Du 19 au 21 avril dernier, une quinzaine de journalistes de la presse du publique et du privé a visité la zone présidentielle de tourisme cynégétique de Pama dont le concessionnaire n’est autre que le président du Faso, Blaise Compaoré. Si cette zone offre une vue magnifique et des animaux de plusieurs types à observer, elle est confrontée à un braconnage des plus sauvage.
S’il y a une gangrène à laquelle il faut s’attaquer avec la dernière énergie, c’est sans conteste le braconnage dans les zones de chasse. La zone présidentielle de Pama n’échappe pas à ce phénomène. Au contraire, si ce n’est pas un harcèlement, ça y ressemble fort bien. Entre autres animaux abattus, les éléphants pour leurs ivoires dont le commerce est très florissant. Et pourtant, c’est une espèce très protégée depuis 1973. Mais les braconniers n’en n’ont cure. C’est même le cadet de leur soucis et c’est avec beaucoup de regret et un pincement au cœur que le directeur de la zone, Jacques Boukary Nyampa parle du sujet.
Arrivée à Pama en début de soirée, le programme de la visite prévoyait une sortie terrestre le lendemain matin, question pour les journalistes de voir les animaux de près. Mais dans la nuit, une grosse pluie est venue contrarier ce programme. Les pistes sont impraticables. Finalement, c’est à bord d’un hélicoptère de la base aérienne, loué pour l’occasion, que les journalistes vont visiter la zone de chasse du président du Faso. Mais, avant le début des rotations, le directeur de la zone a présenté la zone aux hommes de médias. On retiendra que c’est une zone à usage touristique et la chasse y est aussi pratiquée pendant la période indiquée (de décembre au 31 mai). C’est vrai que c’est une zone réservée aux amis du Burkina et à ceux du président Blaise Compaoré, mais elle est ouverte à tout le monde. Pour tout dire, elle n’est pas réservée à la famille présidentielle forcément comme on pourrait le penser. La zone reçoit beaucoup de visiteurs. Cette année par exemple, des élèves de Fada y ont fait une excursion pour voir et admirer les animaux qui y vivent. La zone est réservée à tout le monde certes, mais un minimum de bon comportement est exigé.
Seuls les braconniers n’y sont pas les bienvenus. Rien que le 12 avril dernier, quatre ont été arrêtés avec leur butin. Dans la zone, les éléphants sont abattus avec des armes de gros calibres comme le 458 mm qui nous a été présenté. Des armes fabriquées spécialement pour de gros gibiers. D’où ce cri de cœur du directeur de la zone à l’endroit des journalistes : « aidez-nous à lutter contre le braconnage. Il faut protéger le peu de faune que nous avons encore car la faune est une grande richesse ».
La zone de chasse du président du Faso, c’est 90 000 hectares, 15 pisteurs, 3 forestiers, 5 espèces rares et 10 espèces à population importante. On y trouve des lions, des kobas, des buffles, des ourebis, des phacochères, des panthères, etc.
Après la rotation des journalistes, ce fut autour du directeur de visiter sa zone. Il y est revenu tout découragé par ce qu’il a vu. Une véritable hécatombe est en train de se produire sous nos yeux et avec notre « complicité ». Des cadavres d’au moins quatre éléphants, dont les défenses ont été arrachées. « Il faut faire quelque chose», a-t-il laissé comprendre, tout déçu, car tous les braconniers qui ont été conduits a Fada ont été relâchés peu de temps après et ont repris leur salle besogne.
Que faut-il faire ? Sensibiliser toujours, surtout les populations riveraines sur leur rôle de protection aussi de la faune ? Des populations souvent complices de la situation ? Il faudrait surtout que le ministère de l’Environnement et du Développement durable soit outillé. Pour monsieur Nyampa « la population n’a pas les moyens de chasser un éléphant, c’est une chasse réservée aux plus nantis ». Cette chasse aux éléphants de Pama semble dépasser le seul cadre du Burkina. L’ivoire étant un commerce florissant et que la zone est séparée d’un pays voisin par un cours d’eau, le rapprochement est vite fait. Et le directeur de la zone d’avertir : « si des gens continuent de laisser les prévenus en liberté provisoire, nous allons prendre nos responsabilités ». C’est tout dire. Cette sortie des journalistes leur aura permis, au-delà de ce qu’ils voient à la télé et lisent dans les journaux, de se rendre compte de l’effectivité du phénomène du braconnage. Des braconniers sans foi ni loi et qui sévissent impunément dans les zones de chasse. Il faut changer de fusil d’épaule si nous ne voulons pas que nos enfants et petits enfants découvrent l’éléphant, le buffle, le lion, la panthère etc. dans les livres uniquement. Il faut sévir à tous les niveaux. Doit-on vraiment avoir pitié d’un braconnier qui brave les textes pour tirer sur des espèces protégées ? Si le législateur ne prend pas des mesures draconiennes pour punir les braconniers comme il se doit, nous avons bien peur que les concessionnaires ne se fassent un jour eux-mêmes justice.
Fiche technique de la concession
La zone cynégétique de Pama centre-nord est née d’un morcellement de la réserve partielle de faune de Pama, classé en 1995.
Concédé à la société CODEBA de 89 à 95, elle a été rétrocédée au président du Faso en 1997 afin de marquer son implication dans la mise en œuvre de la réforme des ressources fauniques de 1989.
Dénomination : zone présidentielle de tourisme cynégétique
Superficie : 90.000 hectares
Objectif principal : appuyer la reforme de la gestion de la faune par la création et l’entretien d’une zone de tourisme cynégétique témoin à l’intention des opérateurs économiques privés, concessionnaires de zones de chasse.
Objectif spécifique
- Assurer une autonomie du président du Faso et de l’Etat dans la gestion de ses touristes hôtes de marque dans les conditions de quiétude et de sécurité mieux organisées.
- Accompagner le ministère dans la protection et l’accompagnement des aires fauniques
- Contribuer à vendre l’image du pays (marketing des ressources cynégétiques) par le canal des invités de marque, opérateurs ou passionnés du tourisme de pays amis.
Domaine d’activité : protection, conservation, création, aménagement et entretien d’un secteur de protection.
Les aménagements
Création et entretien de points d’eau permanents bien repartis (une source, un barrage de 32 984 m3 et 26 mares d’une capacité moyenne de 5 a 6 000 m3 par mare) soit en moyenne une mare tous les 7 à 10 km
- L’application effective et contrôlée des feux d’aménagements ;
- L’installation de miradors (3 miradors métalliques) ;
- Création et entretien d’un réseau de pistes saisonnier de 350 km.
Les populations animales importantes
Buffle, ourébi, hippotrague (Koba) ; le phacochère, le buval, l’éléphant, le waterbuck (cob défassa), cob redunca, guib harnaché, céphalophe de Grimm.