Les ministres en charge des Finances de la zone franc se sont retrouvés à Ouagadougou, le 17 avril 2009, pour trouver des remèdes à même de permettre à leur zone de supporter les contrecoups de la crise financière. La rencontre a enregistré la participation de la ministre française de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi.
La zone franc s’arme contre les effets de second tour de la crise financière. Ses ministres en charge des Finances se sont concertés dans la capitale burkinabè en vue de mettre leur zone à l’abri de la crise. En cela, ils ont convenu de renforcer la gestion macro-économique. La zone franc est appelée aussi à miser sur la mobilisation des ressources internes en raison du fait que l’aide publique au développement connaîtra probablement un effritement à cause des difficultés que les pays donateurs rencontrent du fait de la crise. Car ces derniers injectent des sommes colossales pour relancer leurs économies et rétablir la confiance, créant ainsi des déficits budgétaires abyssales. Et la prévision de la chute de la croissance du Produit intérieur brut de 6,3% l’année dernière à moins de 3,3 % en 2009 semble préfigurer l’ampleur des dégâts de la crise qui pourraient ainsi compromettre l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement. C’est pourquoi, la réunion des ministres de la zone franc préconise, face à l’effondrement des cours des matières premières et la raréfaction des flux financiers, d’améliorer et de renforcer l’efficacité de la dépense publique en l’orientant vers l’investissement et le social. “Il faut qu’on compte beaucoup plus sur les recettes internes pour financer le développement. Nous devons aussi poursuivre nos investissements dans l’agriculture pour accroître les productions locales. Parce que si nous devons vivre d’importations, cela voudrait dire que nous ne sommes pas à l’abri des surprises”, a soutenu le ministre burkinabè de l’Economie et des Finances, Lucien Marie Noël Bembamba. La crise a révélé l’urgence pour la zone franc, de mobiliser davantage les ressources internes pour financer le développement. C’est cette batterie de mesures qui doit permettre à la zone de contenir les impacts de la crise car contrairement à 2008, l’année 2009 s’annonce difficile. “Il y a beaucoup d’incertitudes vu la manière dont la crise se développe. Le resserrement du crédit, la baisse de la demande mondiale (...) auront un impact sur nos économies”, a reconnu le ministre Bembamba, ajoutant que “nous avons des appréhensions sur les flux des migrants”. En effet, du fait de la crise, le transfert net de capitaux des migrants vers les pays en développement va chuter de 650 milliards de dollars en 2007 à 120 milliards en 2009. On sait aussi que la baisse de l’activité économique couplée à un resserrement du crédit va induire un repli des investissements. Mais, la bonne nouvelle découle du fait que les banques continuent de rester saines. “Nous avons vérifié, contrôlé et recontrôlé, il n’y a pas d’effets toxiques dans les entrefaits de nos banques. Elles souffrent des difficultés dues à la raréfaction de la demande extérieure et des arriérés internes de l’Etat vis-à-vis des entreprises. Nous attirons d’ailleurs l’attention des autorités sur la question”, a rassuré le gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Philippe-Henri Dacoury-Tabley. Pour lui, quand l’Etat va se mettre à payer sa dette intérieure, cela va relancer la machine. Toutefois, le gouverneur de la BCEAO qui s’exprimait au cours de la conférence de presse qui a suivi la réunion des ministres, a mentionné que c’est par la baisse des recettes d’exportations que la crise pénètre la zone franc. Car les filières agricoles traversent une impasse à cause de l’effritement de la demande mondiale. Ainsi, l’évolution des cours des matières premières entre février 2008 et février 2009 montre clairement une tendance baissière. Exceptés les prix du cacao (+ 6,2 %), du riz +27,6 % et de l’or + 2,1 % ), ceux des autres matières premières ont dégringolé, atteignant des records de
- 54, 8 % pour le blé, l’uranium, -58, 2%, l’huile de palme -50,1 %.
La zone franc attend du “concret” du FMI
Face à ces effets de contagion, la ministre française de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, Christine Lagarde soutient que son pays s’efforce par tous les moyens, dans toutes les instances, à porter la voix de l’Afrique et de la zone franc chaque fois que c’est possible.
Rendant compte aux ministres des conclusions de la récente réunion du G20 à Londres (Grande Bretagne), Mme Lagarde a appelé la zone à limiter les aléas baissiers qui sont les résultats de la crise: “il faut que tous ensemble, on arrive à relancer nos économies et à réguler nos systèmes financiers”. Tenue entre le Sommet du G20, le groupe des pays les plus riches de la planète et les Assemblées générales (FMI, Banque mondiale...) de Washington, la réunion des ministres a réfléchi à la façon dont la zone franc peut se servir utilement des conclusions du G 20. “Le résultat du G 20 qui triple les ressources du FMI, qui double les prêts concessionnels, pourra bénéficier en priorité à l’Afrique subsaharienne, et nous l’espérons, bien sûr, aux pays de la zone franc. La France soutient le développement de la zone. Nous avons décidé de doubler la partie africaine de notre aide publique au développement. L’Agence française de développement a la mission de développer les programmes en liaison avec le secteur privé (...) à développer de l’activité économique sur le terrain”, a laissé entendre Mme Lagarde. Mais, en même temps, elle a fortement déconseillé les Etats à ne pas se servir des facilités offertes par les institutions de Bretton Woods pour aller à l’endettement incontrôlé. La ministre française en charge de l’Economie prône a contrario une soutenabilité de la dette. Réfutant toute augmentation de salaires comme remède aux impacts de la crise, elle préconise plutôt la promotion de l’investissement dans les petites et moyennes entreprises en vue d’avoir des effets multiplicateurs. Si la zone franc salue les mesures innovantes de soutien au FMI et à la Banque mondiale, de relance de l’économie et de stabilisation du système financier, il n’en demeure pas moins qu’elle insiste sur l’urgence de la mise en œuvre de ces initiatives. Les ministres en charge des Finances appellent ainsi à définir concrètement les modalités de leur application. Ils projettent de saisir à cet effet, le FMI et la Banque mondiale pour mieux connaître les modalités d’accès aux ressources. “C’est la concrétisation des mesures qui préoccupe la zone franc”, a observé Lucien Marie Noël Bembamba. Par ailleurs, la zone franc souhaite voir se renforcer les ressources de la Banque africaine de développement en vue de soutenir les pays dans leur élan de développement.