Plus d’un an après la mort du dictateur Mouammar Kadhafi et la chute de son régime, la Libye peine à retrouver la stabilité. En tout cas, jusque- là, des Libyens continuent à résoudre leurs problèmes à coups de canon. Les milices armées de pied en cap qui ont encerclé le ministère des Affaires étrangères, mais aussi celui de l’Intérieur et le siège de la télévision nationale libyenne, nous en donnent la preuve. En fait, depuis que les Libyens ont connu les vertus des armées qui leur ont permis de faire passer au guide le goût du pain, ils pensent que tous les problèmes peuvent et doivent être réglés par les armes. La purification de l’administration de tous les anciens collaborateurs de Kadhafi que les milices réclament est, disons-le sans ambages, irréaliste. Peut-on d’un coup de bâton magique mettre à l’écart tous les gens qui ont servi un régime qui aura passé 40 ans à rendre oppidum son administration ? Certes, il y a des partisans de Kadhafi qui nourrissent toujours le secret espoir de renverser par les armes le système de gouvernance en place. Mais est-ce une raison suffisante d’en vouloir à tous ceux qui ont servi l’appareil dictatorial du guide ? La réponse semble négative car il y a des citoyens, fussent-ils de hauts fonctionnaires, qui ne demandent qu’à servir leur pays. Du reste, les vrais caciques de l’ancien régime ont tous, ou presque, été arrêtés ou vivent dans la clandestinité. A vrai dire, la Libye n’a pas besoin pour l’heure d’une purification de son administration mais plutôt de la contribution de tous ses fils à sa reconstruction. On a l’impression que ces milices sont de simples carriéristes qui cherchaient à se tailler une place au soleil et qui, malheureusement, n’y sont pas parvenues, d’où cette revendication extrémiste. Sinon qu’il y a des préoccupations plus urgentes auxquelles la Libye doit apporter des solutions. Il n’y a pas d’armée, les institutions républicaines ne sont pas encore en place. Le désarmement de toutes les milices et la réconciliation qui peine à être effectifs sur le terrain, constituent des problèmes majeurs dont la résolution pourrait offrir au pays une nouvelle ère. En somme, un Etat où il fait bon vivre. L’attitude des milices n’est autre que le comble de l’anarchie. Et le plus regrettable dans tout cela, c’est l’incapacité des autorités libyennes ou la mollesse de celles-ci à réagir vigoureusement face à ces terroristes qui empêchent la Libye de faire sa mue. C’est la preuve d’un Etat inexistant. On se rappelle que les députés avaient été récemment eux aussi encerclés par des manifestants très violents, dont les revendications portaient sur l’adoption rapide de la loi d’isolement politique des anciens collaborateurs de Kadhafi. On se demande finalement qui dirige la Libye. Y a-t-il un capitaine dans le navire ? Rien n’est moins sûr. Dans les autres pays où il y a eu le printemps arabe, tels que la Tunisie et l’Egypte, on assiste souvent à des manifestations mais non armées. Le cas de la Libye démontre la difficulté que les nouveaux dirigeants ont à gérer l’héritage du Guide de la révolution de la Jamahiriya. Lui qui a laissé une armurerie géante à ciel ouvert où les terroristes et fauteurs de troubles de tout acabit peuvent se servir. Avec les troubles à répétition à Tripoli, on a bien envie d’accorder du crédit aux allégations du président tchadien Idriss Deby selon lesquelles les djihadistes qui ont fui le Nord-Mali se sont réfugiés en Libye. Il est plus que jamais urgent que les autorités libyennes ouvrent l’œil et le bon. Il est vrai que le soutien de la population qu’elles demandent pour mieux faire face aux milices n’est pas à négliger mais la défense de l’intégrité du territoire leur incombe. En tous les cas, si elles ne veulent pas que le sang versé soit vain, elles doivent lutter efficacement contre toutes les formes d’insécurité dans le pays.