«Il faut dégraisser le mammouth». Cette locution employée lors d’un conflit avec les enseignants en 1997 par Claude Allègre, alors truculent ministre français de l’Éducation nationale, qui parlait de l’urgence à effectuer un licenciement significatif dans la profession, peut être aujourd’hui appliquée à la Grande Muette. La France va réduire ses effectifs militaires. 24 000 postes doivent être supprimés entre 2015 et 2019.
Quand on sait qu’à chaque poste sont rattachées cinq à six personnes, cela fera au total 74 000 emplois de moins en 12 ans, sur un effectif de 280 000 éléments. La mission de cette nouvelle armée sera essentiellement la protection des frontières du pays et la dissuasion nucléaire. Ça va saigner ! Dans le pays comme à l’extérieur, la décision est acclamée par les uns, critiquée par les autres.
Côté tollé, citons l’ex-ministre de la Défense Gérard Longuet (UMP), qui assure que ces suppressions vont "remettre en cause la capacité d’intervention de notre armée". Membre permanent du Conseil de sécurité, "nous avons une charge particulière, on n’en sera plus à la hauteur", a-t-il estimé. Une décision qui fait donc jaser du côté de la Seine, chez nos ancêtres les Gaulois. Et qu’en serait-il, si elle devait être appliquée en Afrique, notamment subsaharienne et francophone? Le coup de canif dans le budget de la Défense française nous inspire deux constats :
Primo, il est vrai que pour faire passer l’amère pilule, le gouvernement français a rassuré en prévoyant 1 500 éléments des forces spéciales qui seront parachutés à l’étranger en cas de grabuge, mais la décision n’a certainement pas laissé stoïque les gouvernants de ses anciennes colonies. Disons qu’il y a eu de petites frayeurs dans la plupart de nos Républiques qui, le plus souvent, font appel à une armée étrangère, notamment française, pour se protéger de l’envahisseur.
Et en la matière, la déroute de l’armée malienne face aux colonnes islamistes avant l’intervention - oh inespérée ! - des hommes de Hollande n’est pas qu’anecdotique. Elle illustre à merveille cette incapacité de la plupart de nos armées à défendre leur territoire.
Ce qui a suscité cette interrogation de notre confrère Jeune Afrique dans une de ses éditions sous le titre interpellateur: «Armées africaines : pourquoi sont-elles si nulles?». Des soldats de parade, aussi remarquables les jours de défilé qu’inaptes sous le feu, a dit l’auteur du dossier ;
deuxio, le tir de sommation français doit être entendu et nous interpelle sur la nécessité ou non de réduire l’effectif de nos troupes. A défaut de taper dans le tas, un dégraissage qualitatif s’impose. C’est que depuis quelques années, la structure de nos armées tend à avoir une forme de pyramide renversée : base effilée, sommet large. Une situation symptomatique d’une pléthore d’officiers subalternes et d’officiers supérieurs par rapport au reste de la troupe.
Certes, le budget militaire est classé secret-défense sous nos tropiques. N’empêche, l’on n’a pas besoin d’avoir fait l’Intendance militaire pour savoir que la gestion d’une armée exige plus de moyens que la promotion de la culture par exemple. Un général ne vit pas de peu.
Pourtant, il est des pays où les "étoilés" poussent comme des champignons après l’orage. Du temps de son règne, Ahmadou Toumani Touré du Mali a nommé 41 généraux qui sont venus s’ajouter aux anciens que comptait déjà son pays.