Pendant la lutte contre la modification de l’article 37 de la Constitution et de la mise en place du Sénat, il était vu à Bobo-Dioulasso comme un symbole de la lutte. Après ce refus du peuple de cautionner « le tripatouillage » de la Constitution qui s’est soldé par la chute du régime Compaoré, l’ambiance n’a jamais été au beau fixe entre les camarades de lutte d’hier. Accusé de piétiner les textes du Balai citoyen, il sera chassé du mouvement et va en créer un autre qui s’appelle « le collectif Balai citoyen » dont il en est le porte-parole. Diakité Diafoné Kaba Alexandre, puisque c’est de lui qu’il s’agit a, depuis lors, eu des prises de positions qui, souvent sont mal comprises ou mal interprétées par ses camarades d’antan qui n’hésitent pas à le qualifier de « vendu ». Absent lors de la résistance contre le coup d’Etat manqué du RSP parmi ses camarades, Diakité avait fini par donner raison à ceux qui disaient qu’ils avaient vendu la lutte. Balayant de revers de la main toutes ces « allégations », Diakité a confié, dans cette interview qu’il nous a accordée, le mardi 6 octobre 2015, à Bobo-Dioulasso qu’il est victime d’une « jalousie » de la part de ses camardes leaders d’OSC de la ville. Lisez !
Le Quotidien : Comme vous le savez, le Burkina Faso a été victime d’un coup d’Etat manqué le 16 Septembre dernier. En tant que activisme de la société, comment avez-vous vécu ces moments ?
Diakité Kaba Alexandre : En tant qu’activisme de la société civile comme tu l’as dit, je l’ai vécu mal comme tout bon Burkinabè. Nous l’avons dit et je le répète que nous sommes résolument engagés contre toute force, qu’elle soit extérieure ou intérieure qui tenterait de prendre en otage les institutions de la République. Je le dis et je le répète, il y avait des problèmes et tout le monde le sait qu’au niveau de la Transition, tout n’était pas parfait. Pour cela, nous avons souvent eu à faire des suggestions dans le sens d’une amélioration. Pour nous, quelles qu’en soient les divergences de point de vue, un coup d’Etat n’était pas la solution, de surcroit dans un pays démocratique. Il y avait peut-être d’autres cadres pour échanger, pour discuter. Mais de façon générale, nous étions contre ce coup d’Etat militaire.
Si vous étiez contre ce coup d’Etat comme vous le dites, pourquoi n’avez-vous pas pris part activement à la résistance auprès de vos camarades de la société civile ?
Parce qu’il y a beaucoup de choses qui se sont passées en bas que les gens ignorent. Vous savez, après l’insurrection la société civile était profondément déchirée au niveau de Bobo-Dioulasso. Il y avait des soucis entre les leaders des différents mouvements. On a vu des mouvements comme le Balai citoyen qui s’est divisé. On a vu également le Mouvement rouge qui s’est divisé. Donc après l’insurrection, il y a eu assez de problèmes. Il y a eu des mouvements qui ont perdu presque tous leurs membres que je ne vais pas citer les noms. Il y avait une profonde discordance entre les leaders de la société civile au niveau de Bobo. Alors que là, il était question de se mettre ensemble pour une lutte commune et malheureusement il y a certains qui n’ont pas pu ranger ces divergences pour qu’on se mette ensemble pour cette lutte. Effectivement il y a d’autres d’ailleurs, comme nos anciens camarades du Balai citoyen qui disent d’office ne pas reconnaitre le collectif Balai citoyen et ne veulent même pas collaborer avec nous. Pour eux, il est difficile qu’ils soient sur une scène là où nous sommes.
C’est ce qui explique votre absence à la résistance ?
