La 1ère édition du Salon de l’eau, de l’hygiène et l’assainissement (SAHYA) aura lieu du 23 au 25 octobre 2015 sur le site du SIAO. Dans cet entretien avec Sidwaya, le président du comité d’organisation, Victorien Aymar Sawadogo, explique l’importance de cette nouvelle manifestation pour la population.
Sidwaya (S.) : Pourquoi voulez-vous organiser un salon de l’eau, de l’hygiène et l’assainissement ?
Victorien Aymar Sawadogo (V.A.S.) :
La première édition du Salon de l’eau, de l’hygiène et l’assainissement (SAHYA) se tiendra du 23 au 25 octobre 2015 au Pavillon du Soleil Levant sur le site du SIAO. La périodicité du SAHYA est prévue pour être annuelle. L’idée d’organiser un tel salon vient d’un constat, celui d’une situation préoccupante et urgente au niveau du secteur de l’eau et de l’assainissement. C’est vrai que nous sommes dans un pays où tout est prioritaire mais la réalité du terrain parle d’elle-même. En effet, malgré les initiatives menées dans le domaine, les indicateurs sont faibles. Le taux d’accès des populations à l’assainissement était par exemple estimé en 2012, à 1% en milieu rural contre 9% en milieu urbain. Non seulement, cette situation a un effet négatif sur la santé publique, notamment en milieu rural et plus particulièrement sur les enfants et les femmes mais aussi, elle influence négativement les actions de développement.
Selon une enquête réalisée par le Programme eau et assainissement de la Banque mondiale en 2012, les problèmes de santé dûs au manque d’assainissement, en termes économiques, étaient estimés à l’époque à 86 milliards de FCFA pour le Burkina. Ce serait ainsi 0,79% du PIB qui est ainsi perdu.
Les chiffres pour l’accès à l’eau sont encourageants mais il reste également des progrès à accomplir. En juillet 2014, lors de la revue à mi-parcours du PN-AEPA (c’est le programme de référence national dans notre pays), le ministère en charge de l’eau et de l’assainissement indiquait une progression des chiffres de 11,5% au niveau de l’accessibilité à l’eau potable en milieu rural et de 12,2% en milieu urbain. On serait donc passé respectivement de 52% à 63,5% et de 74% à 86%. Le second constat, c’est le lourd tribut payé par notre pays du fait du faible accès à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement. Plus de quatre enfants burkinabè sur cinq n’ayant pas accès à des toilettes de base, consommant de l’eau non potable et manquant de services d’hygiène sont ainsi confrontés à trois des principales causes de la mortalité infantile: la sous-nutrition, la pneumonie et la diarrhée. Certains en meurent. D’autres ont échoué dans la vie parce que, n’ayant pas pu simplement suivre l’école à cause des maladies.
Alors, face à cette situation, nous ne pouvions pas rester sans rien faire. Notre conviction étant que la situation est loin d’être une fatalité. Bien au contraire, il suffit pour nous que ce qui est fait soit déjà exploité au mieux. Une panoplie de réalisations sont, en effet, à mettre à l’actif des acteurs du secteur mais bien souvent, celles-ci restent peu connues ou pas diffusées.
D’où la première raison d’être du Salon. Donner à voir et à partager, vulgariser et valoriser les nombreuses réalisations peuvent en effet permettre de mieux avancer et envisager les défis dans ce secteur. Favoriser en outre la liaison entre la recherche, l’institutionnel et le marché permettrait de notre point de vue à combler un vide qui existe à ce niveau. Rien que la peur de l’administration a souvent fait capoter bien d’initiatives de développement. Tous les jours, on va bien au marché faire ses courses, ses emplettes… Si on ajoute le fait que l’administration n’est pas aussi décentralisée, déconcentrée à l’image du monde économique, il y a certainement des motifs sérieux de travailler à rendre les produits et services mis au point plus proches et accessibles aux populations.
En cela, le Salon se positionne comme une plateforme de partage d’expériences, de lisibilité, de visibilité, de mise en relation et de mutualisation des bonnes pratiques.
Il est enfin une tribune d’interpellation et de mobilisation citoyenne de tous pour d’une part s’assurer que les ouvrages réalisés et offerts aux communautés répondent à leurs besoins et qu’ils sont utilisés à bon escient ; d’autre part, pour suivre les engagements pris par l’Etat burkinabè et les partenaires du secteur aux plans national et international en vue de l’atteinte de l’objectif : « faire de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement, un secteur prioritaire au niveau des politiques au Burkina ».
