Donnez-vous un peu de la peine, et parcourez l’histoire politique des Etats postcoloniaux africains, des indépendances à nos jours ! Tentez de chiffrer le nombre de « tentatives » de coups d’Etat, de complots déjoués contre tel ou tel régime ! Malgré toute votre bonne foi, et malgré la lumière étincelante de votre intelligence, vous y perdriez votre latin. Car, il y a longtemps, en Afrique subsaharienne, certains régimes aux abois ont fait de la vision complotite de l’histoire, leur bien le plus précieux.
Après l’odyssée militaire victorieuse de l’armée tchadienne au Nord-Mali, l’Afrique toute entière, mais aussi le monde, a les yeux fixés sur Idriss Déby Itno. En envoyant ses soldats débouter les Djihadistes du Nord-Mali, le président tchadien a posé un acte de grand courage politique. Et le peuple tchadien a éprouvé et continue d’éprouver une fierté pure par rapport à la bravoure des soldats de leur pays. Déby est donc apparu, sur le continent africain comme, une personnalité d’exception. Mais récemment, le président Déby mettait en garde les dirigeants libyens contre des « tentatives » de déstabilisation orchestrées, à partir de ce pays par des rebelles tchadiens visant à abattre son régime.
Par conséquent, pour le pouvoir tchadien, la menace majeure qui le vise, est essentiellement extérieure. Et quand on connaît bien l’histoire du Tchad, Déby n’a pas si tort, car le voisin libyen, sous l’ère Kadhafi, avait pris l’habitude de venir répandre le désordre et la désolation en terre tchadienne, aidé par des citoyens tchadiens en rupture avec leur pays. Or, en se réveillant avant-hier matin, grâce aux organes et médias d’Etat, les Tchadiens découvrent que le régime du président Déby vient de déjouer une « tentative » de coup d’Etat. Et, à l’heure actuelle, les arrestations de chefs militaires, ainsi que de responsables politiques civils se multiplient : ils sont considérés comme les acteurs présumés de cette « tentative » de coup d’Etat. Cette fois-ci, les déstabilisateurs viennent de l’intérieur et non de l’extérieur du pays.
Au Tchad même, face à une telle nouvelle, tout le monde exprime son étonnement. Autrement dit, pour les Tchadiens, sous les apparences d’un régime solide, dans leur pays, les choses, en vérité, vont mal. Dans ce genre d’affaire, qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux, on ne le saura jamais. Et c’est ce qui alimente toutes les hypothèses des plus farfelues aux plus sérieuses.
Est-ce une gigantesque mystification de plus montée de toutes pièces par le régime Déby ? Si oui, rien n’indique qu’un jour elle ne se découvrira pas. Mais si cette « tentative » de coup d’Etat s’avère vraie, après enquêtes, elle ne peut que susciter interrogations et questions. Car, dans ce cas, elle montre que le système Déby n’est pas aussi politiquement et sécuritairement aussi bétonné comme on l’a souvent prétendu. Et que la fameuse mainmise totale de Déby sur l’armée tchadienne relève du mythe. Chose étrange, le système Déby, en réalité, reste encore dominé par le militaire et non le politique. Déby reste un militaire dans toute son âme, et le Tchad qu’il dirige, après tant d’années, n’est pas encore un Etat démocratique. Mais en vérité, qui en veut à Déby ? A cette question, aucune réponse ne sera satisfaisante. Mais ce qui est sûr, quelle soit vraie ou fausse, cette « tentative » de coup d’Etat avortée, doit amener le président tchadien à se dévoiler à lui-même. Pourquoi ? Parce qu’il faut arrêter l’infantilisation du peuple tchadien. Déby doit songer à sa retraite politique, lui qui devra laisser aux Africains l’exemple et le souvenir de sa remarquable vision politique et stratégique dans la crise malienne. Pour ce faire, Déby mérite le respect. Mais le Tchad, sous son long règne est en train de devenir le pays brumeux des songes. Oui, le président tchadien a encore la vie devant lui. Alors, qu’il songe à quitter l’agitation du monde politique tchadien pour une retraite champêtre, en faisant paître son troupeau à l’ombre des arbres. Sinon hier, aujourd’hui et demain, il n’est pas à l’abri du pouvoir des armes. Une triste constante de l’histoire tchadienne !