Il est encore tombé, le dernier classement mondial selon l’Indice du développement humain (IDH). Calculé chaque année depuis le début des années 90 par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), cet indicateur composite mesure le niveau du développement humain en intégrant, en plus des agrégats économiques, des données qualitatives.
Dans le dernier classement en date du PNUD, le Burkina Faso fait encore figure de traînard du village planétaire. Et si nous étions dans une classe, il serait collé au pilori. Et même pire, si c’était à l’époque, regrettée par certains, où la chicotte était reine.
En effet, dans le classement 2012, rendu public en milieu de cette semaine, notre pays est relégué à la 183e place sur 187. En 2011, nous étions 181e. En une année donc, le Pays des hommes intègres a dégringolé de deux places. Si cette tendance baissière devait se maintenir, cela voudrait dire qu’au prochain classement, le Burkina Faso serait antépénultième. C’est-à-dire juste devant l’avant-dernier. Mais revenons au cru 2012 du PNUD pour signaler que s’il a, comme ses précédents, le même goût de fiel pour des pays comme le nôtre, classé juste devant le Tchad, le Mozambique, la République démocratique du Congo et le Niger (la queue du peloton), il a par contre une saveur de miel pour des pays comme la Norvège (1re ), l’Australie (2e ) et les Etats-Unis.
On notera également que ce classement recèle tout de même quelques surprises : La Libye, malgré la situation de chaos qui y prévaut par suite de la guerre civile qui a abouti à la chute de Kadhafi, occupe le premier rang des pays africains. Même la Sierra Leone, la Guinée-Bissau, Le Mali, Haïti, l’Erythrée et l’Afghanistan, tous des Etats qui ont souffert ces dernières années des affres de la guerre ou des catastrophes naturelles, sont devant nous. Ce qui veut dire qu’à Kaboul, par exemple, où les attentats sont le lot quotidien des habitants, il fait mieux vivre qu’à Ouagadougou malgré ses poulets-bicyclettes, malgré Ouaga 2000, malgré les grosses caisses 4X4. Allez-y savoir …
Quatre principales composantes sont prises en compte pour ce calcul : espérance de vie à la naissance, richesse (PIB par habitant), niveau de vie décent, niveau d’instruction (taux de scolarisation et d’alphabétisation). Le PIB par habitant dans notre pays était de 1 500 dollars en 2011 selon Index MUNDI. Toujours selon la même source, l’espérance de vie y est de 52 ans pour les hommes et de 56 ans pour les femmes. Cette donnée est une mesure de la qualité de vie globale dans un pays et résume les taux de mortalité à tous les âges. Elle peut également être considérée comme indiquant le retour potentiel sur investissement en capital humain et est nécessaire pour le calcul des diverses mesures actuarielles.
Dans le domaine de l’instruction, ce n’est pas très reluisant non plus : selon les récentes statistiques du ministère de l’Enseignement de base, le taux brut de scolarisation (TBS) est passé de 77,6% à 79,6% entre 2010/11 et 2011/12, soit un accroissement de 2 points de pourcentage. Malgré tout, foi de l’UNICEF, le Burkina Faso reste l’un des pays où les taux de scolarisation et d’alphabétisation demeurent parmi les faibles du monde, même si des progrès significatifs ont été réalisés au cours des dernières années, il faut le reconnaître.
Le débat sur la valeur de ce classement sera toujours d’actualité. Certains pays en font une affaire d’Etat, récusant même les termes de référence de l’indice.
Ce fut le cas, en 2007, du Burkina, classé à l’époque avant-dernier sur 177 pays. Dans un communiqué, le gouvernement burkinabè avait à l’époque poussé des cris d’orfraie, mettant en doute les indicateurs utilisés, le traitement des données et même la pertinence de l’Indice du développement humain (IDH). Si les théorèmes mathématiques heurtaient des intérêts, il s’en trouverait des gens pour tenter de les réfuter.
Mais plutôt que de chercher à produire des contre-classements au coût de millions de francs CFA, n’est-il pas plus judicieux de travailler à corriger cette constance dans la contreperformance ?
Loin de nous l’idée de vouloir, ici, jeter l’eau du bain avec le bébé. Nul doute que le gouvernement burkinabé consent des efforts visant la réduction de la pauvreté. Dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’accès à l’eau potable et de la formation professionnelle, pour ne citer que ces cas, de nombreuses actions ont été faites. Même si les résultats restent toujours en deçà des attentes, de plus en plus croissantes.
Mais si jusque-là l’immense majorité de la population ne ressent pas d'amélioration de sa galère, c’est qu’il y a des pratiques dans la gestion publique qui annihilent les efforts du gouvernement. Comme la grêle qui tue la fleur. Ainsi de la grande corruption, de la concussion au sommet de l’Etat, de la goinfrerie de certains élus locaux, et nous en passons. Il faut donc repenser le mode de gouvernance plutôt par des actes audacieux que par des mesures cosmétiques, des serments enflammés, des déclarations tapageuses et autres politiques-spectacles.
Frappe-t-on toujours aux mauvaises portes ? Tout porte à le croire, comme l’atteste le présent classement. Et ce ne sont pas les chiffres contenus dans un Discours de politique générale ou encore moins dans une adresse sur l’Etat de la Nation qui nous feront avaler l’amère pilule. Le taux de croissance de 8% enregistré en 2012 (chiffre du ministère de l’Economie et des Finances) n’a qu’à bien se tenir. Ne pouvant pas bousculer les rangs de l’IDH, mieux vaut aller de plus belle dans l’effort vers un développement humain durable plutôt que de passer le temps à parler croissance, croissance et croissance. Agissons plus hardiment sur le terrain au lieu de faire dans le fétichisme des chiffres.
Sinon, ce serait prendre à reculons le chemin qui mène à l’émergence.