C’est ainsi que l’opportunité des prochaines élections couplées présidentielle et législatives nous permet d’interpeller particulièrement les politiques sur la situation du secteur et les défis à relever avec leurs concours. Depuis 2009, les populations burkinabè citent le secteur de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement en tête des secteurs prioritaires (33%) devant l’énergie (16%). Cependant, le secteur ne reçoit que moins de 3% des ressources budgétaires de l’Etat. On met l’argent dans la défense, la sécurité, la santé, l’éducation, l’agriculture, etc. C’est bon mais c’est comme si on préparait de bons mets qu’on sert dans des récipients sales pour manger. En tous les cas, il est évident qu’on ne peut pas continuer à ignorer la réalité. Tôt ou tard, il faudra faire face et nous pensons que ces élections qui n’ont ni président sortant, ni favori encore moins de challenger peuvent aussi permettre de faire évoluer les choses. C’est pour cela que les candidats à la présidentielle ont été invités à se prononcer sur la question. Quels sont la place et le rôle qu’ils accordent au secteur dans leurs projets de société ? Sont-ils prêts à faire suite à la volonté du peuple de voir ce secteur devenir une priorité du développement dans notre pays ? Nous leur avons adressé des correspondances. A ce jour, seuls trois candidats n’avaient pas encore accordé l’interview télévisuelle que nous avons sollicitée. Nous avons opté de les enregistrer pour garantir l’équilibre de parole et de traitement.
S. : Qui sont les initiateurs de l’événement ?
V.A.S. : Le Salon est organisé par des communicateurs regroupés au sein du Commissariat général du SAHYA, le comité d’organisation du Salon dudit nom.
SAHYA, c’est l’acronyme du nom du Salon, c’est aussi dans les langues dioula et mooré, « la fin ou le terme, c’est fini ». C’est également la traduction d’une volonté, d’une ambition de voir les politiques nationales évoluées dans le secteur de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement afin de favoriser enfin la ‘‘ révolution’’ dans ce domaine et procurer le bien-être maximum aux Burkinabè.
Cela traduit, enfin une vision, celle où les communicateurs, citoyens « conscients et communicants », pour paraphraser un terme cher à un confrère, peuvent et doivent porter, défendre des causes nobles et justes en vue de susciter auprès de qui de droit des prises de décisions salutaires dans l’intérêt général.
S.: Qu’avez-vous retenu comme thème pour cette 1re édition ?
V.A.S. : Notre objectif est d’obtenir d’abord une mobilisation citoyenne autour de la cause. C’est ensuite de parvenir à des engagements nouveaux. Aussi, nous communiquons autour de ce slogan qui peut être considéré comme notre thème : « Faire de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement, un secteur prioritaire au niveau des politiques au Burkina ». Autrement dit, lors des panels et des ateliers thématiques, il sera évoqué plusieurs thèmes allant des politiques publiques aux produits, réalisations et services innovants ainsi que les mécanismes de financement du secteur. Mais que ça soit clair, il ne sera pas question de théorie mais des communications pratiques, accessibles surtout au grand public.
S. : Quels sont les grands axes de cet évènement ?
V.A.S. : Le SAHYA 2015 se tient autour de quatre axes majeurs. Le premier a trait à la réflexion prospective et au débat citoyen qui se fera à travers notamment les panels et les ateliers thématiques. Les panels évoquent des sujets macro tandis que dans les ateliers techniques, il est question de produits et pratiques qui peuvent servir de modèles en raison de leur avantage comparatif parmi tant d’autres dans le secteur. Il est prévu à ce niveau aussi des débats-presse qui impliqueront davantage des Burkinabè à la problématique du Salon.
Le deuxième axe majeur du SAHYA, c’est l’exposition-vente de produits, technologies et services qui permettra d’une part de se rendre compte de la diversité des réalisations dans le secteur tout en donnant à voir sur la même plateforme la meilleure offre possible disponible au niveau des opérateurs économiques nationaux. Cela permettra, de notre point de vue aux populations de se faire une idée des solutions existantes, de les comparer et de faire leur choix pendant ou après le Salon. Nous aurons alors à faire à des produits, technologies et services dans les forages, la plomberie, les sanitaires, les lavabos, l’hygiène collectif et individuel, l’assainissement, les solutions permettant de rendre l’eau potable, les solutions permettant d’économiser l’eau telles que les goutte-à-goutte, etc. La seule condition exigée étant que les produits, technologies et services aient une valeur ajoutée avérée et que par exemple pour les solutions ayant trait à l’organisme humain, l’exposant puisse nous produire une preuve de qualité comme le certificat de contrôle du Laboratoire national de santé publique. Nous voulons simplement éviter que des produits non homologués et dangereux profitent de notre cadre pour porter éventuellement préjudice aux honnêtes populations.