Ce n’est pas seulement cela. Il y a aussi d’autres organisations de la société civile qui, après l’insurrection populaire, se sont mises d’autres choses dans la tête que nous avons eues à dénoncer, comme leurs implications dans des histoires comme la crise de l’UNPC-B. Et nous, au niveau de notre coalition, nous avons eu à dénoncer ces agissements. Donc il était difficile pour nous, mais ce n’est pas pour autant qu’on n’a pas essayé. S’ils sont honnêtes, notamment certains leaders de la ligue des jeunes, du MJC (ndlr : Mouvement des jeunes pour le Changement) savent très bien que nous avons fait des approches notamment le vendredi 18 septembre lors des premières manifestations. Nous avons tenté des approches, parce que nous avons vu que les gens ne comprenaient pas ce qui se passait et réclamaient notre présence dans la manifestation et nous avons essayé de concilier les positions. Mais, il y avait des récalcitrants, des gens qui s’opposaient à notre présence sur les lieux. C’est là que nous avons estimé que la lutte pouvait se mener de plusieurs façons. On a donc décidé de faire un autre point de regroupement notamment au niveau de la mairie centrale. Mais après réflexion, on s’est dit que s’il y a déjà un premier point de regroupement et que tout le monde a accepté d’y aller, si nous nous mettons à l’écart avec un autre groupe, les gens peuvent l’interpréter diversement. J’ai dit à mes collaborateurs notamment à Modess (ndlr : Moussa Traoré, coordonnateur national de la PACIF) et aux autres que ce n’était pas la peine, parce que cela risque encore d’être mal interprété. Mais on participait aux actions qui étaient menées au niveau de la bourse du travail avec les syndicats ou pratiquement chaque matin on était là. On avait même participé à une rencontre avec l’Unité d’action syndicale pour échanger sur un certain nombre de problèmes qui se posaient au sein de la ville notamment. C’est alors qu’on a été sollicité par la SONABEL pour l’aider à vendre les unités « cash power » parce qu’il y avait beaucoup de gens qui étaient privés d’électricité. Mais quand ils ouvraient pour dépanner ces personnes, il y avait des gens qui venaient avec des motos pour demander de fermer. Donc on a été appelé par les responsables de la SONABEL pour demander notre appui sur ce plan. En Vérité, on ne nous voyait pas sur la place Tiéfo Amoro. Ce n’est pas pour autant que nous n’avons pas pris part à la résistance. Nous avions aussi notre manière de contribuer à la lutte.
Donc, contrairement à ce qui se dit, Diakité n’a pas vendu la lutte…
(Rire….). Ça me fait rire quand j’enttends cela. Pour celui qui me connait n’a pas besoin de réfléchir un tant soit peu dans ce sens-là. Toute ma vie (ce n’est pas pour me venter), j’ai toujours été contre l’injustice, contre la prise de pouvoir par la force, contre tout ce qui est contraire à la volonté du peuple. Si on devait vendre cette lutte, ce n’est pas aujourd’hui. A qui est ce qu’on va la vendre ? Si des gens ont essayé de nous acheter au moment où ils avaient tout ce qu’il fallait et n’ont pas pu, ce n’est pas au moment qu’ils se cherchent qu’ils réussiront à le faire. Pour des gens qui ne sont plus au pouvoir, avec quoi peuvent-ils acheter quelqu’un ? Et c’est pour cela d’ailleurs que malgré tout ce qui se dit, des gens continuent de me suivre parce qu’ils me connaissent et savent ce que nous avons fait pendant tout ce temps. Heureusement pour moi, je n’ai jamais mené une action seul. Tout ce que je faisais, mes collaborateurs, mes camarades et autres qui sont dans le collectif avec moi étaient informés à la minute et souvent même c’est ensemble qu’on le faisait. A un moment, les gens qui étaient à la place Tiéfo Amoro n’étaient pas plus nombreux que le groupe qui me suivait. Donc les gens qui me voyaient en ville savaient que je faisais. Vous savez, le seul problème c’est la question de leadership et de jalousie. Que les gens ne profitent pas de cela pour noyer les autres ,car ce n’est pas du tout honnête.
Des gens seraient-ils jaloux de vous ?
Je ne sais pas, mais pourquoi racontent-ils des choses de ce genre alors qu’ils connaissent la vérité. Ils m’ont écouté sur RFI où j’ai fermement condamné le coup d’Etat avec des arguments à l’appui. Ce n’est pas sûr qu’eux-mêmes, au cours de cet entretien auraient le courage de dire ce que moi j’ai dit. A Laïco, j’y étais parce qu’on avait invité la société civile. Et comme je n’ai pas de représentant à Ouagadougou, je m’y suis rendu. Dans la salle, j’ai vu des OSC qui sont nées après l’insurrection et qui étaient là qui avaient leurs mots à dire. Nous aussi devrions avoir notre mot à dire car de là, pourrait se dessiner l’avenir du Burkina.
L’on dit que vous y étiez parce que vous êtes pro-CND est-ce la vérité ?
J’avais des témoins avec qui j’ai échangé, un groupe de la société civile dont certaines têtes sont bien connues comme Safiatou Lopez, Harouna Kaboré, Me Gui Hervé Kam. On a discuté, on a arrêté des points et nous les avons présentés au nom de la société civile. Le Bobolais se sous-estime. Les gens pensaient que pour y aller, il fallait avoir des bras longs. Mais non. N’importe quelle OSC digne de ce nom était impliquée. Qui veut que les choses se passent à son absence? Parce que ce jour-là l’avenir du pays devait se décider. On a fait des propositions ! On s’est présenté à l’hôtel Laïco lors de la médiation étant de la société civile. Quand on est arrivé, la salle était bien organisée. Il y avait la société civile d’un côté et les partis politiques de l’autre côté. J’étais assis avec la société civile et je me suis même inscrit sur la liste de présence des OCS.
