Un dimanche électoral sur le continent. C’est ainsi que l’on pourra qualifier la journée d’hier 25 octobre 2015 dans trois pays africains. Les Ivoiriens ont été appelés à choisir leur président pour les cinq prochaines années, au cours d’un scrutin dont le réel enjeu semble être le taux de participation. En effet, sauf cataclysme, le président sortant, Alassane Ouattara, candidat à sa propre succession, peut être sûr de l’emporter face à 6 adversaires, pour la plupart, des poids mouches. Celui qui aurait pu honorer le titre de challenger, Pascal Affi N’Guessan du Front populaire ivoirien (FPI), est fragilisé par la division au sein de son parti. Le candidat Ouattara, qui peine à cacher sa sérénité, pense déjà à son second et dernier mandat constitutionnel. Evoquant son projet d’une nouvelle loi fondamentale ivoirienne afin, dit-il, « d’y enlever tous les germes potentiellement conflictuels … », il a promis que la clause sur le quinquennat renouvelable une fois ne sera pas modifiée.
Au Congo, Denis Sassou Nguesso, lui non plus, n’a pas vraiment à s’apeurer quant aux résultats du référendum. Il obtiendra le feu « vert », l’expression du oui, pour tailler la constitution congolaise à sa mesure. Ainsi, celui-là même qui cumule plus de 30 ans (1979-1992) et (1997-2015) de pouvoir, pourra dynamiter les deux verrous qui l’empêchent actuellement de briguer d’autres mandats : la limite d’âge et celle du nombre des mandats présidentiels. Et cela, en dépit d’une farouche opposition dans les rues d’une bonne partie de ses compatriotes à son projet de tripatouillage constitutionnel. A ce stade, on imagine très mal comment ce fou du pouvoir pourrait se laisser surprendre par des bulletins rouges, synonymes du « non » dans les urnes. N’oublions pas que ses doigts, par le truchement de ses forces de défense et de sécurité, n’ont pas été tendres sur la gâchette quand il s’est agi de réprimer les opposants au pouvoir forever. Quatre personnes selon les autorités de Brazzaville, cinq fois plus, estiment les manifestants, sont tombées et de nombreuses autres ont été blessées. Pour sûr, cette guerre des chiffres ne peut pervertir la réalité. C’est avec du sang de ceux qu’il est censé servir que Sassou Nguesso compte se dérouler à nouveau le tapis rouge vers le « palais du peuple », la présidence congolaise. Toute personne dotée d’un minimum de lucidité et de décence, reste subjuguée devant cet entêtement. Que peut convoiter encore ce septuagénaire qui a passé près de la moitié de sa vie à jouir des délices du pouvoir en Afrique : honneurs, privilèges, argent, etc. ? Ou se croirait-il investi d’une mission messianique pour le Congo ? Le fait de devoir continuer à subir sur le continent les errements de chefs d’Etat qui s’estiment irremplaçables, assombrit dangereusement l’avenir de l’alternance, l’une des conditions d’une démocratie véritable. Toutefois, l’espoir n’est pas enterré. Les Burkinabè, à travers la rue, ont réussi l’exploit, par deux fois, en l’espace d’une année, à dire non franchement et fermement à des pratiques anti-démocratiques. Si ce cas d’école n’est pas reproductif à souhait, il a eu le mérite de montrer la voie à suivre : seul le peuple dispose du pouvoir réel et est maître de son destin. Aussi, au moment où Sassou Nguesso se refuse toute autre vie que celle de président, le chef de l’Etat de la Tanzanie, Jakaya Kikwete, va, dans les jours à venir, céder son fauteuil. En effet, après deux mandats, il a accepté le terminus que lui fixe la Constitution. Bien d’autres anciens présidents africains mènent dignement leur vie après le pouvoir qu’ils ont laissé à l’issue de leurs mandats constitutionnels. C’est la preuve que ça ne tue pas… mieux, ça grandit
Par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
rabankhi@yahoo.fr