Le troisième axe concerne la promotion du mérite et de la qualité à travers l’organisation de la nuit du mérite. Dans un cadre convivial, un gala, nous allons célébrer et encourager l’excellence dans le secteur en mettant sous les feux de la rampe des personnes morales ou physiques qui se seraient investies parfois depuis de longue date et ce, dans l’anonymat en faveur du secteur et qui ont des actions ou des réalisations qui peuvent servir aussi de modèles à la communauté. Il est prévu des trophées de mérite et d’honneur. Un ambassadeur du droit à l’eau, l’hygiène et l’assainissement sera désigné pour épauler le Salon dans son travail entre deux éditions. Le jury, composé de professionnels du secteur et de communicateurs, travaille sur propositions et tout un chacun qui connaîtrait des initiatives, actions et produits méritants peut le saisir jusqu’au 20 octobre pour faire ses suggestions d’œuvres et de réalisations.
Le quatrième et dernier axe est l’information et la communication. Le Comité d’organisation a noué des partenariats avec plusieurs médias en vue de donner toute la dimension et la visibilité au Salon. C’est un Salon de professionnels de la communication, l’information et la communication permettront à la tribune d’atteindre tous ses objectifs.
S. : En quoi ce salon est-il différent des autres cadres de concertation qui existent déjà dans le domaine tels que la foire de l’eau ?
V.A.S. : Le SAHYA a pour ambition d’accroître la visibilité des enjeux de l’eau et de l’assainissement auprès du grand public et de son adhésion aux causes du secteur de l’eau et de l’assainissement. A cet effet, le SAHYA vient compléter et amplifier les efforts des initiatives déjà existantes, notamment le Forum national de l’eau et de l’assainissement.
Le SAHYA cible en priorité les acteurs influents de la société (aux plans politique, social, économique, financier, culturel, religieux, etc.) qui ne sont pas souvent impliqués dans les processus institutionnels du secteur.
Pour engager ces groupes-cibles en faveur des causes de l’eau et de l’assainissement, le SAHYA à la différence du Forum national de l’eau, a un format qui rend les informations sur le secteur, accessibles et compréhensibles pour un public non spécialiste. Les panels et ateliers sont donc focalisés sur les informations simples et concrètes susceptibles de faciliter l’adhésion des participants aux causes du secteur. Un accent important est également mis sur les autres formats d’échanges et de communication (exposition, gala, animation, etc.) qui sont des moyens très importants dont l’efficacité est prouvée pour le plaidoyer des causes sociales.
La particularité du Salon est d’être une plateforme citoyenne, d’information, de communication, d’interpellation, d’engagement et d’aide à la décision. Du simple citoyen au décideur, tous ont la possibilité de s’exprimer sans langue de bois, d’interpeller mais aussi de s’informer pour se faire sa propre idée sur les problématiques du secteur avant de s’engager.
S. : Quelles sont les conditions de participation à ce Salon ?
V.A.S. : L’accès du public aux panels, aux ateliers et à l’exposition-vente est libre. Toutefois, le Salon faisant la promotion de l’hygiène, il est prévu une modeste contribution pour les participants qui souhaitent se restaurer sur le site. Les stands sont bien entendus mis en location mais à des coûts raisonnables. L’accès au gala est aussi soumis à une modeste contribution. Notre souci, c’est d’avoir une participation populaire tout en maintenant un minimum de qualité dans les services offerts car un Salon a aussi des contraintes de normes et d’image à respecter. Bien entendu, étant un événementiel, il y aussi des espaces publicitaires que nous mettons à la disposition des acteurs du domaine qui voudraient user de ces formats de communication.
S. : A combien estime-t-on le budget et est-ce qu’il est bouclé car nous sommes à quelques jours de l’évènement ?
V.A.S. : Le budget de cette première édition est estimé à une cinquantaine de millions de Francs CFA, essentiellement supporté par les produits et services à valeur ajoutée du salon (location de stands, vente de tables au gala, offres d’espaces promotionnelles, etc.). Il n’est pas encore bouclé parce qu’avec le putsch manqué qui nous a contraint au report, nous avons connu quelques désistements mais aussi des arrivées. Nous espérons que d’ici le début du salon, tout rentrera dans l’ordre.
S. : Le comité d’organisation est-il fin prêt pour accueillir ces invités ?
V.A.S. : Le Comité d’organisation est prêt. Il a beaucoup délégué notamment les tâches techniques à d’autres professionnels dans ces domaines comme l’aménagement de stands, la restauration, le son et lumière, etc. Nous n’attendons que les participants et les visiteurs que nous invitons à faire massivement le déplacement du SIAO.
Entretien réalisé
par Fleur BIRBA
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