GENEVE - Le brésilien Roberto Azevedo va devenir le patron de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une consécration pour une des principales économies montantes dans le monde contre une rude mission, celle de relancer des négociations commerciales au point mort entre pays du nord et du sud.
Un Brésilien, Roberto Azevedo, va devenir le nouveau patron de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une consécration pour son pays, une des principales économies montantes dans le monde, mais il aura une rude mission, celle de relancer des négociations commerciales au point mort entre Nord et Sud.
Pour ce choix des 159 Etats membres, la compétition avec le Mexicain Herminio Blanco a été "très serrée", ont annoncé mardi à Genève des sources diplomatiques, donnant le nom du vainqueur sans attendre l’annonce officielle prévue pour mercredi.
La confirmation par les Etats membres, réunis en Conseil plénier, doit intervenir la semaine prochaine.
"En présentant sa candidature, le Brésil estimait que par son expérience et son implication, (Roberto) Azevedo pourrait conduire l’organisation vers un ordre économique mondial plus dynamique et plus juste. Ce message a été entendu (...)", a aussitôt réagi la présidente brésilienne Dilma Rousseff.
Cette désignation est "un résultat très important qui vient révéler un ordre mondial en transformation dans lequel les pays émergents démontrent leur capacité de direction", a, quant à lui, commenté le chef de la diplomatie brésilienne Antonio Patriota.
Le gouvernement mexicain, qui a souligné que l’Amérique latine était désormais "une région solide à la croissance soutenue et aux vastes perspectives", a félicité Roberto Azevedo, assurant que son adversaire malheureux Herminio Blanco avait déjà pris contact avec le Brésilien pour lui "offrir tout son soutien dans sa nouvelle charge".
Cela fait plus de quatre mois que le processus de sélection du nouveau directeur général, qui doit prendre, le 1er septembre, pour un mandat de quatre ans la succession du Français Pascal Lamy, 65 ans, a commencé.
Une troïka dirigée par l’ambassadeur pakistanais Shahid Bashir, avec les représentants du Canada et de la Suède, était chargée de consulter les 159 Etats membres pour connaitre leurs préférences parmi les neufs spécialistes du commerce international qui avaient fait acte de candidature. La sélection s’est opérée en trois étapes par éliminations successives, la troïka ayant pour mission de faire apparaitre un consensus sur un candidat.
La troïka a reçu en fin d’après-midi, pour leur notifier le résultat, les équipes des deux derniers candidats retenus. Ceux-ci s’étaient engagés à essayer de relancer les négociations de Doha sur la libéralisation des échanges commerciaux, entamées en 2001 et qui n’enregistrent pas d’avancées depuis de nombreuses années en raison des divisions trop profondes entre les pays du Nord et du Sud.
Le Mexicain Herminio Blanco avait tout du poids lourd dans son domaine : âgé de 62 ans, le candidat présenté par le gouvernement du président mexicain Enrique Peña Nieto a notamment à son actif d’avoir mené à bien, en tant que négociateur en chef du Mexique, l’accord de libre-échange nord-américain (Alena), un accord historique signé en 1994 avec les Etats-Unis et le Canada.
Mais le candidat brésilien, Roberto Azevedo, 55 ans, se prévalait de son passé de diplomate chevronné en tant que représentant permanent du Brésil depuis 2008 auprès de l’OMC où il s’est forgé une réputation de négociateur et de "bâtisseur de consensus".
Selon les diplomates, les pays de l’Union européenne, qui représentent un bloc de 28 voix (UE+Croatie), étaient au départ divisés. Les pays du Sud, comme l’Espagne, le Portugal et l’Italie, se seraient prononcés pour le Brésilien, alors qu’un autre groupe emmené par le Royaume-Uni était favorable au Mexicain.
"Ne vous y trompez pas, les compétences comptent, mais le choix est idéologique", a commenté auprès de l’AFP un ambassadeur ayant requis d’anonymat.
Les bonnes relations du Brésil avec les principaux pays émergents,la Chine et l’Inde, ont manifestement été prises en compte, alors que le candidat mexicain était davantage perçu comme un défenseur du libéralisme.
Depuis la création de l’OMC le 1er janvier 1995, un Irlandais, un Italien, un Néo-Zélandais, un Thaïlandais et un Français ont successivement occupé le fauteuil de directeur général. Les pays du sud estimaient que leur heure était venue et neuf candidats se sont présentés. La sélection ne s’est pas faîte sans quelques grincements de dents, certains diplomates à Genève faisant valoir que le choix final entre deux représentants du même continent montrait que peu de cas avait été fait des représentants des autres continents, comme l’Asie et l’Afrique.
Devant les enjeux, M Azevedo, dans une récente interview, avait souligné combien "le système commercial multilatéral est affaibli par une complète paralysie des négociations".
"Il s’agit de rendre le système compatible avec le monde d’aujourd’hui, la seule façon d’y arriver est d’encourager le commerce et la libéralisation des échanges en tant que composants essentiels des politiques de développement", avait-il ajouté.
"Au niveau des négociations, il faut un directeur général capable de se retrousser les manches, de s’asseoir avec les Etats-membres, et de parler avec eux sur un pied d’égalité", avait dit le Brésilien, considéré par ses collègues comme quelqu’un de "sympathique et calme".