Les nouveaux ennuis de santé du président algérien Abdelaziz Bouteflika appellent deux questions essentielles. Et comme bien d’autres observateurs de la scène politique algérienne, « Le Soir d’Algérie », à l’annonce de l’évacuation du président au Val-de-grâce, les pose en ces termes : « Bouteflika est-il toujours en mesure d’assurer ses fonctions jusqu’à la fin de son mandat ? Plus encore, est-il encore concevable d’imaginer sa reconduction pour un quatrième mandat ? » Ces interrogations sont légitimes à plus d’un titre. En effet, il est difficile, en Afrique, de faire foi aux bulletins de santé des chefs d’Etat, quand ils existent. Dans le cas présent, les autorités ont délibérément opté de minimiser le mal dont souffre le chef de l’Etat ; ce qui est compréhensible. Il s’agit avant tout de ne pas créer une situation de panique qui pourrait entraîner une instabilité des institutions, voire leur déstabilisation. Mais il reste à savoir jusqu’où l’on doit aller dans cette forme de communication dont nul n’est dupe qu’elle vise à éviter le fameux mot qui fâche : l’empêchement. En effet, c’est un secret de polichinelle que Bouteflika est malade depuis quelques années. Sauf lors des rechutes graves comme celle qui vient d’avoir lieu, tout est fait comme si le président, du haut de ses 76 ans et après vingt-quatre ans de règne, se portait comme un charme. C’est donc en définitive une vaste escroquerie politique, une illusion vendue aux Algériens sur la santé de leur président. Si l’entourage de Bouteflika continue à le maintenir au pouvoir à bouts de bras, et même à envisager un quatrième mandat à son compteur, c’est bien parce qu’il y a intérêt. On pourrait même à la longue parler d’un vieillard pris en otage par des courtisans, heureux de profiter jusqu’au bout de l’état du président. Cette façon pour la nomenklatura au pouvoir de maintenir sous perfusion un chef d’Etat, afin de tirer les marrons du feu, n’est pas le propre de l’Algérie. Combien de dirigeants, en Afrique, se sont accrochés au pouvoir, même malades, du fait de conseillers mal inspirés ? Sous l’ère des pères fondateurs, il était quasiment de règle pour un président de mourir au pouvoir. Mais en ces temps de printemps arabe avec son lot de bouillonnement démocratique, est-ce bien raisonnable de continuer avec cette pratique politique d’un autre âge ? En tout cas, cette nouvelle hospitalisation du président Bouteflika devrait avoir au moins pour effet d’ouvrir les yeux de ses partisans. Cela devrait les amener à revoir leurs prétentions à la baisse. Car leur champion, qui peine à terminer son mandat, n’est nullement apte à briguer un autre (en tripatouillant la Constitution de surcroît), en 2014. On ne peut laisser, pour des intérêts mesquins, le destin d’un si grand pays dans un monde si tourmenté, entre les mains tremblotantes d’un dirigeant usé par la maladie. En tournant la page Bouteflika (peut-être maintenant et sûrement en 2014), les tenants du pouvoir auront fait le choix de la dignité pour l’homme lui-même, mais aussi pour l’Algérie. Bouteflika, après tant d’années au service de son pays, mérite de sortir par la grande porte. Ce temps est sans doute arrivé.