Ceci est une analyse juridique sur l’affaire Planor Afrique et TELECEL FASO contre ETISALAT et atlantique TELECOM suite à la décision du 28 mars 2013 rendue par la Cour de cassation française. En effet, dans notre édition d’hier lundi 29 avril 2013, nous avons repris un article de Jeune Afrique n°2728 du 21 au 27 avril 2013, dont texte suit : « Alors qu’il doit encore verser, d’ici au 13 mai, plus de 33 millions d’euros à l’Etat malien pour la troisième licence de téléphonie mobile, Apollinaire Compaoré a subi une sérieuse déconvenue à Paris. L’homme d’affaires burkinabè, qui se dispute depuis plusieurs années avec Etisalat le contrôle de Telecel Faso, navire amiral de son groupe, a, en effet, perdu, le 28 mars, une manche décisive. En retoquant des décisions de tribunaux français en sa faveur, la Cour de cassation a rouvert la possibilité pour Etisalat de devenir l’actionnaire de contrôle de Telecel. Le cas échéant, on peut douter que les banquiers continuent de soutenir l’aventure malienne de Compaoré ». dans les lignes ci-après, le conseil de Apollinaire Compoaré réagit :
« A la suite de la décision rendue le 28 mars 2013 par la Cour de Cassation française et dont la presse nationale et internationale en ont une analyse erronée et fort préjudiciable aux intérêts de PLANOR AFRIQUE et TELECEL FASO, il a paru opportun de restituer la vérité du dossier notamment quant aux conséquences de cette décision sur PLANOR AFRIQUE et TELECEL FASO. Certaines décisions n’ont a priori qu’un relatif intérêt, ne serait-ce que parce qu’elles ne présentent pas l’attrait de la nouveauté et qu’elles s’inscrivent dans une jurisprudence constante et dépourvue d’originalité. Pourtant, elles revêtent parfois un intérêt pédagogique, pourrait-on dire, parce qu’elles donnent l’occasion de revenir utilement sur des principes et constantes qui sont malheureusement galvaudés dans un but de nuisance par des pseudo- analystes. Pour faire une appréciation objective de l’affaire PLANOR AFRIQUE et TELECEL FASO contre ATLANTIQUE TELECOM et ETISALAT, il convient de situer le contenu exact de la décision du 28 Mars 2013, avant d’analyser sa portée et ses implications pour PLANOR AFRIQUE et la société TELECEL FASO.
I. CONTENU DE LA DECISION DU 28 MARS 2013
La décision en cause a été rendue par la première chambre civile de la Cour de Cassation française. Il convient donc en premier lieu de déterminer quelles ont été les parties à la procédure ayant abouti à cette décision, et ensuite, d’exposer l’objet de leur litige. Dans cette procédure initiée par-devant la Cour de Cassation française, le litige portait sur une affaire opposant la société ATLANTIQUE TELECOM aux sociétés PLANOR AFRIQUE et TELECEL FASO. Ainsi, et contrairement aux informations données par une certaine presse, la société ETISALAT n’est pas directement impliquée dans ladite procédure. En conséquence, il est aisément notable que la présente décision ne peut avoir pour objet de purger une prétendue « dispute d’actionnaires » entre la société PLANOR AFRIQUE et la société ETISALAT. A ce propos, la question de l’actionnariat a été définitivement tranchée par les juridictions nationales et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (CCJA) à travers les décisions d’exclusion de la société ATLANTQUE TELECOM du capital de TELECEL FASO.
