C’est inédit. Dans l’histoire politique de Madagascar, rarement, sinon jamais on n'aura vu une si forte inflation de candidats à une présidentielle : en effet, ils sont exactement 49 à avoir déposé leur acte de candidature auprès de la Cour électorale spéciale (CES). Désormais la tâche revient aux huit magistrats membres de ladite Cour de dire qui sera candidat ou pas.
Si au nombre de ces postulants, 30 représentent des partis et formations politiques, les 19 autres, eux, se présentent à titre individuel en faisant prévaloir leur donne personnelle.
Une sorte de melting-pot que ces prétendants à la magistrature suprême de la Grande Ile, où se côtoient dans une joyeuse pagaille des membres des institutions de la transition, des officiers généraux retraités, des simples quidams, des artistes, des "envoyés de Dieu", des anciens ministres et Premiers ministres voire un ancien chef d’Etat.
Si les deux ennemis jurés de la scène politique malgache, en l’occurrence Marc Ravalomanana et Andy Rajoalina, se sont abstenus de faire acte de candidature tout en guerroyant par procuration, la page insolite de cette présidentielle sera sans doute écrite par Didier Ratsiraka, 76 ans, qui aura présidé aux destinées de la nation malgache vingt années durant.
Bien que diminué physiquement, avec une acuité visuelle défaillante, l’ancien «amiral rouge», comme on l’appelait du côté de la Grande Ile, qui vient de rentrer d’un long exil de onze ans en France, vise un troisième mandat. Ce qui est loin d’être un acquis. On se souvient que c’est contraint et poussé à bout par l’industriel Ravalomanana que Ratsiraka avait daigné quitter les lambris du pouvoir en 2002.
Condamné par la suite par contumace en 2003 à dix ans de travaux forcés pour détournement de fonds, il n’avait eu le salut qu’en s’exilant dans l’Hexagone. C’est dire qu’au strict plan judiciaire, la fatwa qui planait au-dessus de la tête de celui qui s’était emparé du pouvoir d’Etat à Madagascar en 1975 n’est pas officiellement prescrite.
Alors, serait-ce un argument suffisant pour rejeter sa candidature ?
Peut-être pas, mais un motif de rejet pourrait se trouver ailleurs, vu que la loi fixant condition d’éligibilité du président de la république impose d’avoir résidé à Madagascar depuis au moins six mois avant la clôture du dépôt des candidatures.
Alors Ratsiraka, qui vient à peine de fouler le sol malgache après plusieurs années d’absence, aura-t-il sa candidature acceptée ?
Dans l’intérêt de la paix sociale, on pourrait bien fermer les yeux là-dessus afin d’aller à l’essentiel : quitter enfin ce long tunnel de la transition. Surtout que, à en croire l'ex-homme fort du pays, sa motivation n'est pas la reconquête du pouvoir : "C'est vrai que ma candidature a peu de chance d'aboutir. Mais elle va faire taire certaines critiques concernant mon âge ou ma prétendue volonté d'encourager le report des élections". Parole de vieil amiral.