A Bobo-Dioulasso, Diakité semble avoir perdu l’estime de ses camarades leaders d’autres OSC. Aujourd’hui, est-ce que vous regrettez vos différentes prises de positions qui, souvent sont mal comprises ou mal interprétées ?
Je ne regrette pas du tout parce que c’est avec conviction que nous avons eu ces prises de positions que ce soit au niveau du collectif ou au niveau du Balai quand j’y étais. Mon seul et unique problème à moi, est que je ne me laisse jamais dicter quoi que ce soit. Lorsque je vois que quelque chose n’est pas bien je le dis quitte à ce que ça me crée des problèmes. Je suis prêt à tout sacrifier, mais en étant conscient d’avoir dit ce qui est juste et bien. Dans toutes les organisations où je suis passé, je dis toujours ce que je pense tant que je crois que c’est juste. Même si après les gens l’interprètent autrement et que c’est expliquer d’une autre manière. Qu’est ce qu’on n’a pas entendu après notre conférence de presse de recadrage de la Transition ? Nous avons tout entendu. On a dit que nous sommes un soutien au RSP. Pour ceux qui étaient à cette conférence de pesse nous donneraient raison après ce coup d’Etat. Ce jour-là, nous avions dit que ce n’était pas le RSP qui constituait le problème (c’est-à-dire tout le corps) mais plutôt des brebis galeuses qui s’y trouvaient qui étaient le véritable problème. Quand on a demandé aux éléments du RSP de déposer les armes,il y a beaucoup de gens qui ont désisté et se sont rapidement retournés au Camp Sangoulé Lamizana. Mais qui sont ceux qui étaient encore là ? C’est ceux qui peut-être étaient les brebis galeuses. Dès les premières heures de la Transition, si on avait eu le courage de mettre hors d’état de nuire ces brebis galeuses du RSP, on n’allait même pas dissoudre le RSP. Ce corps allait rester et fonctionner comme tous les autres corps, parce que ce sont des hommes qui étaient à l’intérieur qui causaient tous ces problèmes. Et aujourd’hui, je crois que je suis fier d’avoir dit cela même si les autres interprètent cela autrement parce que moi, ma vision n’était pas un soutien au RSP, mais de dire qu’il y a des gens au sein du RSP et qu’il fallait s’en prendre à eux.
Au cours de cette conférence de presse, vous aviez effectivement suggéré en lieu et place de la dissolution la redéfinition des missions et aussi la dénomination. Aujourd’hui le RSP est dissous et désarmé. Commet trouvez-vous cette situation ?
On a fait cette proposition parce qu’en ce moment on avait comme l’impression que les uns et les autres n’avaient pas de solution au problème. La preuve le Premier ministre même qui, dans les premières heures avait parlé de sa dissolution est revenu sur son discours. Donc en ce moment, on avait l’impression que rien ne pouvait être fait pour dissoudre le RSP. Et effectivement, si on veut bien voir les choses sans ce faux coup d’Etat de la part du RSP, ce corps serait encore là et personne n’allait pouvoir faire quelque chose. Parce que même si tu écoutais les interviews des différents candidats à la présidentielle, leur réponse est restée toujours ambigüe quant à la question de la dissolution du RSP. Donc nous avons proposé une solution, qui pour nous pouvait être un moyen pour résoudre le problème RSP, et c’était également de mettre les brebis galeuses du RSP hors d’état de nuire. Et je crois même que le jour de la conférence de presse nous avons cité les noms, et ce sont ces noms aujourd’hui qui étaient au-devant de ce qui s’est passé. Voilà aujourd’hui le RSP est dissous certes, mais est-ce tous les éléments du RSP qui sont arrêtés ? Cela veut dire qu’on aurait pu les arrêter depuis parce qu’on leur reprochait quelque chose, seulement on n’avait pas le courage? Nous demandions seulement aux gens d’avoir le courage de faire ce que les gens ne veulent pas entendre qu’on dise. Parce que souvent même, le simple fait de parler de la dissolution du RSP sans arrêter ni juger des gens d’autant plus que ces derniers sont impliqués dans des crimes de sang, n’était pas la solution pour moi. On avait l’impression que les gens ne parlaient que de la dissolution et non de juger ceux qui sont mêlés dans les crimes de sang. Donc pour nous, on pouvait garder le RSP mais le nettoyer et faire une réforme du RSP à travers une réforme globale de l’armée. On le dit je le dis et je le répète, je crois qu’on ne s’est pas trompé, maintenant si nos propos ont été transformés et dire qu’on soutenait le RSP je crois que vous êtes journaliste et vous étiez là ce jour-là. Vous avez entendu ce que nous avons dit et cela n’a rien à avoir avec ce qui se dit sur les réseaux sociaux où d’autres qui n’ont jamais causé avec nous et ne nous ont jamais vu. Malheureusement il y a des gens qui ont pris la mauvaise habitude de nuire aux autres en enlevant leurs propos de leur contexte. Ils vont déformer et ensuite publier sur Facebook, les lecteurs avertis sauront quoi faire.