Revenant à la décision du 28 mars 2013 ? celle-ci a eu pour objet l’annulation d’une décision rendue par le tribunal de grande instance de Paris le 29 juin 2011, laquelle décision conférait l’exéquatur à deux décisions burkinabés, respectivement rendues le 27 février 2008 par le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou et le 15 mai 2009 par la Cour d’Appel de Ouagadougou. Ces décisions rendues au Burkina avaient annulé l’augmentation du capital social de la société TELECEL FASO, obtenue en violation des droits de la société PLANOR AFRIQUE. Ce sont ces décisions d’annulation de l’augmentation du capital faite en fraude aux droits de PLANOR AFRIQUE qui ont été rendues exécutoire en France à toutes fins utiles. L’exéquatur est une décision qui autorise l’application dans un pays d’un jugement ou un acte étranger. Il permet à une partie qui a obtenu une décision de justice, de la rendre exécutoire dans un pays autre que celui où la décision a été rendue. En termes plus clairs, la décision rendue par la Cour de Cassation française a annulé l’ordonnance qui rendaient exécutoires en France des décisions rendues au Burkina Faso. Aussi, faut-il le rappeler, la société PLANOR AFRIQUE avait demandé que les décisions burkinabés annulant l’augmentation du capital de TELECEL FASO puissent avoir force exécutoire en France. Le Tribunal de Grande Instance de Paris avait fait droit à cette requête. Mais, par décision du 28 mars 2013, la Cour de Cassation a annulé cette décision d’exequatur des décisions burkinabés. Comme on peut aisément le constater, la décision du 28 mars n’est pas de nature à mettre la société PLANOR AFRIQUE en difficulté face à la société ETISALAT en ce qui concerne la question de l’actionnariat de la société TELECEL, qui a été définitivement tranchée tant par les juridictions nationales que communautaires. Ceci étant, il convient à présent d’analyser la portée de cette décision pour la société PLANOR AFRIQUE et les conséquences possibles qu’elle peut avoir sur la direction de la société TELECEL FASO.
II. PORTEE DE LA DECISION DU 28 MARS 2013
Il sera ici question d’une analyse purement juridique de la décision du 28 mars afin de déterminer dans quelle mesure elle pourrait porter atteinte aux intérêts de la société PLANOR AFRIQUE.
1. Motif de la décision du 28 mars 2013 La décision du 28 mars 2013 a annulé la décision autorisant l’exequatur des décisions burkinabés en France, non pas parce que cette demande n’était pas fondée, mais parce que le Tribunal de Grande Instance de Paris n’a pas recherché, avant de statuer, si un protocole d’accord passé entre les parties en date du 05 septembre 2007, n’avait pas déjà l’autorité de la chose jugée en la matière. Elle a donc estimé que ledit tribunal a ainsi violé une règle de procédure française.
C’est ainsi que, la Cour de Cassation qui est par définition la juridiction de contrôle de l’application stricte de la loi, et non pas une juridiction d’appréciation des faits, a annulé la décision du 29 juin 2011 et a renvoyé la cause et les parties pour être rejugées devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre pour ce seul motif. Ainsi, s’il est vrai que la décision du 28 mars 2013 annule une décision qui était favorable à la société PLANOR AFRIQUE, rien ne permet d’affirmer que la demande d’exequatur des décisions burkinabés introduite par la société PLANOR AFRIQUE sera rejetée par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, qui sera amené à réapprécier les faits de la cause.
En conclusion, la décision du 28 mars remet simplement en cause les parties devant une juridiction qui devra se prononcer sur les prétentions et arguments de chaque partie, c’est-à-dire sur le bien-fondé de la demande d’exequatur des décisions burkinabés en France. Dans cette attente, il convient cependant d’exposer les implications réelles ou supposées que cette décision peut avoir sur l’actionnariat de la société TELECEL FASO.
2. Implications de la décision du 28 mars 2013 sur l’actionnariat de la société TELECEL D’aucuns prétendent que la décision du 28 mars 2013 rendue par la Cour de Cassation française, serait défavorable à la société PLANOR AFRIQUE en ce sens qu’elle remet en cause l’actionnariat de la société TELECEL.
Il s’agit là d’une analyse faite sur falsification du droit et des faits parce que, comme il a déjà été amplement démontré, cette décision ne remet nullement en cause l’actionnariat de la société PLANOR AFRIQUE dans la société TELECEL FASO, qui est acquis et consolidé au profit de la société PLANOR AFRIQUE. Ensuite, et quel que soit le verdict que le Tribunal de Grande Instance de Nanterre rendra en ce qui concerne l’exequatur des décisions burkinabés en France, il n’en demeure pas moins, comme énoncé plus haut, que cette question a déjà été définitivement tranchée par les juridictions burkinabés et communautaires. En effet, les décisions burkinabés dont l’exequatur a été demandé en France sont des décisions ayant autorité de chose jugée, c’est-à-dire, que ce sont des décisions devenues définitives que plus rien ni personne ne peuvent remettre en cause. Ainsi, que la justice française décide de leur accorder l’exequatur sur son territoire ou non, il n’en demeure pas moins que la société ATLANTIQUE TELECOM a été exclue du capital social de la société TELECEL FASO par des décisions rendues respectivement les 09 avril 2008 par le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou et le 19 juin 2009 par la Cour d’Appel de Ouagadougou. Ces décisions ayant autorité de chose jugée et ayant déjà été appliquées au Burkina Faso, plus rien ne peut inverser cet état de fait et de droit. Il faut donc retenir que la société ATLANTIQUE TELECOM a été définitivement exclue de la société TELECEL et que la société PLANOR AFRIQUE demeure l’actionnaire majoritaire de la société TELECEL FASO. La société TELECEL FASO étant située au Burkina Faso, aucune décision contraire aux décisions rendues par les juridictions burkinabés ne pourra être exécutée au Burkina Faso à l’encontre de la société PLANOR AFRIQUE, et encore moins dans un Etat membre de l’OHADA car la CCJA a vidé définitivement la question de la contestation portant sur l’actionnariat de TELECEL FASO en date du 31 janvier 2011.
