La tension était montée d’un cran à Diffa, au Niger. Des jeunes en colère ont manifesté leur mécontentement vis-à-vis de la société chinoise China National Petroleum Corporation (CNPC) basée à Niamey, la capitale. Ils dénoncent les conditions de travail particulièrement injustes et les méthodes des agences de placement de main-d’œuvre. De quoi obliger le gouvernement nigérien à sortir de sa réserve, tant ce mouvement de révolte ressemblait à une véritable insurrection qui, en si peu de temps seulement, a essaimé plusieurs localités. Il y avait donc urgence pour le Premier ministre nigérien Rafini Brigi et son gouvernement d’agir, eux qui, pour faire baisser la tension, ont dû faire beaucoup de concessions. Car illico presto, le gouvernement a ordonné la libération immédiate et sans condition de tous les manifestants arrêtés et proposé la mise en place d’un comité technique pour étudier toutes les revendications des manifestants. C’est une démarche louable s’il en est, puisque sous d’autres cieux, on aurait laissé pourrir la situation avant d’intervenir en proposant des solutions cosmétiques comme un cautère qu’on applique sur une jambe de bois. Il revient donc au gouvernement nigérien de faire preuve de clairvoyance en examinant, comme il l’a promis et avec sollicitude, toutes les revendications des jeunes s’il ne veut pas un jour être accusé de connivence avec la société chinoise décriée. Car, on le sait, la stratégie de lutte des dirigeants en Afrique consiste à déplacer les problèmes ou à les ramener à une date ultérieure, oubliant que tôt ou tard, ils finiront par être rattrapés. De toute évidence, ce qui vient de se passer au Niger n’a rien d’étonnant. La question du recrutement et du traitement des agents dans les entreprises minières étrangères constituent un problème général. Car dans bien des pays, le constat est le même. Si fait que l’on se demande parfois si ce sont les gouvernants qui laissent faire ou bien ce sont les entreprises minières elles-mêmes qui choisissent d’en faire à leur tête. On l’a vu récemment en Afrique du Sud où, pour avoir réclamé de meilleures conditions de vie, bien des mineurs ont payé le prix de leur vie. Il en est de même au Burkina où, l’on a plusieurs fois assisté à des manifs violentes qui ont souvent occasionné le saccage de certaines sociétés minières. Le dernier cas en date est celui de Sabcé où les populations ont exigé de la mine en place qu’elle recrute la main-d’œuvre locale. Y a-t-il oui ou non un cahier des charges que doivent respecter les sociétés minières, est-on tenté de se demander ? Qu’est-ce qui peut donc justifier pareille pagaille ? Il faut très vite trouver une solution à ce récurrent problème de recrutement de la main-d’œuvre locale si l’on ne veut pas que ce qui constitue aujourd’hui une bénédiction se mue subitement en une malédiction. On l’a déjà vu avec le pétrole dont l’avènement dans certains pays a été à l’origine des rébellions ou des guerres de sécession. Attention donc à la malédiction de l’or !
Le drame, c’est que très souvent pour attirer la sympathie des populations locales, les responsables miniers promettent ciel et terre alors qu’au résultat, on ne voit rien. Quand on fait comprendre aux populations locales que les retombées de la mine implantée dans leur terroir profiteront à elles d’abord, on ne doit donc pas s’étonner que celles-ci se jettent dans la rue, si elles se rendent compte qu’on leur a fait avaler des couleuvres. C’est dire donc que c’est la franchise qui manque souvent le plus ; d’autant que ne pouvant pas employer tous les jeunes d’une localité, les entreprises sont parfois contraintes de sérier en axant leur choix sur des compétences. Or, ils sont nombreux, les jeunes qui caressent le secret espoir de travailler dans une mine, alors qu’ils n’ont aucun profil, pas même celui d’un aide-concasseur. Et ces gens-là, on le sait, sont des marionnettes que certains hommes politiques actionnent quand ils veulent parfois assouvir leurs sombres desseins. Et ils sont nombreux, ces politiciens qui excellent dans les calculs à la petite semaine, même si, à leur décharge, on reconnaît que certaines sociétés minières prêtent aussi parfois le flanc. Car il y a fort à parier que si elles n’étaient pas contraintes, certaines entreprises étrangères pousseraient l’outrecuidance jusqu’à l’extrême en important la quasi-totalité de leur main-d’oeuvre. Une telle pratique, bien entendu, ne permettrait pas de valoriser l’expertise locale.