A moins d’un improbable rebondissement dans le bras de fer entre partisans et opposants à la révision constitutionnelle au Congo Brazzaville, le référendum voulu par le clan présidentiel aux fins de consacrer la rééligibilité du président Sassou Nguesso, sera organisé le 25 octobre prochain.
Ni les violentes marches de l’opposition, ni la répression aveugle des manifestants par les forces de l’ordre congolaises, encore moins les condamnations de certains partenaires et amis du Congo ne semblent, en effet, dissuader Sassou Nguesso et sa clique de soumettre à leurs concitoyens ce projet de Constitution porteur d’incertitudes et potentiellement dangereux pour la paix sociale et la stabilité de leur pays.
Après tout, la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts
Certes, depuis le fameux dialogue inclusif de Sibiti en juillet dernier, initié par le septuagénaire président « pour faire évoluer les institutions de la République », on n’avait plus de doute sur ses intentions de s’éterniser au pouvoir. Mais l’on se demandait bien s’il allait prendre le risque d’opérer le passage en force, surtout que l’un de ses homologues, Blaise Compaoré en l’occurrence, était passé à la trappe dans les mêmes circonstances, il y a moins d’un an. L’on était d’autant plus fondé à se poser cette question que même la France, puissance tutélaire de la quasi-totalité des pays francophones d’Afrique, avait joint son « cocorico » aux nombreuses voix qui avaient salué le courage du peuple burkinabè pour avoir refusé une forfaiture similaire en octobre de l’année dernière. On se rappelle, en effet, que quelques semaines après « la fugue » de Blaise Compaoré, c’est un Michel Kafando, président de la Transition burkinabè triomphant, qui avait été accueilli au sommet de la Francophonie de Dakar, avec un François Hollande intarissable d’éloges pour le peuple et la jeunesse burkinabè. Le président français a été si dithyrambique que certains chefs d’Etat présents dans la salle et qui voyaient plus loin que la durée de leur mandat, ont pensé que derrière les propos aimables du « Gaulois » vis-à-vis du Burkina Faso, se cachaient de sévères mises en garde contre leurs ambitions de mourir au pouvoir. Le président congolais s’était senti d’autant plus « morveux » qu’il s’était ostensiblement « mouché », en snobant la cérémonie de clôture du sommet. Si on ajoute à cette saute d’humeur de Sassou Nguesso les nombreuses visites de François Hollande sur le continent en prenant à chaque fois le soin d’éviter Brazzaville, on serait tenté de croire que ce « président normal » a véritablement tourné la page des réseaux et de la Françafrique comme lui-même l’avait clamé au lendemain de son élection.
Mais chassez le naturel, il revient au galop, dit-on. On a, dans le cas d’espèce, malheureusement eu la preuve, le 21 octobre dernier, avec les propos tenus par François hollande au sujet du référendum congolais et selon lesquels "le président Sassou peut consulter son peuple, ça fait partie de son droit et le peuple doit répondre". L’ancien président burkinabè Blaise Compaoré a dû fulminer en écoutant le président français ; lui à qui ce dernier avait pour ainsi dire dénié ce droit, il y a à peine un an ! Pour l’opposition congolaise et les démocrates africains, c’est une véritable douche écossaise qu’ils viennent ainsi de prendre, les espoirs suscités par le discours tenu à Dakar par François Hollande il y a à peine un an, s’étant ainsi noyés dans le fleuve Congo, certainement à cause des intérêts économiques de la France que Sassou Nguesso protégera davantage, en guise de reconnaissance pour les bons et loyaux services que cette dernière lui a rendus en soutenant son aventure référendaire. Après tout, la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts, de l’aveu même du Général De Gaulle.
Les démocrates congolais doivent continuer la résistance
Souffrons donc que face aux violations de l’ordre constitutionnel en Afrique, François Hollande soit ambivalent et ait une appréciation à géométrie variable, selon qu’il s’agit d’un pays enclavé comme le Burkina, ou d’un pays où le pétrole coule à flot comme le Congo Brazzaville. Et c’est justement pour être dans les grâces de Paris et pouvoir, de ce fait, conserver et jouir impunément de leurs privilèges indûment acquis, que beaucoup de chefs d’Etat africains se comportent comme des laquais locaux de la France, souvent au grand dam de leurs propres concitoyens. Sassou Nguesso, qui est riche d’une expérience présidentielle d’une trentaine d’années, sait mieux que quiconque que la non-ingérence prônée par François Hollande dans les affaires des anciennes colonies françaises, n’est ni plus ni moins qu’une hypocrisie, pour ne pas dire une arnaque politique, et que les soutiens affichés aux sociétés civiles africaines pour une démocratisation véritable et intégrale du continent, risquent de mourir dans les limbes à chaque fois que la France n’y trouvera pas ses intérêts.
Les Africains gagneraient à intégrer cette donne dans leur quête d’alternance au sommet de leurs Etats respectifs, et à ne pas toujours compter sur les discours lénifiants et bien souvent paternalistes de la France. Pour ceux qui en doutaient encore, François Hollande vient, à travers la crise congolaise, de leur en administrer la preuve en tombant le masque. Mais comme le pouvoir appartient au peuple, les démocrates congolais doivent continuer la résistance afin d’empêcher leur « Nkurunziza local » de savourer pour longtemps la victoire qu’il pense d’office acquise depuis qu’il a reçu le soutien tacite et anachronique du président français. Après tout, le peuple burkinabè n’a pas attendu que la France enjoigne leur ex-président de débarrasser le plancher avant de lui montrer la déshonorante porte de sortie le 31 octobre 2014. Après tout, le peuple congolais doit savoir que Sasssou a trop de fantômes à ses trousses et que céder volontairement le pouvoir reviendrait à signer sa propre mise à mort physique et politique. En effet, les disparus du Beach, l’affaire des biens mal acquis, le drame de Mpila, etc., sont autant d’affaires ténébreuses, de fautes morales qui turlupinent la conscience de l’homme fort de Brazzaville. Il n’y a donc que le pouvoir congolais dont la grande majorité est perçue par le dinosaure politique de l’Afrique centrale, comme du bétail électoral, qui pourrait le sauver ne serait-ce que momentanément, des griffes acérées du sort impitoyable qui l’attend. Car, on ne triomphe jamais du peuple et la liberté est invincible.