, ils viennent à 7h le faire avant l’ouverture des guichets à 8h ».
Dehors, sous le soleil cuisant, les candidats attendent jusqu’à 14h, en espérant déposer l’ENAREF B pour ensuite aller déposer d’autres concours, le lendemain. Certaines candidates ont au dos, des nourrissons. Tous les candidats interviewés sont au moins à leur troisième tentative. « Ça va aller », aime-t-on à dire au Faso. Mais Asséta Belem préfère un nouveau slogan : « ça va venir » !