Aux lendemains de la présidentielle du 25 octobre dernier, la victoire du président Alassane Dramane Ouattara (ADO) ne fait l’ombre d’aucun doute. Cette victoire est d’autant plus attendue que certains de ses principaux challengers, quand ils n’ont pas simplement jeté l’éponge à la veille du scrutin, à l’image de Charles Konan Banny, Amara Essy ou encore Mamadou Koulibaly, ont explicitement reconnu leur défaite tel Kouadio Konan Bertin dit KKB qui s’est empressé de le féliciter, avant même la proclamation officielle des résultats provisoires par la Commission électorale indépendante (CEI).
Seule ombre au tableau : le taux de participation qui est non seulement en deçà des attentes, mais aussi ne fait pas l’unanimité. Car la société civile parle de 53%, là où la CEI avance le taux de 60%. Quoi qu’il en soit, cela n’enlèvera rien à la légitimité du président ADO. Mais avec le bilan qui est le sien, il aurait certainement préféré une forte participation de ses concitoyens pour non seulement donner plus d’éclat à sa victoire, mais aussi lever définitivement le doute sur sa victoire de 2010. A défaut, ADO n’aura donc pas d’autre choix que de se contenter de ce qui sortira des urnes, en ayant le triomphe modeste, et d’en tenir compte dans l’exercice de son deuxième mandat qui s’annonce plein de défis dont le plus grand s’appelle « réconciliation ».
Pour en revenir à la sortie de KKB, sa précipitation à
féliciter ADO paraît suspecte. S’il avait été le seul challenger du président sortant, cela aurait, à la limite, pu se comprendre. Mais cette façon de brûler la politesse aux autres candidats est non seulement inélégante, mais aussi dangereuse, surtout qu’elle intervient à un moment où la CEI n’a pas fini la compilation des résultats qui continuaient de tomber aux compte-gouttes. Sans oublier que le Front populaire ivoirien (FPI), avec qui il y avait eu la mortelle contestation en 2010, est dans la course, même diminué.
KKB aurait dû prendre son mal en patience et attendre au moins la proclamation des résultats provisoires
Est-ce une façon pour KKB de consommer son échec, à défaut d’avoir pu tenir la dragée haute au candidat du RHDP dont la machine de campagne, tel un rouleau compresseur, n’a laissé aucune chance à ses adversaires? Est-ce une façon de couper l’herbe sous les pieds des autres candidats? Ou bien encore est-ce une façon de se montrer tout simplement bon perdant ? Quoi qu’il en soit, KKB aurait dû prendre son mal en patience et attendre au moins la proclamation des résultats provisoires. Car, rien ne dit que les autres candidats sont sur la même longueur d’onde que lui et que certains n’useront pas de recours d’ici la proclamation des résultats définitifs.
En agissant de la sorte, KKB est peut-être dans une logique d’apaisement, mais il ne rend pas service au processus électoral ivoirien, ni à ADO. Car, il n’y a pas plus grand danger pour un scrutin que lorsque les candidats commencent à revendiquer la victoire avant la proclamation des résultats officiels, même si, dans le cas d’espèce, KKB ne revendique pas sa victoire mais sa défaite. Mais il n’est pas exclu que sa candidature soit une « fabrication » de ADO, comme on en a vu dans
certaines élections sous nos tropiques, ou qu’il roule pour ce dernier, quand on se rappelle qu’il fut un temps où ADO donnait l’impression de chercher des candidatures crédibles pour l’affronter au moment où la participation du FPI était plus qu’incertaine. C’est pourquoi l’on peut se demander si KKB n’a pas été payé pour faire son cirque, d’autant plus qu’il ne semble pas être homme à oser le parricide contre un dinosaure politique comme son mentor Henri Konan Bédié, indéfectible soutien de ADO et sous l’aile protectrice de qui il aura grandi au PDCI. En tout cas, l’on a de la peine à reconnaître le même KKB qui, il n’y a pas longtemps encore, tirait à boulets rouges sur ADO et, le verbe haut, disait sans sourciller à qui voulait l’entendre qu’il ne se laisserait pas voler sa victoire. Suite à la vérité des urnes, KKB tenterait-il finalement de revenir dans l’enclos pour continuer à brouter l’herbe grasse du pâturage du RHDP, pour ainsi éviter un suicide politique? L’histoire nous le dira.
Dans tous les cas, quel que soit le vainqueur final de ce scrutin, il serait de bon ton que les autres candidats, y compris ADO soient fair-play, pour éviter à l’Eléphant d’Afrique le syndrome de 2010. La Côte d’ivoire n’a pas plus besoin de ça.
Outélé KEITA