Aujourd’hui le Burkina Faso est en train d’écrire une nouvelle page de son histoire. Comment voyez-vous le Burkina sans le RSP ?
Comme tu l’as dit c’est une nouvelle page qui s’ouvre au Burkina Faso. Nous souhaitons vraiment que cela soit une réelle ouverture pour le pays parce qu’on avait cru qu’avec l’insurrection populaire, les choses allaient relancer. Il y a eu ce coup d’Etat qui a bloqué les choses. Aussi il y a eu des manquements dans la conduite de certaines affaires, nous souhaitons réellement que cette fois-ci, ce soit la vraie ouverture pour un ancrage démocratique réel. Et cela, il faut le dire car nous soutenons la Transition parce que nous sommes la Transition, mais il faut reconnaitre qu’il y a eu un certain nombre de dérapages depuis le début de la Transition. Mais malheureusement il faut que les gens acceptent les critiques, parce qu’après l’insurrection toute personne qui avait le courage de critiquer de faire des propositions était vu comme un vendu. C’est ce qui est dommage et surtout au niveau de la jeunesse. Les gens refusent les critiques, les propositions et les suggestions comme c’est le cas du terme « allons seulement »! Quel que soit alpha, allons seulement ! On ne peut pas aller seulement ! A un moment donné, si ça ne va pas, il faut avoir le courage de le dire .Ainsi, on s’assoit pour discuter afin de trouver une solution pour avancer. Mais toute personne qui avait le courage de placer une critique, on dit qu’il a pris l’argent avec le CDP, il a pris l’argent avec ceux- ci, c’est un vendu par ci, c’est un vendu par là. Moi je ne me sens pas du tout dans un pays où les gens refusent les critiques où les gens refusent les propositions. Ce sont les divergences des points de vue et la capacité d’échanger avec l’autre pour pouvoir exploiter le peu de chose qui peut être intéressant dans ce qu’il va dire qu’il faut qu’on accepte. Et si on ne peut pas accepter cela, on sera toujours dans un éternel recommencement. Il faut que les gens acceptent la critique, il faut que les gens acceptent l’autocritique pour permettre à notre société d’avancer. Aussi qu’on évite d’incriminer les gens. Avec ce que le peuple burkinabè a démontré depuis l’insurrection, le Burkina vaut mieux que cela, alors donnons-nous la main pour avancer en évitant de se dénigrer et en acceptant de se critiquer.
Le coup d’Etat a porté un coup dur à la bonne marche de la Transition. Aujourd’hui vous en tant que acteur de la société civile, pensez-vous qu’il faut oui ou non prolonger la Transition ?
Pour moi il n’est pas question de prolonger la Transition car tout était prêt pour les élections. Le coup
d’Etat est intervenu 3 jours avant le début de la campagne électorale. Les financements sont déjà là, la liste des électeurs est prête, les candidats sont déjà positionnés. Donc pour moi, on ne peut pas parler de prolonger la Transition. Peut-être reporter les élections d’un (01) mois, mais pas plus. A ce que je sache, le coup d’Etat n’a pas eu de répercussion particulière sur le fonctionnement de la CENI qui est en réalité, est la seule habilité à organiser les élections. Donc il n’ y a pas de raison qu’on parle de prolongation de la Transition. Qu’on organise les élections le plus top possible !
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Je voulais dire que c’est déplorable pour la jeunesse de Bobo de se mettre à vilipender leurs camarades sans preuve à cause d’une question de leadership. Vous savez, c’est à cause de ces genres de choses que depuis on n’a pas encore vu l’émergence des leaders de Bobo.
A Bobo, l’on contribue à nuire à celui qui réussit à se démarquer, à faire sortir sa tête du lot, et ce, en se basant sur de fausses allégations et critiques. C’est dommage mais, c’est une réalité!
Interview réalisée par Mady BAZIE & retranscrite
par Judith N. SANOU et Caroline YEMOULOU
(stagiaires)