L’actionnariat de la société TELECEL FASO ne pourra donc plus jamais être juridiquement remis en cause entre la société PLANOR AFRIQUE et les sociétés ATLANTIQUE TELECOM et éventuellement ETISALAT. La société PLANOR AFRIQUE et son Président Directeur Général Monsieur Apollinaire COMPAORE n’ont donc nullement perdu une « manche décisive » et n’encourent aucune difficulté quant à la direction de la société TELECEL FASO. Enfin, pour éviter tout équivoque ou malentendu à venir, il convient d’analyser le protocole d’accord intervenu entre la société PLANOR AFRIQUE et les sociétés ATLANTIQUE TELECOM et ETISALAT en date du 05 septembre 2007.
III. DU PROTOCOLE D’ACCORD DU 05 SEPTEMBRE 2007
Ce protocole d’accord, passé entre la société PLANOR AFRIQUE et les sociétés ATLANTIQUE TELECOM et ETISALAT, avait pour objet régler de façon amiable les différends nés de l’actionnariat de la société TELECEL FASO. Pour diverses raisons, ce protocole n’a pas pu être respecté, et la société PLANOR AFRIQUE a opté de s’en référer aux juridictions burkinabés pour voir trancher ce litige définitivement, ce qui a été fait en sa faveur. Mais, la société ETISALAT a pour sa part mis en œuvre une clause compromissoire présente dans ledit protocole. Selon cette clause, si les parties n’arrivaient pas à s’entendre sur les modalités d’exécution du protocole, elles devraient en référer à la compétence de la Cour Internationale d’Arbitrage. Une sentence arbitrale a donc été rendue en date du 09 septembre 2010 obligeant la société PLANOR AFRIQUE à respecter les modalités de répartition des actions de la société TELECEL FASO convenues entre elle et la société ATLANTIQUE TELECOM. Cependant, par décision rendue le 30 novembre 2011, le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou a rejeté l’exequatur de cette sentence au Burkina Faso en ce qu’elle est contraire aux décisions qui ont déjà été rendues en la matière (Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou des 27 février 2008 et 09 avril 2008, et Cour d’Appel de Ouagadougou des 15 mai 2009 et 19 juin 2009). De même, cette sentence qui avait été rendue exécutoire en France par une décision du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 14 octobre 2010, a par la suite été annulée, de même que la décision lui conférant l’exéquatur, par une décision du 17 janvier 2012 par la Cour d’Appel de Paris. Ainsi, ce protocole d’accord et la sentence à laquelle il a donné lieu, ne sont pas de nature à mettre la société PLANOR AFRIQUE en difficulté.
En conclusion, la société PLANOR AFRIQUE et Monsieur Apollinaire COMPAORE ne sont nullement mis en difficulté ou inquiétés par la décision du 28 mars 2013 en l’état actuel des choses, et leur actionnariat dans la société TELECEL FASO ne pourra nullement être remis en cause. Par suite, quand bien même par extraordinaire la justice française venait à accorder l’exequatur au protocole d’accord du 05 septembre 2007 et à la sentence qui en est issue, leur exécution ne pourra jamais être poursuivie au Burkina Faso où se trouve le siège et l’ensemble des actifs de la société TELECEL FASO ni dans aucun autre pays membre de l’OHADA. »
Pour avis juridique Maître Y. Armand BOUYAIN Avocat à la Cour