Et l’on nous reparle de l’Azawad ! La dernière nouvelle, c’est la création, dans ce vaste territoire, notamment à Kidal, d’un Haut Conseil de l'Azawad pour négocier avec Bamako. Cette fois-ci, les initiateurs du mouvement, avec à leur tête Mohamed Ag Intalla, ancien député de la circonscription de Kidal et considéré comme modéré, ont décidé de la mise en place d’un mouvement pacifique qui, plus est, se départit de toutes velleités sécessionnistes et fait du dialogue la seule voie de solution politique à la crise que traverse l'Azawad.
Disons qu’on revient de loin avec cette "République indépendante autoproclamée" en avril 2012 et cet "Etat de l'Azawad" en juin 2012. L'annonce de la création de ce nouveau phalanstère touareg tombe au moment où règne une certaine accalmie au front. D’une manière générale, le Nord est pacifiée, même si des violences résiduelles avec des incursions islamistes continuent de semer la terreur par-ci par-là. Egalement au moment où les troupes africaines, à travers la MISMA, prennent progressivement le relais de l’opération Serval. La seule zone d'ombre dans cette embellie reste l'irrédentisme du MNLA et de son comparse le MIA (Mouvement islamiste de l'Azawad) qui contrôlent Kidal et y refusent toute présence de l'armée malienne depuis la récente occupation de cette ville par le MNLA. Nouveaux envahisseurs qui avaient été chassés par les colonnes islamistes avec lesquels ils avaient flirté, les séparatistes du MNLA sont de retour donc après le ménage fait par les Français. Sans doute regonflés à bloc par cette espèce de magnanimité que les Gaulois et les Gauloises leur vouent, ils vont jusqu'à rejeter le principe de toute élection avant la satisfaction de leurs revendications. Pire, ils se déclarent prêts à aller en guerre pour que leurs revendications soient prises au sérieux.
C’est dans ce contexte que l’offre de Mohamed Ag Intella est tombée. Faut-il s’en réjouir ou rester de marbre ? La décision a-t-elle été librement prise ou commanditée par une quelconque officine ? Les interrogations sont fort nombreuses. Néanmoins, faisons dans la bouteille à moitié pleine pour faire un petit ban devant cette annonce. Du moment que la partition du Nord et le langage des armes ne seront plus d’actualité, disons qu’avec la force de l’argument et non l’argument de la force, tout est permis. Le plus difficile pour cette nouvelle entité, c’est de pouvoir fédérer les autres mouvements touarègues, pour plus d’harmonie. Il faudra ainsi rallier les autres tendances, sécessionnistes, que sont le MNLA (Mouvement national pour la libération de l'Azawad), le MIA né d'une scission d'Ansar Dine, et le MAA (Mouvement arabe de l’Azawad). Avant que la paix ne pointe à l’horizon, il faudra donc beaucoup mouiller le turban, surtout avec ces groupes qui se reproduisent par scissiparité, sans qu'on ne puisse distinguer le bon grain de l'ivraie.
Avec le cas Azawad et ses Hommes bleus du désert en effet, il faut toujours apporter un petit bémol dans la jubilation. Dieu seul sait combien d’accords ont été signés pour régler le cas du septentrion malien. Dans ce paysage désertique, les gros grains de sable et les mirages sont légion. Si bien qu’on ne sait plus à quelle tribu se fier et de quel groupe se méfier. D’où cette exclamation légitime de notre éditorialiste dans une de nos précédentes éditions : «Que veut ce MNLA à la fin?». Comme pour ajouter à la complexité de la situation, rien que le 5 mai dernier, le MAA a fait parler de lui en occupant une ville, Ber, située à 60 kilomètres au nord de Tombouctou, provoquant de vives tensions entre les communautés arabes et touarègues qui l’habitent. Ces combattants arabes affirment vouloir récupérer les biens qui leur auraient été volés par les indépendantistes touaregs du MNLA. Avec ces querelles byzantines, la paix n’est pas pour demain.