Un drame, à la fois horrible et incompréhensible, a endeuillé le 26 avril dernier, la société Groupe Joseph Farah et frères à Kamboinsé (quartier périphérique situé à quelque 15 km du centre-ville de Ouagadougou). Comme un essaim d’abeilles, la foule a envahi la cour, qui, pour brûler les installations de la société, qui pour exiger l’inhumation de la victime sur les lieux du drame…La tension était visible à Kamboinsé toute la nuit.
Lassané Ouédraogo, employé à la société Groupe Joseph Farah à Kamboinsé est mort le 26 avril dernier. Il a été écrasé par un camion-benne appelé « dix roues » dans l’enceinte même de la société. Il était 16 h passées quand le drame s’est produit. La victime était magasinier à la société spécialisée dans la construction de route, des Bâtiments et travaux publics (BTP). En fait, le véhicule venait de sortir des services techniques de la douane à Ouagadougou. C’est Abdoulaye Kaboré, vigile de la société et témoin principal de l’homicide, qui a ouvert le portail pour que le camion, non immatriculé, accède à l’intérieur de la cour. "Il était conduit par Alim, mécanicien-auto dans la société", confirme le gardien. A côté de lui, dans la cabine, Amadé Nikiéma, un employé, avait pris place. Une fois à l’intérieur de la cour, pourtant si vaste, le sieur Alim passe le camion à de nombreux et bruyants essais mécaniques. « Le camion vrombissait si fort au point que, même de dehors, je voyais me parvenir une épaisse poussière….C’était un exercice mécanique périlleux et fort risqué », avoue, les larmes aux yeux, Arouna Tiendrébéogo, un autre témoin qui dit se rappeler avoir recouvert le corps de la victime avec une natte. Quelques instants après, Lassané Ouédraogo, le magasinier, arrive dans la cour où le « chauffeur » continuait à s’adonner à son « jeu » avec le camion. A l’entrée, à droite, se dresse la maisonnette du vigile. Le magasinier se met à converser avec le gardien. Mais à peine, a-t-il commencé à échanger avec celui-ci que son portable s’est mis à sonner. Au téléphone, un de ses employeurs lui demande d’aller chercher une pièce d’auto. La pièce demandée se trouve dans le magasin, de l’autre côté de la cour. Pour y accéder, Lassané doit traverser la cour où se déroulait toujours l’« exercice » avec le camion. De retour du magasin et parvenu juste au milieu de la cour, Lassané Ouédraogo « tombe nez à nez » avec le camion qui se dirige à vive allure sur lui. La benne le percute et l’écrase. Le véhicule va ensuite stationner à une cinquantaine de mètres du lieu du drame (nous avons été sur les lieux). Et selon toujours Abdoulaye Kaboré, le vigile-témoin de la scène, le chauffeur, après son forfait, serait descendu du camion et « cria à gorge déployée » le nom de la victime dans un dernier espoir de le voir se relever. Peine perdue ! Lassané a été tué sur-le-champ. Mort le vendredi 26 avril aux environs de 16h, il sera inhumé au petit matin du samedi 27 avril 2013. A notre passage le 1er mai, la société était restée fermée. Un bandeau noir sur le grand portail indiquait que le personnel était en deuil. Lassané Ouédraogo avait 35 ans.
Homicide volontaire
ou involontaire ?
Après le forfait, Alim et Amadé Nikiéma, celui-là même qui était à bord du camion avec le présumé coupable, s’empressent de regagner un autre véhicule. Ils s’y engouffrent et se dirigent vers le centre-ville. Selon toujours le gardien, le véhicule des « fuyards » était conduit cette fois par Amadé Nikiéma. Ont-ils fui pour échapper à la grogne des populations de Kamboinsé qui, très rapidement, ont essaimé la cour dans le dessein de porter le feu à la société ? Alim et son « compagnon » ont-ils quitté les lieux parce qu’ils viennent de prendre conscience des conséquences de leur forfait ? Alertée, la gendarmerie de Pabré arrive sur les lieux pour le constat d’usage. Très vite, la nouvelle du décès de Lassané se répand dans la ville de Kamboinsé où la victime était relativement connue. La cour est prise d’assaut par les populations. « J’ai vu arriver un renfort de policiers plus tard sur les lieux », se rappelle notre informateur. Les uns exigeant vengeance. La population va même jusqu’à « décréter » une fatwa : la victime sera inhumée dans la cour de la société pour que le présumé coupable porte ad vitam aeternam, le deuil du magasinier. Mathieu Ouédraogo, le frère aîné de la victime, assommé par la mauvaise nouvelle, accourt sur les lieux. « C’est un ami de la victime qui m’a tenu informé », explique le grand frère de Lassané qui dit se rappeler avoir soulevé la natte qui recouvrait la victime pour la regarder pour la dernière fois. « Mon petit frère était méconnaissable à la hauteur du thorax et de la hanche », indique, la gorge nouée de douleur, Mathieu Ouédraogo. Quant à l’épouse du disparu, elle pleure dès que quiconque se met à rappeler le souvenir de son mari. "Nous projetons de porter plainte contre le conducteur du camion", confie-t-elle, en pleurs. Nous avons appelé à plusieurs reprises, le présumé coupable au téléphone pour avoir sa version des faits. Il ne nous a jamais décroché !
Aux dernières nouvelles, Alim a été arrêté et écroué.