C'est en principe dans deux mois que doivent finalement se dérouler les législatives en Guinée : en principe, car l'opposition organise régulièrement, cela depuis plusieurs semaines, des manifestations pour réclamer ce qu'elle appelle des élections "libres et transparentes" et contester la date du 30 juin fixée par le président Alpha Condé pour leur tenue et obtenir le retrait du processus électoral de l'opérateur technique Way Mark, accusé de complicité avec le gouvernement.
Toutes ces protestations de l'opposition ont pratiquement tourné en violences meurtrières au point que le Conseil de sécurité de l'ONU se fût, le 29 avril, inquiété de l'instabilité en Guinée, et ait appelé au calme pouvoir et opposition : ainsi, jeudi 2 mai à Conakry, des affrontements rarement vus dans le pays, dit-on, ont eu lieu entre des milliers de manifestants et les forces de l'ordre, qui ont fait usage de gaz lacrimogènes, de canons à eau chaude, de matraques et même de coups de poings pour venir à bout de la détermination des protestataires qui, chauffés à blanc, tenaient à en découdre avec elles.
Puis les militants des différents bords se sont réglé les comptes dans les quartiers, où des domiciles privés ont été attaqués, même que la police a dû protéger contre une foule en colère des manifestants interpellés. "Nous avons réussi notre manifestation, qui consiste à attirer l'attention de la communauté internationale sur la situation explosive que traverse notre pays, mais aussi à paralyser la capitale", en a dit l'opposition, qui s'en est frotté les mains. Comme si les dizaines de blessés des affrontements du jeudi ne suffisaient pas, au moins deux personnes ont été tuées par balle le lendemain toujours à Conakry ; finalement, puisque, initialement prévues pour avoir lieu le 29 décembre 2011, elles ont été reportées à 2012 par la Commission électorale nationale indépendante pour, après avoir été annoncées pour le 8 juillet 2012, être reculées sine die par Alpha Condé, puis calées au 30 juin par lui.
De quoi rendre sceptique plus d'un quant à la tenue de ces élections en fin juin; seulement Condé étant à deux ans de la fin de son mandat, peut-il se permettre davantage de vide parlementaire, préjudiciable au vote des lois pour gouverner démocratiquement et à l'existence des trois pouvoirs en Etat de droit ? Et puis, pourquoi jouerait-il au pourrissement de son mandat, sur quoi semble tabler l'opposition pour l'empêcher de présider rond, surtout que plus il débande, plus il affaiblit son autorité.
Du coup, autant on a déploré jusque-là la difficulté de Condé à endosser sa tunique d'homme d'Etat, autant on ne peut que désormais condamner l'irrédentisme de l'opposition. On est d'autant plus déçu de son leader Cellou Dalein Diallo qu'après avoir apaisé la situation postélectorale en Guinée en reconnaissant sa défaite, qui n'était pourtant pas évidente, il donne depuis l'impression de ruminer encore et encore son échec.
Résultat de cette contestation à tout-va de l'opposition, les débats sont menés dans la rue avec des blessés et des morts à la clef, ainsi que le risque de tenir ces législatives dans le chaos. A moins que Condé ne satisfasse les deux exigences de ses opposants.
En attendant, c'est la résolution des problèmes cruciaux des Guinéens qui est reporté aux calendes grecques : vie chère, accès à l'électricité et à l'eau potable, question des routes et de l'exploitation minière. Si ce n'était que cela, passe encore, car l'armée pourrait bien reprendre le pouvoir ne serait-ce que pour remettre de l'ordre dans le pays.