Dans la quasi-totalité des localités, les bourgmestres issus des élections couplées de décembre 2012 ont pris possession de leur fauteuil et l’heure est à la mise en œuvre de leurs ambitions pour le bien-être des populations des communes respectives. Dans l’arrondissement n° 4 de Ouagadougou, par contre, c’est silence radio. Elu contre l’avis de son parti, le maire Anatole Bounkougou est devenu un paria. Pire, le CDP commence à dérouler son rouleau compresseur pour étouffer ce rebelle. Aussi assiste-t-on depuis le mois de mars à des manifestations de militants CDP, ou prétendus tels, pour demander, si ce n’est pas exiger, de l’autorité administrative de relever le maire Bounkoungou de ses fonctions.
La manœuvre a quelque peu payé, puisque l’un des conseillers, qui avait pourtant accepté en connaissance de cause le poste de président de commission, vient de jeter l’éponge pour davantage mettre Bonkoungou sous pression. Les populations de l’arrondissement sont prises en otage au nom des conflits à mille lieues de leurs préoccupations. La raideur de la position du parti au pouvoir achève de convaincre qu’il y a des intérêts inavouables et inavoués qui sont en jeu.
La candidature du pauvre Modeste Compaoré qu’on brandit comme un fétiche n’est qu’une manœuvre de djinamori pour préserver des positions juteuses. Ce n’est donc pas parce que le CDP a particulièrement confiance en la capacité de son candidat officiel à trouver une solution aux problèmes de l’arrondissement mais certainement parce qu’il paraît plus docile pour savoir se taire et diriger la mairie sans remuer dans les archives. Ce qui n’est pas possible avec un Anatole qui veut s’affirmer, sans oublier qu’il a déjà été le rival malheureux de Zakaria en 2007. Ce n’est donc pas demain la veille que cette guerre fratricide au CDP prendra fin.
L’enjeu va au-delà des acteurs visibles. Pour ce qui est du respect de la directive du parti qui est mise en avant pour refuser la prise de fonction d’Anatole Bounkougou, le CDP est mal fondé pour sanctionner son non-respect. Il suffit de rappeler que les membres du secrétariat exécutif national ont été les premiers à violer les règles du jeu.
En effet, en prélude aux élections couplées de décembre 2012, les militants à la base avaient désigné des personnalités sur des critères concoctées par le parti. Dans la majorité des cas, les membres du secrétariat exécutif se sont arrogés des droits de bouleverser les propositions de la base, allant parfois jusqu’à éjecter de la liste des personnalités pourtant classées tête de liste par la base. Le parti pourrait répondre que c’est à ses instances qu’il revient en dernier ressort de dresser la liste officielle des candidats aux différentes élections. Et ce n’est pas faux. Mais de la même façon, le CDP sait -ou doit savoir- que le choix du maire est du ressort exclusif des conseillers. Ceux de l’arrondissement 4 de Ouaga ont majoritairement porté leur choix sur Anatole Bonkoungou dans le respect du code électoral. Au nom du principe démocratique, le CDP aurait dû prendre acte de la non-élection de son candidat et faire humblement profil bas. Mais puisque le parti au pouvoir, à tout le moins certains de ses militants, a choisi de ne pas accepter ce fait accompli, il revient au ministère en charge des Collectivités locales de taper du poing sur la table pour éviter tout amalgame entre le fonctionnement de l’Administration et les querelles byzantines au sein des partis.
Force doit rester à la loi et les guerres de chefs du CDP ne doivent pas gripper l’Administration, et surtout pas la démocratie à la base.